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Y aurait-il une
différence entre le temps et l'instant ? La linéarité du premier est
interrompue par les limites inhérentes au second. L'instant c'est le temps qui
s'arrête, marque le pas sur un évènement.
Le bonheur comme le malheur, la naissance comme la mort, et pas seulement des êtres humains. Le temps meurt un moment, dans l'instant, puis renaît et poursuit sa durabilité. Il est suspendu par l'instant qui est finalement un isolement dans et en dehors du temps. La fête c'est un instant, comme l'est la fin de l'année par rapport au temps. Resteraient les connotations et les évocations culturelles, que les hommes et les femmes auront accolé, à ces instants à partir de leurs propres cadres de références. Chaque fin d'année, des quiproquos naissent dans les familles. Organiser et préparer le repas du réveillon de la saint sylvestre, du 31 décembre, ou bien en faire l'impasse ? Soit grimer les voisins pour ne pas être mis au ban, qui eux ont fait le choix de s'en passer. Sinon pour jalouser ceux qui sont loin, et aussi tout près, dans la rue d'en face, ou au-delà des mers, mais qui la fêtent, aussi par choix. Et assumer sa résolution et s'affronter pour continuer à vivre parmi les voisins. C'est l'autre côté de la fête. Cependant, au bout de ces questionnements, pour le moins existentielles, y aurait-il autre chose, que des moments de convivialité, d'amour, de partage, de retrouvailles, de pardon et de dialogue ? Inviter les voisins, ou leur envoyer un bon plat de coucous et autres bonnes choses, à l'heure du souper. Quels plaisirs pour tous, et qu'importe l'occasion, et tous les marqueurs socio-culturels qu'elle véhiculerait. Et l'exemple de la fête de Noël est un paradigme très parlant pour expliquer et démêler, si faire se peut, un de ces écheveaux, source d'imbroglios, de confusions et de malentendus. La commutation, du fait de l'homme pour servir ses intérêts, de cette fête profane et temporelle, en une fête religieuse, n'est qu'une interversion et une adaptation du séculier aux rituels religieux. Car à l'origine, cette manifestation célébrait le solstice d'hiver, déterminé fin décembre, pour marquer la victoire de la lumière sur les ténèbres, et honorer le dieu Mithra, ce dieu indo-iranien dont le culte fut célébré jusqu'à Rome, et avait été christianisée, sur le tard. L'église voulait coûte que coûte déterminer, voire numéroter la naissance de Jésus, alors même que son lieu de naissance fait toujours polémique. Le christ serait-il né à Nazareth, ou bien Beït-Laham, Bethléem ? Selon les spécialistes de la question, aucun document connu à ce jour, n'atteste l'exactitude de l'année ni du jour de la naissance de Jésus. Cette date du 25 décembre, qui marque le triomphe du jour sur la nuit, fut donc choisie pour sa symbolique, à partir de l'an 353/354 de notre ère, et depuis lors, cette fête du soleil fut récupérer par l'église, pour commémorer la nativité. 354, c'est l'année de naissance de mon compatriote Saint Augustin, à Thagaste, l'actuelle Souk-Ahras. Donc noël du 25 décembre n'a aucune racine religieuse chrétienne, ce n'est qu'un arrangement. Par ailleurs et pour ce qui est du festif et du ludique, liés à cette occasion, il y a beaucoup à dire. L'assemblage final, tel que connu et pratiqué aujourd'hui, c'est un mélange de célébrations, et de cérémoniels, scandinaves, germaniques, anglo saxonnes, de saints, et autres personnages légendaires. Cela va de Saint Nicolas qui entre par la cheminée pour apporter des friandises et des cadeaux aux enfants sages. Cet affable héro porte une longue barbe blanche, et un long manteau, souvent rouge, l'image même du grand père sage et attentionné, comme le reflète la fabrication de son image. Car en antinomie, la fable fait exister son opposé compère, le père fouettard. Ce dernier d'aspect repoussant, horrible et menaçant, tient la baguette du bonhomme sans coeur, pour fouetter les enfants qui avaient été méchants durant l'année écoulée. Il existe aussi, d'autres versions et déclinaisons de ce personnage chimérique. Il y a le Santa Clauss, aux Etats-Unis. Une variante du Saint Nicolas, outre atlantique, plutôt laïque lui, conduit par des rennes, qui tirent un traîneau. Son inventeur l'avait imaginé originaire du pôle nord. La Finlande récupérera alors, au XIX èm siècle ce conte en s'affirmant être, sans conteste comme le pays du père Noël. D'ailleurs chaque année, à partir du 24 décembre toutes les télés du monde montrent ce personnage sur son attelage tiré par des rennes, traversant des immensités enneigées de sa Laponie natale, transportant des cadeaux par milliers pour tous les enfants sages. Et là simple petite remarque. Comment peut-on procéder,pour faire coïncider,et faire se superposer,une légende toute de rouge vêtue,avec une longue barbe blanche,venue du grand froid,sur un traîneau tiré par des rennes,avec une hotte pleine de cadeaux,doté de la faculté,de pénétrer chez le gens par la cheminée,pour déposer ses présents, au pied d'un sapin,entouré de chaussures récipiendaires ,d'un coté. Et de l'autre un messie, né pauvre, sous des latitudes arides et presque désertiques, où il ne neige jamais, sauf miracle. Où le renne ne vit pas et que le traîneau, du moins le type nordique, est inconnu. Et que ce prophète, au-delà de la bonne parole, n'apporte aucun cadeau dans ses bagages ? Si l'emballage et packaging de cette transposition sont beaux et attirants, il y a tromperie sur le produit, sur la marchandise. C'est le légendaire greffé au religieux, et les promoteurs de cette opération de communication avant l'heure, connaissaient leurs objectifs. Quant au réveillon de fin d'année, celui dit de la saint sylvestre, il a été ainsi baptisé, par référence au 33èm pape catholique, canonisé et devenu saint, dont l'anniversaire est célébré le 31 décembre du calendrier grégorien. Ce calendrier instauré en 1582, pour corriger les erreurs contenues dans le calendrier Julien, dédie chacun de ses jours à un saint. Cependant et au-delà du séculier devenu spirituel. Dans quasiment toutes les cultures de tous les peuples de la terre, on fête soit le retour de la lumière du soleil, après avoir atteint son niveau le plus bas de présence au début de l'hiver, ou bien on célèbre la renaissance de la nature au début du printemps. Cette résurrection cyclique du temps est intrinsèquement liée aux divers patrimoines immatériels, de sociétés agrariennes. Elle est liée au mode de production des anciennes civilisations agraires, et de ses usages, qui perdurent. Ces héritages, se sont au cours des temps, transformés, ont évolué et avaient muté, pour s'adapter à des environnements nouveaux crées par les hommes, mais sont demeurés dans leur essence impérissables. Ils sont apprêtés, aménagés et arrangés à l'heure du temps, et à la mode ambiante du moment. La célébration par excellence qui reproduit de pareils rituels, chez nous, c'est la fête de En-Nayer. L'étymologie du mot viendrait de l'appellation du premier mois du calendrier julien, celui qui précéda l'éphéméride grégorien : ianaurius- janvier. Les commémorations d'En-nayer, ont lieu en Algérie comme partout en Afrique du nord, et à travers les contrées à population amazigh, le 12èm jour du mois de janvier. Les usages sont quasiment les mêmes, dans toutes les sociétés, qui accueil aux travers des solstices d'hiver, c'est-à-dire pour faire simple, le cycle où la présence du soleil s'allonge chaque jour un peu plus, pour faire que les journées soient plus longues. Et cela durera jusqu'à ce que cette longueur atteigne son niveau le plus haut. Et là commence alors sa décroissance, jusqu'à ce que cette durée enclenche son cycle de naissance en s'allongeant de plus en plus chaque jour. Ces sociétés agraires s'organisent pour accueillir la lumière, et le nouvel an. Et pour que l'année nouvelle apporte la prospérité, l'abondance, et éloigne les malheurs, les catastrophes et les cataclysmes. Elle est accueillie avec faste à tous points de vue. Les chaumières sont nettoyées et chaulées. Les nouveaux nés de cette courte période, sont censés porter bonheur, notamment la naissance de garçons. Cela se comprend pour des sociétés où le travail est essentiellement manuel. On procède aussi à la première coupe des cheveux des garçons, pour qu'ils ne ressemblent plus aux filles. Et sous tous les toits on prépare des mets succulents, ainsi, ce jour là on ne regarde pas à la dépense. Au diable l'avarice pour que vienne à travers les récoltes et la multiplication du cheptel, la fortune et les richesses. Il va de soi aussi, que ces jours-ci, la générosité remplace toutes les autres attitudes. Des animaux sont sacrifiés pour l'occasion, des poulets, des cabris, des agneaux et même des veaux. Le partage est à l'honneur durant ces journées de fête. Tous les habitants du village, de la dachra et autres hameaux, mangeront un couscous avec les légumes de la saison, mais surtout, chacun des membres de toutes les familles aura son morceau de viande. D'un autre côté, et comme en Algérie nous utilisons la répartition du temps selon le calendrier grégorien, il va de soi que nous célébrions, avec tous les peuples du monde qui utilise le même décompte, la fin d'une année qui s'achève et également que nous marquions surtout avec nos meilleurs vœux, l'avènement de celle qui arrive. Sur toute la planète la quasi majorité des pays fêtent l'évènement, avec liesse, feux d'artifice géants, réjouissances, échanges et partages de voeux. Et cela n'a rien de religieux, l'origine de cette fête demeure profane. Dans les nations multiconfessionnelles, et les sociétés multiethniques, les gens se retrouvent justement à cette occasion pour communier ensemble, en faisant abstraction de leurs extractions référentielles. Aux États-Unis comme au Liban, en Afrique du Sud, ou bien au Canada, autant les diversités culturelles dans ces communautés, semblent les séparer, autant cette fête calendaire les fait se solidariser, ne serait-ce qu'un instant. La fête c'est un instant de répit. Dans les sociétés agrariennes, tout le temps était consacré au travail. Les vacances, les congés et autres jours fériés, n'avaient rien de conventionnel. L'inactivité et le repos étaient des moments rarissimes et singuliers. Le travail consistait à s'occuper d'autres êtres vivants, et pour qu'ils donnent leurs fruits, il faut s'astreindre à les soigner. Ce n'est pas le cas des machines qu'on arrête quand on veut, et qu'on fait redémarrer pareillement. Si les végétaux passaient par une période cyclique de dormance. Il était tout autrement pour les animaux, à poils, à laine ou bien à plumes. Il faut une présence permanente. Il y a les femelles pleines qui peuvent mettre bas à n'importe quel moment. Des nouveaux nés qu'il faut surveiller, des petits qui sont malades, et d'autres bêtes qu'il faut protéger des divers prédateurs qui rodent. Donc toutes ces pénibilités et toutes ces contraintes sont remisées les jours de fête, même une fois l'an. C'est une récréation momentanée, pour une recréation de l'énergie qui servira durant l'année nouvelle à entamer. C'est aussi durant ces moments où l'ordre établi, j'allais dire la division du travail est contestée et remise en cause. La fête c'est une forme de liberté. Certaines communautés organisent ce jour là leur carnaval et les gens se déguisent. L'anonymat procure un sentiment et parfois même une réelle liberté, par rapport aux conformismes sociaux et familiaux. Les fêtes sont également des instants de socialisation des liens, et à l'occasion, certains interdits tombent. On permet par exemple aux gosses de veiller plus longtemps que d'habitude, et de partager des moments par tradition, du domaine exclusif des adultes. Les filles peuvent se faire belles ces journées là, sans que personne ne trouve à en redire. Ces moments de socialisation, sont des parcours d'apprentissage des valeurs, des codes et des normes qui participent à la formation de l'identité sociétale de l'individu. Cet enracinement, mêmes étayé par des légendes, et soutenu par le mythe est un liant solidaire qui régénère le groupe social. Il peut également servir de pare choc. On n'affronte pas les autres cultures et les autres civilisations. On se compare à elles en confrontant les acquis de chacun. Les heurts que peut provoquer la vacuité, laisseraient place aux échanges des héritages, aisément partagés, sans autres complexes sources de conflits. A chaque veille de fin d'année, il y a en Algérie, chez les pâtissiers de l'embarras. Faudrait-il ou pas façonner des bûches? Ce gâteau qui imite in fine, un végétal, enfin, un rondin. Cette pâtisserie, ce levain de chiffre d'affaire, n'a rien de religieux. Oui cet entremets, pour ce faire valoir, emprunte tout, son âme et sa chair, à la fable, papa noël. Il reproduit le décor et tout le folklore pour se faire vendre. La bûche rappelle, évoque et suggère même, l'environnement du grand nord, ses neiges, ses couleurs, ses forets, ses rennes et ses morceaux de bois. Ce n'est ni l'ambiance, ni l'atmosphère, encore moins le biotope, des terres dites saintes, qui avaient vu la naissance des prophètes des religions révélées. Alors pourquoi culpabiliser pour un simple morceau de gâteau ? Cette gourmandise, sentiment humaine du reste, ne peut en aucun cas être assimilée à la gloutonnerie. Encore que certaines personnes subissent des pulsions gloutonnes, contre lesquelles elles ne peuvent rien. Alors que d'autres sans aucune retenue s'y prélassent. Là il y a de l'égarement, de la démesure, de l'hybris comme diraient les grecs anciens, eux qui ne connaissaient pas la notion de péché. Dans certaines sociétés, par ailleurs, le divertissement est mal vu. Alors que, comme le travail et le sommeil, la distraction est nécessaire à l'équilibre de l'être humain. Et ceux qui avaient compris cette nécessité, ont en fait un secteur économique créateur de richesses et de postes d'emploi. Les fêtes sont des instants qui cassent le rythme du temps et aplatissent tous les échelonnements hiérarchiques, les grades, les positions et les rangs sociaux conventionnels. Lors des fêtes religieuses chez nous, le plus modeste des algériens peut embrasser, et donner l'accolade, au président de la république, aux ministres et à tous les officiels, traditionnellement inaccessibles, pour cause de protocole. Peut-on dès lors, au 21èm siècle se satisfaire de son isolement, de son confinement, et de son insularité pour vivre normalement ? Depuis que l'homme existe sur terre, c'est la première fois de son histoire, qu'il peut communiquer, avec quasiment tous ceux qui habitent la terre, en temps T, et en live. Cette révolution est rendue possible et réalisable, avec toutes les facilités qu'offre Internet et ses divers réseaux sociaux ? Sans vendre son âme au diable, la fête est un agréable instant au cours du temps. Alors, la fin de l'année, fête ou pas fête ? Moi à toutes et à tous je dis, bonne année, et meilleurs vœux. |
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