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«L'écriture est
une fonction, un rapport entre la création et la société. Elle est le langage
transformé par sa distinction sociale. Elle est liée aux grandes crises de
l'humanité.» (Roland Barthes)
L'Algérie croule sous le poids de l'âge des dirigeants comme si le «Koursi» est leur raison d'exister. Cinquante ans après l'Indépendance, ils ont su oblitérer de la mémoire nationale la vaillance des Zabana, des Ben M'hidi et des Amirouche qui ont donné leurs vies pour que vive leur pays et leur peuple dans la dignité dont ils ont été privés pendant plus d'un siècle. Ils ont pu, aussi, faire disparaître de la mémoire collective la culture des Ben Badis et des Ibn Khaldoun pour empêcher une Algérie savante, une nation vaillante, une société organisée. Notre École est en passe à devenir «rebus-blicaine» tellement impotente intellectuellement. Elle finira par enseigner, plus tard, l'ignorance. En Algérie, il faut revoir, voire reconstruire le Savoir en tant que seul garant d'un changement social réussi. Il est devenu un vieux sanctuaire poussiéreux et déserté, presqu'inutile. Aujourd'hui, les valeurs boursières l'emportent sur les valeurs morales, nationales, voire humaines. Il y a lieu de croire que les responsables craignent la force de l'intelligence citoyenne. D'où, la volonté politique délibérée de maintenir la médiocrité à tous les niveaux afin de rendre le peuple facilement gouvernable, taillable et corvéable à leur merci. Le système déborde d'inertie en raison de la sénescence de ses détenteurs qui, trop vieux, n'ont plus la force requise à pouvoir suivre la cadence des jeunes. La corruption qui empeste le pays, a franchi le seuil de l'intolérable en affectant dangereusement le sommet de l'État. Malgré cela, aucun dignitaire n'a été traduit en justice. Ces gérontocrates, qui ont trouvé la voie du pouvoir, refusent de chercher celle de l'évolution sociale, économique, culturelle et? démocratique. Peuple et pays sont relégués au second plan. Aucun «comte» ne rend de comptes devant ses électeurs qui l'ont, pourtant, hissé vers les honorabilités parce que protégé par son immunité. Protéger politiciens et parlementaires par l'immunité, c'est violer en toute «légalité» la loi de «l'égalité' des citoyens devant la Loi et la Justice. Le rôle de nos élus est d'être les relais, les porte-parole de leurs électeurs auprès des Autorités locales et/ou centrales avec altruisme et abnégation. Le pays est en train de chavirer sur les rivages de son Histoire parce que la politique pratiquée manque de morale, d'honnêteté et surtout de crédibilité populaire. Ils ont appris à gouverner dans l'opacité, le chaos, l'anarchie, l'incurie, la corruption à tous les niveaux (base et sommet), les détournements, les passe-droits?. Y a-t-il pire aveugle que celui qui refuse de voir le danger, pourtant, imminent? Ces «vieux» ont-ils la vue (de l'esprit) si courte au point de ne point percevoir (toujours par l'esprit) la colère et l'indignation populaires qui ne cessent de gronder et grandir? Ghardaïa n'est qu'un échantillon qui ne doit aucunement faire tache d'huile. L'absence de l'État est trop présente dans tout le pays. Pourtant, nous avons besoin de penser tous ensemble pour et dans l'intérêt du pays et de la nation, particulièrement la jeunesse que rien ne doit se décider sans elle en tant que gage de l'avenir. On ne reproche pas aux dirigeants de se tromper mais de tricher. Le présent leur échappe. Ils ne sont plus de ce temps. Ils sont dépassés, déphasés. La chute des prix du pétrole de 1986 a montré l'incapacité des gouvernants à surmonter la crise économique. Aussi, révélait-elle les faiblesses suicidaires du système à imaginer des solutions idoines pour sortir de la rente pétrolière. D'où les manifestations populaires d'octobre 1988. Ce qui a conduit le pays à la situation actuelle. «Si un pays ayant des potentialités comme le nôtre veut, réellement, se développer et devenir grand, il faudra que ceux qui savent (classe scientifique) et ceux qui peuvent (classe politique) se rejoignent à l'instar des grandes puissances comme le G8 qui gouverne le monde par la force de son intelligence.» Si nous voulons être un maître dans ce monde, il nous faudra suivre l'exemple du maître-Occident dans sa révolution industrielle, sa démocratie, sa Justice, ses Droits de l'Homme et surtout ses performances scientifiques régaliennes. Telle est la noble mission de tout pouvoir politique élu par son peuple pour le bonheur de son peuple. Or chez nous, ce sont toujours les mêmes figures du cénacle qui exercent le pouvoir en tant que carrière professionnelle plutôt que mission. Jamais d'hommes nouveaux, jamais de sang nouveau, jamais d'idées nouvelles. Autrement formulé, Hadj Moussa est subrogé par Moussa Hadj. Pourtant, à nouvelle génération, il faut «obligatoirement» un nouveau système politique, de nouveaux hommes politiques. Avec du vieux, on ne fait jamais du neuf. Changer cet «État» d'esprit révolu et d'un autre âge chez nos dirigeants exige une réelle «Révolution» de mentalité tant leurs ambitions personnelles priment sur les nécessités nationales. D'où, leur refus de céder le pouvoir. Nombre de nos dirigeants sont Algériens par intérêt, c'est-à-dire le temps de gouverner. Dés qu'ils ne sont plus au pouvoir, certains prennent la poudre d'escampette vers «leur ailleurs» d'adoption (France, Angleterre, Etats-Unis ?) où ils sont citoyens ; se dorer sous d'autres cieux grâce aux fortunes amassées à partir de l'Algérie. Celle-ci devient trop étroite pour leurs grosses fortunes indûment amassées durant l'exercice de leur pouvoir en toute quiétude, en toute impunité. L'ex ministre de l'Énergie n'en est qu'un sinistre ministre parmi d'autres avec ses plus de 200 millions de dollars de pots de vin. Perpétuer «l'État» actuel des choses, c'est mettre «l'état» en danger. Avec tout cela, le pouvoir persiste dans sa myopie politique en refusant la séparation des pouvoirs. Particulièrement la justice et l'audio-visuel qui en sont ses instruments privés. Chez nous, la Loi n'est rien d'autre que la volonté du Roi au lieu et place d'être celle de l?Équité. Ce qui est incompréhensible, dans notre pays, est que si le vin est interdit, les pots de vin sont permis. Est-ce que ce système est sérieux? Les Algériens sont fatigués. Aucun espoir d'évolution avec ces «gérontogrates» qui ne cessent d'éroder le moral et conduire les jeunes désespérados vers la voie de la désespérance, à traverser, au risque de leur vie, la «Mort» méditerranée. Le désespoir rend la société statique. Le statu quo devient un accélérateur de l'immobilisme social. Si certains Algériens restent confiants, il n'en demeure pas moins que «cet optimisme manque d'avenir.» La majorité sont devenus, par conviction, «des Algérosceptiques.»Au lieu de réformer le pays, les dirigeants feraient mieux de réformer leur propre morale d'un autre âge (affaire Khalifa, Sonatrach 1, Sonatrach 2?). Ils sont déconnectés de l'époque qui les dépasse. Elle n'est plus la leur. A 75 ans, peut-on sérieusement gouverner un peuple dont les 70% ont moins de 30 ans ? Voilà pourquoi 50 ans après l'Indépendance, qui a fait couler beaucoup de sang, beaucoup de larmes, beaucoup d'encre, l'Algérie n'a rien fait de «bond.» Les mouvements sociaux à répétition en sont la preuve par «l'œuf» que le système actuel risque de couver l'irrémédiable. Avec une école invalide et une université ankylosée, le savoir est en dégénérescence chronique. La force de l'intelligence collective est à l'agonie. L'intelligentsia nationale n'est pas seulement marginalisée ou exclue de la gestion du pays. Elle en est, carrément, «excommuniée» du pouvoir par le Pouvoir. Cela montre bien le verrouillage politique d'une Algérie jalouse de sa médiocratie. Le pouvoir reste une affaire de famille et d'âge. Même le Pape Benoit XVI a démissionné de son Saint Siège avec courage et humilité en raison de son âge avancé. «Tous les postes-clés du gouvernement et de gestion de l'économie sont occupés par des protégés et des proches de l'ancienne génération[1]». Un pouvoir ne peut être béni que lorsque son peuple est heureux sous sa bannière parce que gouverner, c'est d'abord aimer ses gouvernés. Après une guerre meurtrière de plus de sept ans, le peuple, qui a eu raison du système colonial, se voit répudié de sa Révolution après 1965. Depuis, la colonisation a changé de mains. Le FLN postindépendance est devenu, avec le temps, le parti de quelques «F'LN» et «F.L.Haine» pour le reste des nationaux. Avec le nouveau régime commence, alors, une nouvelle ère politique errante : celle de la répression, l'exclusion, les crimes politiques, l'interdiction d'activité politique, de créer des partis politiques. Chose, pourtant, possible durant l'époque coloniale (GPRA, PPA, MTLD, Étoile Nord Africaine, PCA, Association des Ouléma). Toute forme d'opposition et/ou résistance au régime étaient, alors, réprimées. En un mot, il refusait toute forme d'organisation de la société pour garder le système verrouillé. D'où la pratique politique du bâillonnement du peuple et son exclusion de la gestion du pays pour laisser seuls les barons d'un pouvoir usurpé sur la «selle» politique sans qu'aucune force vive ne vienne les parasiter. L'absence de vision stratégique, politique, économique, sociale, culturelle transparente à moyen et long termes est flagrante. Elle est à l'origine des troubles actuels. Avec une réserve de change de près de 200 milliards de dollars, il y a encore des SDF (Sans Domicile Fixe) et des STF (Sans Travail Fixe) alors, qu'avec une pareille cagnotte, on peut construire une autre Algérie plus moderne. Avec une bureaucratie mafieuse et corrompue, le pays est en train de construire sa propre destruction et ériger sa propre faillite. La succession au pouvoir, en Algérie, est étroitement contrôlée. N'arrive au poste de commande que le vassal le plus obséquieux au système et à ses «saigneurs» pour qu'il perdure dans le temps, mais jamais au plus intègre, moins encore au plus performant. Les dernières élections l'ont bien montré et les prochaines aussi. Telles sont les raisons qui empêchent l'Algérie d'évoluer, d'aller de l'avant à l'instar des pays émergents. Le pouvoir est plus précieux, aux yeux de nos dirigeants, que le pays et le peuple. La gérontocratie n'a jamais été un système de gestion efficace, notamment dans un pays où sa population est composée de 70% de moins de 30 ans. Ces vieillots doivent se rendre à l'évidence, aujourd'hui plus qu'hier, que « Tab djananhoum ? » Passer les commandes du pouvoir aux plus jeunes, aux plus compétents, aux plus performants n'est pas un acte decharité. C'est plutôt un acte de justice. Terminons cet article par cette citation de l'Abbé Pierre : «Lorsqu'un pouvoir s'indigne de son peuple, il conviendrait de se demander s'il est digne de le gouverner.» * Maître de Conférences Université de Chlef. |
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