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A la mémoire de
Tokuma Utsunomiya, de Tokutaro Kitamura, de Kanjyu Kato, de Tokusaburo Dan,
grands militants et infatigables défenseurs de la cause algérienne à Tokyo.
1ère partie Au lendemain de la 2eme Guerre mondiale et de la défaite du Japon, une série d'intellectuels du pays, écrivains et journalistes, peu nombreuse certes, ce qui s'explique historiquement, s'est saisie de la question coloniale, et notamment de la question algérienne pour lui opposer son refus et son dégoût. Tel est le sens de cette contribution qui constitue l'ossature du récit que je voudrais livrer aujourd'hui, à la fois personnel et distancié, sur une partie de l'intelligentsia nipponne, pour tenter de pénétrer son rôle de soutien à l'Algérie combattante. Dans cette étude, je revendique une " approche hybride " mêlant expérience personnelle et analyse historique, où , comme écrivait Benjamin Stora " l'ailleurs devient une façon de retrouver enfin le présent " et où l'on cheminerait " entre la connaissance des autres et la découverte de soi ". UNE HISTOIRE MECONNUE Depuis 2008, date de la publication de mes premières chroniques sur le Japon, mon travail de recherche s'est souvent avéré déprimant, tant était si grande l'ambition. L'absence de documents écrits incite souvent l'analyste à se demander à quoi bon consacrer son temps et son énergie à travailler sur des sujets qui, compte tenu des enjeux et des lieux, ont longtemps été considérés peu importants, sinon insignifiants. Si le Japon est devenu au cours du temps un partenaire économique sérieux de l'Algérie, la contribution de certains de ses fils à faire connaître les objectifs de la révolution algérienne est par contre peu connue. Il faut donc, pour expliquer ce qu'ont ressenti les compagnons du FLN ,à Tokyo, rappeler quelques pages glorieuses de l'action de nos amis japonais. Notre objet repose sur une idée fondamentale, au delà de laquelle l'étude n'est pas facile, car il faut non seulement comprendre l'événement dans le contexte de l'époque, les acteurs et leurs témoins, les sources et les références. Cette part d'histoire est en effet encore ensevelie dans les limbes d'une documentation éparse, difficile à contextualiser et disparate en ses formes, d'où la mission qui nous incombe. Il est malheureux que les historiens algériens aussi bien que japonais ne s'étaient pas vraiment préoccupés de ce sujet ni n'ont mesuré l'importance qu'il doit revêtir dans l'histoire de la lutte de libération de l'Algérie et des autres peuples. Aux premières sources de mon intérêt figure l'ouvrage de Abderrahmane Kiouane: "Les débuts d'une diplomatie de guerre" (1956-1962), dans lequel la partie consacrée au Japon ouvre la perspective à de nombreuses recherches sur le rôle de certaines associations civiques et professionnelles et sur l'évolution des positions du Gouvernement japonais et sur l'histoire émouvante de la naissance de la Délégation générale du Front de la Libération nationale, à Tokyo, en 1958. Il y a trois mois, le témoignage de Susumu Taniguchi sur les premiers moments du FLN à Tokyo est venu ajouter une valeur à la présente étude qui s'appuie essentiellement sur des sources et sur des témoins issus de milieux intellectuels familiarisés avec l'Algérie depuis les années cinquante. Bien sur, et comme partout ailleurs, les premières sources disponibles étaient informelles, donc difficiles à recenser, et ne reflètent pas la position des Autorités officielles à l'égard du FLN. Les sources ouvertes sont peu nombreuses : pour l'essentiel des listes de publications, de manuscrits et de témoignages personnalisés japonais au contenu rédactionnel imprécis, et à l'orientation orthodoxe (à de très rares exceptions ou nuances). Leur présence permet de comprendre l'évolution et les variations de la politique officielle des Gouvernements japonais successifs à l'égard de la lutte de libération. Comme on s'en doute, durant cette période, peu de récits historiques ont porté sur la cause algérienne. Ce n'est pas comme on le verra dans une autre contribution que le Gouvernement japonais s'en désintéressait, tout au contraire, Abderrahmane Kiouane a démontré qu'en permanence les Autorités japonaises pratiquaient une politique de grand respect à l'égard de la Délégation du FLN. Le comportement des personnalités intellectuelles du passé explique le rôle que peuvent jouer certains témoins encore vivants. C'est notamment le cas de Susumu Taniguchi au sujet duquel les documents disponibles permettent de compléter ce qu'on savait de lui depuis plus de cinquante ans et de son rôle dans l'ouverture du bureau de la Délégation du FLN au Japon Mais, c'est autour du grand militant Tokuma Utsunumiya que s'est développée l'œuvre de vulgarisation de la question algérienne à Tokyo. Certes, jamais ses compagnons de lutte ne sont parvenus à créer une synergie entre le FLN et le Gouvernement ou les principaux partis politiques de l'époque, mais ils ont formé quantité de militants de bonne volonté à la fois dynamiques et généreux dans leur défense du droit des algériens. C'est grâce à leurs efforts qu'une " amitié algero - nipponne " s'est constituée. C'est autour de leurs activités que les historiens trouveront les témoignages d'acteurs japonais et algériens, les références écrites et les archives qui permettront de reconstituer une " histoire du FLN à Tokyo " DES MILITANTS PAR DEVOIR : L'ambassadeur Shin Watanabe notait que ce besoin d'écrire cette page des rapports algero- nippons a été un vœu exprimé par Nokuma Utsunomiya (1906 - 2000), Président de l'Association Japon - Algérie et Ami de notre pays. Député LDP ultralibéral, homme d'affaires, fondateur de la société pharmaceutique Minofaguen, Utsunomiya a étudié à la faculté de l'économie politique de l'Université impériale de Kyoto, puis arrêté et incarcéré à cause d'activités jugées " pro- communistes". Après la 2ème guerre mondiale, il a participé à la Conférence des Non-alignés à Bandung et a été un infatigable défenseur de la cause nationaliste algérienne. Il a visité l'Algérie en pleine guerre en 1957 et c'est grâce à ses efforts que le FLN a pu installer sa Délégation à Tokyo. En outre, Nokuma Utsunomiya a été l'un des plus farouches militants du désarmement et de la non-prolifération nucléaires et a fondé une revue spécialisée dans les questions de désarmement. En Février 1961, il a été nommé Président du Conseil de l'Association Japon-Maghreb et siégeant à coté de Tokutaro Kitamura, de Kanjyu Kato et de Tokusaburo DAN. Il a aussi joué un rôle majeur dans cette association, qui défendait la cause des mouvements de libération et notamment le FLN. C'est en reconnaissance de ce passé qu'en juillet 1962, il a fait partie des invités d'honneur aux cérémonies de proclamation de l'indépendance, à Alger. En hommage à son action, l'ancien ambassadeur d'Algérie à Tokyo, Abdelmalek Benhabyles, que le Gouvernement japonais vient d'honorer à l'occasion des commémorations de la Fête nationale du Japon, en qualité d' " ami sincère du peuple japonais", avait rédigé une longue évocation, intitulée "La mort d'un des derniers compagnons de voyage", parue en septembre 2000. Abderrahmane Kiouane a relevé dans son ouvrage cité précédemment quelques exemples de l'engagement politique de Nokuma Utsunomiya et de ses compagnons. Parmi les autres grands militants et compagnons de l'Algérie, on trouve celui de Tokutaro Kitamura (1886 -1968), à l'époque Président de la Banque Commerciale "Shinwa", député LDP et Président de l'Association du Commerce avec l'Union soviétique et les pays de l'Europe de l'Est. Très actif pour la restauration des relations diplomatiques avec la Chine et partisan du Mouvement pour la Fédération du Monde, Tokutaro Kitamura a été nommé Président de l'Association de l'Afrique du nord en 1958 et 1961. Grand idéaliste, il a reconnu l'échec de son travail au sein du parti gouvernemental en faveur du Tiers - Monde. On peut également citer parmi les personnalités japonaises, qui ont apporté leur soutien à la représentation du FLN, Kanjyu Kato (1892 -1978), Député socialiste, Ministre du Travail sous le gouvernement Ashida, militant du "Mouvement ouvrier contre la guerre", et Vice-Président de l'AJM. Un autre journaliste Tokusaburo Dan (1901 - 1977), renommé pour ses qualités organisationnelles inlassables en faveur des mouvements de libération nationale dans le monde, a participé, en 1948, à la création du Comité de Solidarité afro-asiatique et en a assuré la présidence (de 1955 à 1960). En 1961, il participe à la création de l'Association Japon - Maghreb et en fit une structure de soutien à l'Algérie combattante. En reconnaissance à son rôle de soutien au FLN, il a été invité à Alger pour assister à la cérémonie du 10ème anniversaire de l'indépendance. Il a été le premier écrivain japonais à publier sur l'Algérie, berceau des mouvements de libération. Parmi ses ouvrages, on peut citer: " La Question algérienne" (1958) ; "La Guerre de la libération nationale de l'Algérie) " (1962) et "La Révolution algérienne - histoire d'une libération" (1972). D'autres noms peuvent être cités. Il s'agit en particulier de Michihiko Suzuki, de Yukitatsu Kato et de Susumu Taniguchi, vis-à-vis locaux des militants diplomates Choaib Taleb, Mostafa Neggadi, Abdelmalek Benhabiles et Abderrahmane Kiouane. L'On peut également relever les noms de Nagano Kunisuke, Président de l'AJM et avocat connu pour ses actions de sensibilisation en faveur du FLN à Tokyo, de Asaya Foujita, auteur d'une pièce de théâtre inspirée de "la Question", d'Henri Alleg, de Yoshiyuki Fukuda, un dramaturge qui a créé une pièce de théâtre sur la lutte algérienne intitulée "Nous allons plus loin". Récemment, en 2009, un livre en langue japonaise a été publié aux éditions Akashi, intitulé "62 chapitres pour connaître l'Algérie" par Masatoshi Kisaichi et Shoko Watanabe, deux universitaires spécialisés dans les recherches historiques. En dépit de son caractère général, l'ouvrage consacre une partie de ses pages aux relations de solidarité développées pendant la Guerre de libération. A suivre * chercheur en sciences de la communication |
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