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La fraude évoque un comportement déloyal, destiné à obtenir d'une façon
fourbe un avantage moral et/ou matériel, en enfreignant les lois et les règles
du jeu. Il s'agit, pour ce qui nous concerne, de détournement de voix de
citoyens au cours d'un scrutin pour se les approprier.
Afin d'être, paradoxalement, l'élu du peuple que l'on a trompé. Il peut s'agir de manœuvres d'influence lors de la campagne électorale ou d'intrigues lors du déroulement des opérations de vote mais aussi, lorsqu'on procède au dépouillement et au décompte des voix. Les élections chez nous n'ont jamais été en odeur de sainteté. S'agirait-il de réminiscences coloniales toujours gravées dans l'imaginaire collectif ? Vraisemblablement. Il n'y a quasiment pas de travaux universitaires, de communications de spécialistes ou de déclarations d'hommes politiques où les élections à la sauce Naegelen ne sont référencées, rappelées ou bien évoquées. Ce monsieur Edmond Naegelen, Algérie française pur jus, fut gouverneur de l'Algérie de 1948 à 1951. Il sera l'artisan de la fraude électorale massive et généralisée, manigancée par le lobby colonial et l'administration colonialiste, pour l'élection des membres de la première Assemblée algérienne, où devaient être élus 120 membres. Séparés en premier et deuxième collège. 60 colons représenteront environ un million d'Européens, et 60 députés indigènes représenteront plus de 8 millions de musulmans, comme ils disaient alors. Pour la parité, l'exemple est édifiant. Néanmoins, et au-delà de cette égalité tronquée, tous les indigènes, qui avaient été élus par la fraude, furent les notables suppôts des colons, les sbires et les deuxièmes couteaux de l'administration. Les aghas, bachaghas, les caïds, les khodjas et les chaouchs. Les officiers autochtones de l'armée française, les anciens militaires, les mutilés des deux guerres mondiales, et autres fidèles auxiliaires. Tout ce beau monde fut récompensé pour services rendus à la France. Dans son livre "Un chrétien dans son siècle", aux éditions Karthala 2007, feu André Mandouze, ce grand ami de l'Algérie, mais aussi éminent spécialiste de saint Augustin, dit de cet épisode: "Naegelen organisa le trucage systématique des élections du deuxième collège en vue de substituer aux nationalistes, des candidats administratifs, les fameux béni oui oui. Le scandale fut tel en France, qu'il dut démissionner en 1951". Cela fait deux semaines, jour pour jour, que toutes les APC sont élues et, plus encore, leurs présidents devraient tous être installés, puisque c'est une obligation prévue par l'article 80, alinéa 1, de la loi organique portant régime électoral, qui dispose que: "dans les quinze (15) jours qui suivent la proclamation des résultats des élections, l'Assemblée populaire communale élit son président parmi ses membres pour le mandat électoral". Donc le chroniqueur a assez de recul, pour commenter la vague jusqu'à ne plus en vouloir, voire jusqu'à ne plus en pouvoir, du gavage subi au nom de la fraude électorale. Avant même que les élections ne commencent, le hallali était déjà sonné, contre l'administration et tous les agents de l'Etat réquisitionnés pour les élections locales du 29/11/2012. A ce propos, plusieurs titres de la presse nationale annonçaient à leur une, sur cinq colonnes, ce scoop: "Pour la première fois dans l'histoire du pays, les partis comme le FLN, le RCD, et En-Nahdha s'allient". Oui mais, pourquoi et contre qui ou bien contre quoi ? Ces formations politiques et d'autres en course pour l'APC d'Alger-centre se sont regroupées à la place Emir Abdelkader, pour dénoncer la fraude et les fraudeurs. Oui mais est-ce efficace comme démarche ? Est-ce que l'on combat la fraude avec un furtif rassemblement et un discours comminatoire, dont la teneur est de la pure littérature ? Sans preuve aucune, cette démonstration s'était résumée à un procès d'intention. D'ailleurs, est-ce que l'intention est punissable en droit ? Une alliance sur un programme politique commun entre ces partis, au profit des citoyennes et des citoyens d'Alger-centre, aurait pour le moins montré la volonté des futurs élus de résoudre les problèmes quotidiens de leurs électeurs. Ainsi qu'une maturité politique qui siérait pour ce faire, au-delà de l'exacerbation des ego, et aurait également transcendé les narcissismes ambiants, dont peinent à se défaire certains. L'essentiel des programmes politiques rabâchés durant toute la campagne électorale, à partir du 4 novembre, s'était résumé à un seul message central: attention à la fraude. Sinon presque rien. Quand les partis en course ne pouvaient pas remplir une salle de meeting électoral, pour débarrasser le paysage politique de sa léthargie, durant les 21 jours que dure la campagne, il ne leur restait que la fraude électorale, du chef de l'administration, pour se faire remarquer et occuper l'espace public, l'instant d'une campagne. Il est fort à parier, pour un citoyen normalement constitué, que l'écueil, pour arriver à être élu président d'APC, ne saurait se limiter et se restreindre uniquement à la fraude. Le péril ne serait-il réellement pas dû au désintérêt du citoyen et de l'électeur de la chose politique ? L'administration et tous ses agents sont missionnés par la loi pour organiser matériellement le scrutin. Ce qui inclut la mobilisation des milliers d'encadreurs des centres et des bureaux de vote. Le 29 novembre 2012, ils avaient été 871.735 agents, hommes et femmes, à encadrer les élections locales. Et jusqu'à preuve du contraire, un seul cas de fraude avait été prouvé, et ici un particulier bravo au courageux citoyen de Bir Edh'hab, dans la wilaya de Tébessa, qui avait filmé et mis sur la toile le flagrant délit de fraude. La justice appliquera la loi. Bien sûr qu'il y aura des esprits chagrins qui diront qu'il y a eu d'autres cas, qui n'ont pas été portés à la connaissance du public. Soit, mais combien sont-ils ? Et puis combien y a-t-il d'agents fraudeurs parmi les 871.735 encadreurs que la République avaient réquisitionnés ? Et par ailleurs, s'il y avait eu fraude, où étaient les représentants des candidats auxquels la loi donne autorisation et attribue licence d'assister aux opérations du vote et à celles du dépouillement, ou de s'y faire représenter ? Beaucoup de questionnements et peu de réponses, considérant l'état taiseux, qui recouvre le paysage politique, dès la fin des scrutins. En admettant, à travers le flagrant délit de Tébessa, que toute la responsabilité incombe aux membres du bureau de vote et au chef du centre de vote, les représentants des candidats ne peuvent pareillement être dédouanés. S'ils ne sont pas intervenus, c'est qu'ils étaient, soit absents, ou ayant abandonné leurs postes, sinon les listes en course n'avaient pas pu se faire représenter à travers tous les bureaux, faute d'assise populaire. Encore que ce cas de triche ne peut, et de loin, être généralisé. A travers tous les pays du monde, de pareils cas de fraude électorale se produisent. Et puisque la perfection n'est pas de ce monde, il est naturel que là où se meut l'homme, se produisent ses bienfaits mais aussi ses méfaits. Il n'y a pas, en matière électorale, de risque zéro. En 2009, l'ex-maire de Paris, Jean Tiberi, avait été condamné pour atteintes à la sincérité d'un scrutin par les manœuvres frauduleuses. Dans le même registre, lors des élections à la présidence américaine de 2008, des centaines d'électeurs démocrates eurent au moment d'aller voter la surprise de voir qu'ils avaient purement et simplement été radiés des listes électorales, à leur insu. Les Républicains se sont basés sur une étude des tendances électorales aux USA, qui avait conclu que leurs résultats s'amélioraient quand la participation du vote populaire baissait. Pour les plus fureteurs que le chroniqueur, il y a sur le net un article sur le sujet, très pertinent, intitulé: "Comment voler une élection", qui traite du problème. Il y eut fraude prouvée aux Etats-Unis en 2000 et en 2004, lors des présidentielles, notamment dans l'Etat de Floride. Bien sûr qu'il y a eu ailleurs aussi de la fraude électorale de par le monde, comme en Ukraine ou bien au Québec. Toutefois, tout ceci ne valide ni n'absout le scandale du bureau de vote de Bir Edh'hab, à Tébessa, que j'ai pris comme fil rouge pour cette chronique. Aux dernières nouvelles, les auteurs ont été placés en détention par le tribunal de Tébessa. Mais au moins, cela enseigne sur la focalisation et renseigne sur la fixette, que des partis politiques qui se proposaient aux électeurs pour gérer le quotidien des Algériens, relayés en cela par des médias et pas des moindres, aient réduit l'enjeu des élections locales du 29 novembre 2012. Uniquement à la fraude. Par ailleurs, comme il était annoncé, dans la chronique de la journée des élections locales, dans l'aphorisme du philosophe, qui annonçait que le vote serait à la démocratie ce que sont les ailes à l'oiseau. La démocratie ne peut être réduite qu'aux élections ni à l'acte de voter. La démocratie, ce sont des institutions, des lois et des procédés. Ce sont des comportements, des conduites et des attitudes. Ce sont aussi une morale, une éthique et une déontologie. Mais avant tout cela, la démocratie, ce sont surtout et particulièrement des apprentissages, des enseignements et des formations, durant tout le cheminement de vie de chaque citoyen. Et comme dirait l'autre: on ne naît pas démocrate, on le devient. Et pour cela, j'envisage comme proposition, une systématisation triangulaire interactive, entre l'école de la république, qui formerait des citoyens éclairés, des milieux familiaux qui apporteraient les correctifs de vie nécessaires à la vie en société, et un environnement, nommé le quartier, la rue, la ville, le douar, la mechta ou la dachra, qui ferait respecter les règles de ces rapports sociétaux. Loin de toute contrainte, de tout excès et de tous les extrémismes. Ceci m'amène à me poser ces questions: qui a été empêché de créer un parti politique ? Et qui parmi les citoyens régulièrement inscrits sur la liste électorale avait été interdit d'aller voter, sauf ceux que la loi prive. Les encadreurs du scrutin sont eux-mêmes des citoyens, mais libres de leurs convictions politiques. D'un autre côté, les opérations électorales en Algérie sont surveillées par des dispositifs légaux les plus larges et les plus variés possibles. Ce système de surveillance comprend, premièrement, les représentants des candidats, affectés dans les centres et dans chaque bureau de vote. Deuxièmement, les commissions électorales communales, qui sont présidées par un magistrat professionnel. Troisièmement, les commissions en charge de l'élection aux APW, sont, elles, composées exclusivement de magistrats au nombre de trois. Par ailleurs et quatrièmement, la loi organique institue une commission nationale de supervision des élections, composée de magistrats de la Cour suprême et de ceux du Conseil d'Etat, désignés par le président de la République. La loi électorale institue aussi, en cinquièmement, la commission nationale de surveillance des élections, composée, elle, de représentants de partis politiques participant aux élections et de représentants des candidats indépendants. Les deux commissions, de supervision et de surveillance, ont des démembrements locaux chargés des mêmes missions. Alors, je me demande pourquoi des magistrats qui seraient compétents, impartiaux, jugeant selon leur intime conviction, dans les tribunaux, les cours du pays et au sommet des deux ordres juridictionnels, judiciaire et administratif, ne le seraient plus, d'un coup, comme transformés, dès qu'ils sont chargés de surveiller, de contrôler et de dire le droit à l'occasion du contentieux électoral. Et pour donner du piment à toute cette sauce, réchauffée à chaque élection, le vote des corps constitués est ressorti par les partis, pour servir de grains à moudre, et valider, s'il en est, la fraude électorale. Il est à se questionner si les membres de l'Armée nationale populaire, ceux de la Sûreté nationale, de la Protection civile, les fonctionnaires des Douanes nationales, ceux des services pénitentiaires et de la garde communale sont bons quand ils remplissent leurs missions au service du pays et du citoyen. Mais dès qu'il s'agit pour toutes ces femmes et tous ces hommes de voter, ils perdent leur autonomie, leur liberté et, mécaniquement en automates, ils exécuteraient des ordres pour voter contre X, sinon pour Y. Soyons sérieux et arrêtons de prendre des gens pour ce qu'ils ne le sont pas. Itérativement, à chaque scrutin, au lieu de proposer des solutions réalisables, à titre d'exemple, en matière de scolarisation des gosses, dans le préscolaire et au primaire, dans de bonnes conditions. En matière d'augmentation du nombre de places dans les crèches, la proposition de formation et d'apprentissage aux métiers nobles qui se perdent localement. A la réfection de nids-de-poule, à la mise à la disposition de tous des soins de santé de base corrects. A la sécurisation des citoyens et de leurs biens. A la proposition de lieux d'activités culturelles, sportives et récréatives à tous. A assurer à chaque gosse scolarisé un repas chaud par jour, etc. Les partis se rassemblent conjoncturellement, se fédèrent momentanément, s'unissent provisoirement, se coalisent éphémèrement et mutualisent leurs moyens pour dénoncer cette arlésienne, dénommée la fraude électorale, et le vote suspect des corps constitués. Et au risque de me répéter, ils ne proposent pas grand-chose pour se mettre au service de leurs électeurs, et leur faciliter le quotidien. Et pour conclure, se présente à moi une situation des célèbres joutes entre le curé du village italien de Brescello, Don Camillo, et le maire communiste Peppone. Lors d'une élection, Don Camillo, pour influencer le vote de ses ouailles et faire battre le mécréant Péponne, leur disait à peu près ceci: "Quand tu seras seul dans l'isoloir, mettant ton bulletin de vote dans l'enveloppe, sache que Dieu te regarde, mais Staline, non". Moralité: chaque Algérien vote selon son vouloir, ou selon sa conscience, les membres de corps constitués, également y compris. Alors, arrêtons donc avec la fraude électorale et passons aux choses utiles que doit accomplir chaque élu au service de ses électeurs, entre autres, mobiliser ses adhérents et les électeurs pour aller voter. Ainsi, messieurs et mesdames des partis politiques, la balle est dans votre camp. Bien sûr, pas l'idéologique. |
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