Envoyer à un ami |
Version à imprimer |
Version en PDF
Suite et fin
ENCOURAGER L'OFFRE D'EMPLOI DE LA PART DES ENTREPRISES Les autorités devraient agir sur trois leviers pour encourager la demande detravail émanant des entreprises formelles. D'abord, il leur incombe de stimuler certainesactivités économiques porteuses d'emploi, sans tomber dans le piège de la création artificielled'emplois, mais bien en mettant en place les conditions favorables à cet essor. C'est, en tout cas, l'ambition affichée de la stratégie de promotion du secteur privé. Cette action peut reposer sur lesgrands chantiers qui sont source d'emplois, du moinstemporaires. Elle doit, surtout, chercher à favoriser l'essor des PME, lesquelles sont lesprincipales créatrices d'emploi, et ce dans une perspective dynamique, en réduisant leurs coûtsde création et de fonctionnement. Il ne faut pas négliger l'action sur la demande et l'offre detravail, lesquelles se confondent au vu de l'importance de l'auto-emploi, et qui se doit d'être encouragée par des programmes de soutien auxcompétences et par l'appui financier des microprojets et initiatives. Ensuite, il paraît impératif de chercher à optimiser les complémentarités entreinvestissements en capital physique et qualification des travailleurs. En d'autres termes, ilfaut encourager les entreprises, y compris celles opérant dans le secteur informel, à investir dansde nouvelles machines et technologies, en s'assurant, toutefois, que les entrepreneurs formentleur main d'œuvre pour une exploitation efficace de ces nouvelles acquisitions et développentainsi des effets d'entraînement au sein de l'économie natioanle. Cette inadéquation entrequalification de la main d'œuvre et nouvelles technologies est perçue par des économistes comme l'un des principaux freinsau développement du continent africain. Cela impose une politique ambitieuse de formationprofessionnelle. Enfin, il est indispensable d'améliorer les canaux d'information facilitant la quête depersonnel compétent. Les entreprises se voient contraintes de recourir à des réseauxinformels dont l'utilité peut s'avérer, mais qui rallongent leur temps de recherche (plus de 3semaines pour trouver un ouvrier qualifié) et privilégient des critères autres que la compétence. Pour qu'un marché de l'emploi fonctionne bien, une information homogène doit être mise à ladisposition de tous, afin de réduire ces temps de recherche et d'éliminer les situations de rentedont jouissent certaines catégories de travailleurs capables d'obtenir des rétributions salariales supérieures à leur productivité. Investir dans l´éducation Le véritable enjeu devient donc d'accroître la rentabilité de l'investissement en éducationsecondaire à travers plusieurs actions complémentaires. Premièrement, il imported'améliorer la qualité de l'enseignement secondaire pour que les élèves acquièrent les outilsqui leur permettront d'affronter le monde du travail. Deuxièmement, les nombreux jeunes qui abandonnent leurs études (les plus nombreux)doivent pouvoir bénéficier de structures d'appui ou de rattrapage. L'accent doit être mis surl'enseignement technique, lui aussi le parent pauvre du système éducatif malgache, et sur lareconnaissance de l'apprentissage informel par la validation des acquis expérientiels. Cettedernière action a son importance car il s'agit de l'unique recours pour les jeunes vivants dans lescampagnes pour améliorer leurs compétences. Pour réussir cette transition, l'expérience internationale, avec les certificats de qualifications professionnelles, peutinspirer les décideurs politiques et aider à la mobilisation des structuresintermédiaires, telles que les chambres artisanales et les organisations professionnelles, demanière à mieux rassembler ces jeunes travailleurs de l'informel et ainsi de réaliser deséconomies d'échelle dans leur formation. Troisièmement, parce que l'école ne peut répondre à tous les besoins de la vieprofessionnelle, le Gouvernement doit financer des programmes de formation continue enpartenariat avec le secteur privé. Il faut privilégier les partenariats de formation avec lesentreprises privées, surtout celles qui font preuves de dynamisme. Il existe une opportunitéunique au moment de l'arrivée de nouvelles entreprises étrangères. La formation des travailleurs locaux constitue la véritable externalité que peuventapporter ces entreprises, comme cela a été bien compris par la Malaisie. Enparallèle, il faut mettre l'accent sur les PME, notamment celles qui existent à la frontière entre leformel et l'informel et qui n'ont pas les moyens d'assurer la formation de leurs employés, pardes programmes ciblés. Pour beaucoup demandeurs, l'accès à l'emploi est difficile, même dans uncontexte de croissance. Ce défi est presque insurmontable pour les jeunes qui sont à larecherche de leur premier emploi ou pour les femmes dans les communautés rurales. Une stratégie séquentielle est proposée aux autorités. La première étape consiste àcommencer par garantir la crédibilité des programmes existants par deux actions immédiates. Il leur faut démontrer leur capacité à produire des résultats concrets et cela par une gestion saine, ce qui suppose la mise en place d'un système de suivi, d'évaluation et de contrôles (internes et externes). En parallèle, une rationalisation des programmes s'impose car ceux-ci ont tendance àse chevaucher. Certains pourraient être rassemblés, de manière à réduire leur frais defonctionnement et à dynamiser leurs synergies. La deuxième étape pourrait étendre l'effort de soutien financier direct à la créationd'emplois en allouant davantage de ressources à ces programmes, y compris dans lesrégions. Une simple extrapolation montre que si, tout restant égal par ailleurs, l'Algérieconsacre autant de ressources budgétaires (en proportion de son revenu national) à la créationd'emplois, toute fois il reste de redynamiser l'investissement créateur de richesses et d'emplois. L'expérience internationale suggèreaussi que l'Etat devrait privilégier deux types de programmes : d'une part les travaux à hauteintensité de main d'œuvre et d'autre part l'appui direct financier aux entreprises individuelles età l'auto-emploi (avec des mesures d'accompagnement en termes de formation et d'information). Ces deux types de programmes, en ciblant les groupes les plus défavorisés, répondent à lademande sociale et apparaissent donc les plus efficaces pour promouvoir l'emploi. Nousinsistons sur le besoin de privilégier les programmes d'appui aux groupesvulnérables sur le marché de l'emploi, comme les jeunes, en ciblant l'amélioration de leurscompétences et en desserrant leurs contraintes financières. Ceux-ci peuvent directementcontribuer à l'émergence de jeunes entrepreneurs, créer des emplois décents et permanents qui peuvent alors être échangés pour payer un fournisseur de formation ainsi résoudre une partie des tensions sociales qui sont en train de s'accumuler tant dans les villesque dans les campagnes. Une mise en garde s'impose : ces programmes exigent une vigilance etun suivi attentif car, du fait de leur impact direct et pécuniaire sur les bénéficiaires, ils sontsouvent détournés à des fins de propagande politique surtout au niveau des communes. Les autorités devraients'inspirer de la réussite des programmes mis en place ailleurs. REVISION DU CADRE REGLEMENTAIRE VERS UNE PROTECTION SOCIALE POUR TOUS Le cadre réglementaire du travail offre sur le papier une des protectionssociales les plus fortes au monde. Non seulement le Code du Travail limite l'embauche et lelicenciement abusif, mais il propose aussi des droits de congés et des systèmes de protectionsociale et de retraite qui paraissent généreux selon les standards internationaux. Or, ce cadreambitieux ne s'applique pas à tous les travailleurs, ceux qui sont déjàemployés dans une entreprise formelle (y compris l'Etat), alors qu'il laisse de côté ceux quirecherchent un emploi et ceux qui sont confinés dans le secteur informel. Cette dualité nuit à lacohésion sociale et à l'équité. Il nous faut donc comprendre pourquoi la majorité des travailleurs ne sont pas protégés En guise de facteurs explicatifs, il est parfois avancé que les autorités ne se sont pas donnés les moyens de leurs ambitions et que quelques entreprises qui violent les règles ne risquent aucune sanction. Disons plutôt que les règles ne sont pas adaptées à la réalité algérienne. Le cadre réglementaire du travail doit être complété, notamment par l'adoption de nombreux textes manquants qui réduirait l'incertitude sur les règles d'embauche, favorisant le passage de l'informel vers le formel. Il est également recommandé d'encourager l'usage des contrats à durée déterminée par rapport aux normes internationales. En parallèle, le développement de systèmes de protection alternatifs, moins coûteux quecelui offert dans le Code du Travail, qui prendraient appui sur les systèmes de protectionexistants dans le secteur informel devrait devenir prioritaire. Si ces derniers existent déjàdans beaucoup de pays, ils reposent sur des mécanismes pas toujours transparents et, en raison de leur éclatement, ne parviennent pas toujours à exploiter des rendements d'échellequi leur permettraient de diversifier les risques inhérents au bon fonctionnement d'un système deprotection sociale. A l'instar d'expériences réussies dans d'autres pays africains, il s'agiraitd'étendre des systèmes relativement organisés mais informelsdans desstructures plus organisées de manière à favoriser une meilleure gestion et couverture. Instaurer des conditions décentes sur le lieu de travail La dernière série d'actions est de garantir des conditions décentes sur le lieu de travail entermes de sécurité et d'hygiène ainsi que de dialogue social. L'idée repose sur le principesous-jacent des conditions décentes améliorent la motivation et le rendement des travailleurs etaident à promouvoir la paix sociale au sein de l'entreprise. Il faut non seulement adopter (ou actualiser) les nombreux textes manquants du Code du Travail, mais aussiaugmenter les ressources de l'Inspection du Travail, qui sont aujourd'hui largement insuffisantespour garantir le respect des règles. Le développement de partenariats entre les secteurs privés etpublics devrait être recherché, par exemple pour la mise en place de centres sanitaires au seind'entreprises, qui réduiraient les pertes de journées de travail provoquées par les beaucoup de problèmes de santé. LE CODE DES MARCHES PUBLICS ET L'INSERTION Le Code des marchés publics doit permettre d'inclure une exigence sociale dans le cahier des charges du marché afin de promouvoir l'emploi de personnes rencontrant des difficultés particulières d'insertion. La non prise en compte de l'exigence sociale dans la réponse de l'entreprise conduit à l'irrecevabilité de son offre.L'entreprise ne peut faire valoir ses performances passées en matière d'insertion pour être attributaire du marché. L'obligation de l'entreprise L'entreprise qui répond à un marché incluant une clause de promotion de l'emploi doit consacrer un pourcentage du temps de travail du chantier à un public en fragilité économique. Il s'agit d'un plancher minimal que l'entreprise devra respecter et qui sera vérifié. L'identification des marchés Le maître d'ouvrage prend en considération l'objet, la durée, la technicité, le volume de la masse salariale et le montant du marché afin d'introduire une clause de promotion de l'emploi. CONCLUSION: SE DONNER LES MOYENS D'ALLER DE L'AVANT Par son importance, et son urgence, la promotion de l'emploi devrait occuper une placeprépondérante dans la stratégie de développement économique. Une grandepartie de sa réussite va dépendre de sa capacité à créer des emplois, décents, pour la majorité dela population active. La problématique de l'emploi revêt aussi un aspect multidimensionnelpuisqu'elle touche autant les industries que le commerce, l'éducation, ou la protection sociale.Bref, l'emploi demeure l'affaire de tous. C'est pourquoi l'Algérie doit se donner les moyens d'aller de l'avant. Cela commence par un ancrage institutionnel fort qui permette de prendre en compte la transversalité de l'emploi. Aujourd'hui, cet agenda se trouve sous la responsabilité du Ministère du Travail et de laFonction Publique même si certaines tâches sont accomplies par d'autres Ministères comme ceuxde l'Education, de l'Economie et des Finances. Ce cadre institutionnel dispersén'offre pas une autorité ainsi qu'une visibilité suffisante, et génère d'inévitables problèmes decoordination. Notre suggestion serait de s'inspirer de pays qui ont réussi, soit en plaçant laresponsabilité de cet agenda sous la Primature (exemple de la Malaisie), soit en créant un« super- Ministère »de l'emploi. En parallèle, d'importants moyens financiers doivent être engagés car une politique del'emploi requiert un engagement technique et financier, notamment pour rendre viable unepolitique ambitieuse de formation et de promotion active de l'emploi. Ces caractéristiques ne sont pas propres à notre pays et se retrouvent malheureusement dans lamajorité des pays africains. Il n'existe donc aucune raison de croire que l'Algérie ne fassepas figure de précurseur car l'enjeu, sans nul doute, en vaut la peine. |
|