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François Hollande
est donc parti, probablement satisfait. Il a concédé reconnaître les
souffrances du peuple algérien, ce que personne ne lui demandait.
Ces souffrances-là sont une affaire interne. Elles ne le regardent en rien. C'est dans l'intimité des familles que se construit la vie après le deuil. C'est dans l'amitié des siens que s'estompe le souvenir des souffrances passées. Ce qu'on attendait de lui, c'était une déclaration de reconnaissance, non seulement de la colonisation, mais de la matrice qui l'a produite. C'est à la mise en cause du paradigme occidental, forgé au cours des cinq siècles passés, qui présuppose une inégalité intrinsèque des « races » qu'il était convié. C'est ce paradigme qui a permis de justifier la barbarie coloniale et esclavagiste, lui qui a autorisé que cette monstruosité se déploie avec l'assentiment au moins tacite des opinions publiques des pays agresseurs. Nous sommes loin du compte. Il est vrai que ce même Hollande plastronnait devant les siens avant même de monter dans l'avion présidentiel en déclarant qu'il ne présenterait pas d'excuses à Alger ! Etrange décidément? S'il regrettait vraiment les souffrances infligées au peuple qui s'apprêtait à le recevoir, pourquoi exclut-il de lui demander pardon ? C'est qu'il s'agit de donner des gages en France même, à une opinion majoritairement algérophobe, largement convaincue encore aujourd'hui d'avoir été volée d'un bien précieux, l'Algérie. Pour l'heure, rien ne prédispose cette opinion à un réexamen critique de ce qui fonde son histoire, de ce à quoi elle a cru si fort qu'elle n'est pas près d'y renoncer, la supériorité intrinsèque qu'elle estime avoir sur d'autres peuples, les «gens de peu » que méprisait Herzl. Une parenthèse édifiante à ce propos, et un détour par la Palestine. On cite souvent le slogan sioniste (à la véracité contestée mais repris par la majorité des dirigeants israéliens) qui a préludé à l'occupation de la Palestine : « Une terre sans peuple pour un peuple sans terre ». La plupart des commentateurs l'ont pris au pied de la lettre et ont tenté de le contrer en démontrant que la Palestine était déjà largement habitée à cette époque. Herzl et les autres connaissaient la vérité. Simplement, ils considéraient les locaux comme des êtres inférieurs, des « pennyless people, ou gens de peu » dont il convenait de se débarrasser. Ils connaissaient si bien cette réalité, ils planifiaient avec tant de détermination le « nettoyage ethnique » de la Palestine que dès 1929, le courant révisionniste du sionisme dirigé par Vladimir Jabotinsky élabora la théorie du transfert. Il proposait de déporter les « Arabes » au-delà du Jourdain. Cette théorie est toujours d'actualité. Pourquoi ce détour ? Le tropisme palestinien de l'auteur n'est pas seul en cause. C'est que la politique coloniale en Algérie a été dictée par la conviction du primat de l'homme blanc. Envahir, puis investir l'Algérie ne représentait pas un acte de piraterie internationale au nom de ceux qui l'ont menée mais une simple réappropriation d'une partie d'un monde dont l'Occident s'estime seul propriétaire légitime. Cette grille de lecture est encore à l'œuvre aujourd'hui. C'est elle qui a permis de faire exploser l'Irak au prix d'un mensonge avéré sans qu'il se trouve grand-monde pour s'en émouvoir. C'est elle qui a permis (qui permet ?) à la France de choisir des présidents africains dans le cercle des SLE (Sachant Lire et Ecrire) à sa dévotion. C'est elle qui exclut la majorité des pays du champ de la politique, laissant les plus pauvres aux soins des organisations humanitaires. Cette grille de lecture a connu une nouvelle illustration récente. Elle a eu pour cadre l'Algérie. La Président Français a caressé ses interlocuteurs dans le sens du poil. Il leur a dit ce qu'ils avaient envie d'entendre, à propos du Sahara Occidental notamment. Il s'est empressé de dépêcher son Premier Ministre à Rabat en lui demandant sans doute de rassurer le roi Mohamed VI en lui expliquant que les mots prononcés à Alger n'étaient que des? mots ! Triste illustration d'une situation dans laquelle deux pays, proches par les langues, la culture, la géographie, ayant subi, à des degrés certes inégaux, l'occupation coloniale, s'en remettent à l'ancienne puissance tutélaire pour arbitrer leurs différends. L'ancienne puissance tutélaire n'en demandait pas tant ! Comment voudrait-on qu'elle remettre en cause son passé criminel quand les anciennes victimes se disputent ses faveurs ? Ainsi va l'Histoire pour ceux qui oublient d'y entrer, trop occupés à assurer leurs sièges et leurs prébendes. Ils sont condamnés à la répétition sans fin de l'infamie de l'asservissement, asservissement d'abord subi puis consenti. En sortir suppose une révolution mentale, un examen sans complaisance ni faux-semblants de notre situation. Il faudrait que nous accomplissions enfin ce pour quoi tant de nos compatriotes sont morts, l'indépendance qui ne se réduit pas à un drapeau ou une monnaie mais au poids que les autres nations nous reconnaitront. |
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