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Nous vivons,
actuellement, dans un monde que la cécité politique des gouvernants arabes les
empêche de voir qu'il n'est autre que «la maison du fort où seuls les puissants
s'imposent». Nous avons souvent rappelé, dans les colonnes de la presse (pour
qui voulait nous entendre), que le monde arabe a tout pour être le maître du
monde : position géographique stratégique, richesse des sols et sous-sols, 80% des
ressources énergétiques mondiales se trouvent en terre d'Islam, Canal de Suez,
potentialité humaine, richesse naturelle.
Malgré cela, ils croupissent dans une misère éthique et une décadence morale inqualifiables en raison de leur «débauche politique.» Pas d'invention, pas de création, pas de technologie, pas de production, pas de productivité, pas de parts de marchés parce que il n'y a pas de produits à vendre (mais tout à acheter grâce à la générosité de M. De Pétrole). Ils ne se mesurent plus à Israël qui bombarde Gaza avec le pétrole arabe. Ils ne se sentent pharaons qu'envers leurs propres peuples lorsqu'ils sont contestés parce qu'ils se savent illégitimes. D'où dictatures, marasme politique, luttes intestines, terrorisme, «mafiocratie», «kleptocratie», détournements colossaux de deniers publics par les Chefs d'États eux-mêmes (se chiffrant en milliards de dollars), médiocratie, guerres civiles, massacres, trahisons, monopolitisme, état d'urgence, despotisme, népotisme, oligarchies, familles royales, dynastie républicaine, Républiques bananières qui ne sont utiles au monde que pour leur pétrole, politique verrouillée, liberté d'expression et artistique cadenassée, fraudes électorales insultantes au vu et su de tous faisant fi à toute moralité tant musulmane qu'humaine. Les dirigeants arabes se permettent «le luxe !!!» de massacrer leurs peuples qu'ils dirigent de force depuis des décennies et détruire leurs pays : les Algériens (octobre 1988), les Tunisiens, les Syriens, les Libyens, les Yéménites, les Égyptiens, les Bahreïnis? massacrés lors du Printemps arabe dont le vent de la menace n'a pas encore cessé de souffler sur ces régimes «non grata». L'accalmie n'est pas le beau fixe. Chaque nabab arabe se prend pour le guide éclairé et/ou inspiré (par Dieu ou Diable ?) pour ses compatriotes, le Soleil pour son pays, l'Oxygène pour son peuple. Bref, sans lui, tout sombre dans l'étiolement. Cela n'est pas si faux parce que sa conduite, sa morale, sa raison, ses facultés mentales et intellectuelles se sont étiolées. Ces gérontocrates, que même l'âge (septuagénaires et octogénaires) n'est pas parvenu à assagir, comprennent-ils la jeunesse, d'aujourd'hui, qu'ils gouvernent : génération de l'internet, du téléphone mobile, de la parabole et d'autres technologies ultra sophistiquées qui n'existaient pas lorsqu'ils (dirigeants) avaient vingt ans. Leur entêtement, à s'agripper mordicus à «leur» pouvoir usurpé par la force de leurs baïonnettes, a fissuré l'âme de toute la nation. Pourtant, nombre de dictons rappellent, en vain, ces sanguinaires à la raison sans foi ni loi qui ne cessent de faire souffrir leurs peuples : « Tout pouvoir excessif meurt par son excès même. » « Le partage des pouvoirs est le plus sûr moyen d'en empêcher l'abus. » « Tout pouvoir s'affaiblit s'il ne tolère pas qu'on l'avertisse de ses erreurs. » « L'abus du pouvoir engendre tous les crimes. » LA VIE CULTURELLE Le monde arabe a connu une période culturelle faste, notamment avec l'avènement de l'Islam en tant que nouveau mode de spiritualité qui prône «l'acquisition du savoir» sur tout le reste avec son Logo divin: «LIS.» La position géographique du monde arabe en Méditerranée a permis à sa culture de rayonner sur le bassin méditerranéen pendant que l'Europe croupissait dans l'obscurantisme durant le Moyen Âge du 9ème au 15ème siècle. Des dynasties entières ont veillé scrupuleusement sur ce patrimoine culturel prégnant et son rayonnement pendant des siècles, particulièrement, sous les règnes de Haroun Rachid, d'El-Ma'mûn et bien d'autres Rois-philosophes de l'Islam. La culture, à leurs époques, avait sa place d'abord dans les cœurs puis dans les esprits des dirigeants de la nation et, par voie de conséquence, dans ceux des communs des Musulmans. Ce qui a permis à l'Islam de connaître ses siècles des Lumières. Il a montré à ses fidèles le chemin éclairé du savoir. Quant à la matière, elle risque de les fourvoyer si trop l'adulent. Aujourd'hui, il y a lieu de constater un retour rompant à la gentilité. Le monde arabe se massacre gratuitement pour le passé au lieu de se tourner vers l'avenir qui semble lui échapper. Sa décadence chronique (depuis au moins cinq siècles) le met dans une situation des plus inconfortables en raison des oppositions insolubles dont il fait face (chiites, sunnites). Il lui est difficile de se fixer entre Tradition et Modernité, Séculier et Régulier, Orient et Occident. C'est-à-dire entre la culture originelle islamique et la culture occidentale acquise qui a, sans conteste, permis une ouverture sur l'universalité et la modernité. En dépit de leurs différences, ces cultures ne sont pas foncièrement antinomiques. De part sa position géographique, notre culture subit des influences culturelles, à la fois, arabe, musulmane, africaine et européenne (latine, espagnole, française). Ce qui fait d'elle un confluent où se brassent différentes cultures. Toutefois, à partir des années 70, le problème culturel commence à se compliquer dans les pays arabes parce que politisée. D'où des conflits idéologiques qui détruisent plus qu'ils ne construisent. Conflits entre le courant islamiste qui instrumentalise, à la fois, la langue arabe (en tant que langue du Coran) et la religion islamique et les laudateurs de la culture occidentale (comme moderne) mais considérée, par les premiers, comme hérétique parce qu'étrangère et d'importation. L'UNIVERS UNIVERSITAIRE Le Savoir, en Algérie, est en réel naufrage parce que sa mère (l'université) est sérieusement malade. Vu la pléthore de la population estudiantine (c'est encore et toujours la politique du chiffre), elle est en passe à se transformer en une simple crèche pour adultes vu l'érosion du niveau des étudiants. De l'avis unanime des ces derniers, elle assure plutôt le diplôme. Quant à la formation, elle est à chercher ailleurs. Pourtant, c'est l'Université qui hisse le pays vers le haut sur les plans politique, économique, sociologique et intellectuel. Les universités des pays avancés cultivent la performance et non l'ignorance, l'élite et non la masse. L'université algérienne occupe la 4116e place selon le classement de Shanghai sur les 6000 dans le monde. Les 40 premières sont américaines. Voilà pourquoi les USA sont le gendarme du monde : par le savoir et la démocratie et non par les baïonnettes contre leur peuple. La première université française occupe la 129e position. Ce n'est ni l'enseignant ni encore moins l'étudiant qui sont à l'origine de cette débâcle de l'université algérienne que personne ne semble pouvoir (ni vouloir) endiguer. Ceci relève d'une décision purement politique claire et ne soufrant d'aucune équivoque. Les dirigeants caressent les jeunes dans le sens du poil pour éviter la menace du printemps arabe en Algérie afin de perdurer dans leur pouvoir et, par voie de conséquence, préserver leurs avantages matériels. Et l'Algérie ? Advienne que pourra. Par contre, l'enseignant-chercheur, en tant que cheville ouvrière de l'université, est marginalisé si bien qu'il ne dispose d'aucun statut particulier qui lui permet de se distinguer du reste de la société de par ses compétences pointues et d'être respecté en tant que tel. Ce qui explique l'hémorragie des sommités nationales vers l'étranger. D'un autre côté, se pose le problème du poste du rectorat. Pour apporter continuellement du sang nouveau à nos universités, il siérait de faire comme dans d'autres pays qui vénèrent le savoir : supprimer le poste de Recteur à vie et le remplacer par celui de Président de l'université élu pour un mandat renouvelable deux fois. Le retour au système modulaire pour une meilleure relève. Avec un pareil système, les étudiants se verront obliger à travailler davantage à tous les modules pour être, plus tard, performant et de mettre fin à cette massification de diplômés sans le niveau universitaire requis. C'est ainsi que doit être garantie une assurance de qualité et non seulement de quantité. Un autre problème auquel est confronté l'enseignant-chercheur est celui de la publication. Trop peu de maisons d'édition. Comment l'université algérienne pourrait-elle être compétitive et mieux classée si les chercheurs n'arrivent pas à se faire publier ? Aussi, faut-il encourager les chercheurs qui publient moralement et matériellement. Moralement par des avancements (échelons, promotions?) ; matériellement au moyen de primes de recherches et de publications décernés par le Ministère de tutelle. Voilà comment, à notre avis, l'université algérienne pourrait-elle réaliser un saut qualitatif et améliorer, du coup, la qualité de son enseignement, contribuer «intelligemment» au développement intellectuel et au progrès scientifique dans le pays. Alors, peut-être, redorerait-elle son ancien blason terni depuis quelques lustres. Rassurons-nous, la situation n'est irréversible pour peu que les politiques cessent de promouvoir la médiocrité qui empoisonne la vie des compatriotes et ce, pour un avenir meilleur, à la fois, de l'université et du pays. L'INTELLECTUEL ARABE : UTILE OU DERANGEANT ? L'activité de l'intellectuel repose essentiellement sur «l'esprit» de par son engagement dans sa cité en raison de son savoir. Il n'a pas d'autorité pratique : politique, soit-elle ou administrative. «L'intellectuel est une figure contemporaine distincte de celle plus ancienne du philosophe qui mène sa réflexion dans un cadre conceptuel.» Les intellectuels, de par le monde, sont les gardiens des valeurs humaines universelles telles que la Vérité, la Justice, la Raison? sans, pour autant, prétendre constituer un front d'opposition au pouvoir. D'où, ils ne se confèrent aucun pouvoir. Cependant, ils refusent toute concession ou compromis avec le Pouvoir pour ne pas compromettre leur capital-confiance face aux opinions nationale et internationale. Leur attitude quasi-sacrée relève plus d'une conscience sociale que d'un engagement politique stricto sensu. Pour Sartre, l'intellectuel s'engage forcément aux côtés de l'Éthique. Autrement dit, il s'insurge contre toute forme d'oppression et de répression. Il plaide pour une réelle liberté de pensée, d'expression, de conscience et même de conviction. Faute de quoi, il se verra taxé d'intellectuel organique partiaire à la solde du pouvoir. Un intellectuel refuse, par définition, d'être complice, ne serait-ce que par son silence, sur des dérives commises par des despotes au pouvoir. Dans ce cas, l'intellectualité devient résistance, voire même dissidence. Si ces dernières décident de se soulever, elles pourront faire fléchir le système et, par voie de conséquence, le forcer à revoir son éthique politique ou se retirer à moins qu'il ne soit un ?'pouvoir assassin'' comme nombre de tyrans arabes qui utilisent armes lourdes et aviation contre leurs propres peuples qu'ils traitent de terroristes lors du Printemps arabe au lieu et place de les diriger vers Israël, l'ennemi commun des Arabes. Ce printemps a fait tomber beaucoup de masques : tous les peuples arabes exècrent leurs tyrans parce que ces derniers méprisent leurs compatriotes. « Aujourd'hui, l'action [de l'intellectuel] pour Mirabeau, doit se réfugier dans le livre. C'est dans le livre seul que, dégagée des contingences malsaines et multiples qui l'annihilent et l'étouffent, elle peut trouver le terrain propre à la germination des idées qu'elle sème. Les idées demeurent et pullulent : semées, elles germent ; germées, elles fleurissent. Et l'humanité vient les cueillir, ces fleurs, pour en faire les gerbes de joie de son futur affranchissement. » Cette même idée revient chez Albert Camus, en 1957 à Stockholm dans son discours prononcé à l'occasion de la remise de son Prix Nobel. « L'écrivain, dit-il, ne peut se mettre au service de ceux qui font l'Histoire. Il est au service de ceux qui la subissent. [?] Mais, ajoute-t-il, il ne faudrait pas pour autant attendre de lui des solutions toutes faites et de belles morales. La vérité est mystérieuse, fuyante, toujours à conquérir. La liberté est dangereuse, dure à vivre autant qu'exaltante. » La société arabe est en prise à des crises, à la fois, d'ordre spirituel et temporel. Ce qui met l'intellectuel dans une situation inconfortable. Il se sent déstabilisé entre les courants islamique et occidental. Même islamique, il se sent tiraillé entre deux courants qui se neutralisent mutuellement : le courant moderniste d'El Islah et les Salafistes. Ces derniers se sentent confortés, notamment, après la défaite des Arabes face à Israël, en juin 1967. Les premiers considèrent, mais sans le démontrer, qu'il est possible de se moderniser sans l'Occident. C'est-à-dire que l'on peut maitriser sa technologie sans le «singer» dans son mode d'existence. C'est, donc, consommer le «bon grain» et jeter «l'ivraie.» La nation arabe se sent fourvoyée une forêt de courants idéologiques aussi bien multiples qu'opposés : marxisme, socialisme, libéralisme, islamisme, laïcité, démocratie, modernisme, traditionalisme, Orient, Occident?. Même son intelligentsia n'arrive pas à se retrouver. Cette crise perdure, à notre avis, parce que les régimes arabes refusent d'autoriser leur intelligentsia à se constituer en classe scientifique efficace en tant que corps constitué (donc organisé) tout comme la classe politique, pour se concerter et participer efficacement, grâce à son savoir, au développement d'une pensée favorable à la nation tout entière. La société se trouve, ainsi, bloquée. D'où, certains prônent le retour à l'islamisme. Pour Abdallah Laroui, la crise de la nation arabe est d'ordre sociologique plus qu'idéologique. Les intellectuels arabes sont nombreux, divisés, atomisés. Ce qui handicape leur performance pour faire progresser une pensée et l'imposer en tant que mode gestion aux décideurs et de conduite à la société. Ce sont des élites éparpillés à travers la nation et dissous en elle. Ils ne forment pas un bloc homogène avec un statut d'iceberg qui lui revient de «Droit» à l'instar des politiques. Voilà, à notre avis, pourquoi la nation arabe n'a pas une pensée maîtresse suffisamment mûre ou, à tout le moins, n'a pas encore atteint le stade final de sa maturité pour prendre la force d'une idéologie sociale, soit-elle, politique, économique, culturelle, géostratégique ? à même de hisser la nation vers les cimes, de rayonner dans le monde et où l'individu arabe peut se sentir fier d'être ce qu'il est : Arabe et Musulman. Hélas, le savoir aujourd'hui pour nos dirigeants, relève de la trivialité, si ce n'est de la subversion. Bref, presque du superflu. Ils refusent, par cécité politique (il n'y a pire aveugle que celui qui refuse de voir), que sans le savoir, point de salut, point de suprématie fiable ni richesse viable. Ce qui manque à l'intelligentsia arabe, c'est un espace de pensée et d'expression libres. Mais, aussi, aux décideurs de rester à l'écoute et de prendre acte des résolutions émanant d'elle (intelligentsia) car les deux classes (politique et scientifique) forment les deux jambes d'une seule et même nation. Alors, peut-être que le monde arabe deviendra-t-il, un jour, «le maître de ce monde.» Pour «leurre», contentons-nous de rêver. Chez nous, le «Rêve» fait vivre, chez d'autres «l'Espoir» fait vivre. A défaut d'espoir, on se contente de rêve (peut-être se réalisera-t-il un jour, mais ce jour ? ne sera pas demain). Tant que ces dirigeants illégitimes resteront rivés au pouvoir avec la bénédiction de l'Occident -pour pomper nos richesses-et non élus avec la volonté de leurs peuples, même rêver relève du leurre. * Docteur ès Lettres Maître de Conférences Université Chlef |
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