Envoyer à un ami |
Version à imprimer |
Version en PDF
Bendir, tbel,
goumbri, karkabou et
claquements des mains ont suffi pour mettre le public en transe et l'emporter
dans un voyage embelli de nouvelles chansons et compositions. Fidèle à son traditionnel
cachet musical et son style vestimentaire, la troupe menée par celle que l'on
surnomme la « Rockeuse du désert » a enchanté le nombreux public présent au «
Théâtre de la Fourmi ». A l'hôtel Liberté, Hasna El Becharia
a donné libre cours à son inventivité musicale.
Hasna El Becharia, le grand retour: Concert les 9 et 10 décembre, en soirée au Théâtre de la Fourmi. Il aura suffi d'une petite annonce sur la page Facebook de l'établissement et quelques affiches ça et là pour que la salle « Evasion by Liberté », espace dédié pour la réservation, soit prise d'assaut dans les quelques heures et jours qui ont suivi. L'avant-veille du spectacle, le quota de places sur Internet comme la billetterie du théâtre étaient déjà épuisés et le concert affichait complet. Ce n'est un secret pour personne, la chanteuse charismatique du gnaoui, fille d'un des maîtres du diwan, a un large public. Une musicienne sans frontière. Ayant eu pour cadre le sympathique Théâtre de La Fourmi de l'hôtel Liberté d'Oran, les soirées du vendredi et samedi derniers, le concert qui s'est joué devant un public très nombreux était une occasion pour Hasna El Becharia de revisiter son répertoire dans une fusion harmonieuse et rythmée oscillant entre le diwan et les musiques traditionnelles de la Saoura et des influences de rock et de blues. Avec sa voix digne d'une chanteuse de blues, Hasna, passant avec fluidité du goumbri à la guitare, a repris ses plus grands succès sur scène devant un public qui les connaissait déjà par cœur et attendait son concert avec impatience. La première femme à jouer du goumbri en Algérie a gratifié le public d'un voyage musical original de chants et notes du patrimoine du Sahara algérien. Majoritairement féminin, le public, ravi de retrouver cet orchestre original venu de la Saoura, a interagi avec l'artiste et les membres de sa troupe transgénérationnelle. Il s'est délecté, deux heures durant, appréciant dans une ambiance festive, plusieurs genres musicaux traditionnels qui regroupent les musiques populaires féminines de la région de la Saoura, en particulier. Dirigé par son maestro Hasna, le groupe a présenté dans des tenues traditionnelles aux couleurs vives et variées, une vingtaine de pièces aux contenus spirituels et festifs, tirées pour la plupart des albums de Hasna El Becharia, parmi lesquels Jazaïr Djawhara, Smaa Smaa, Desert Blues, Lemma, Couleurs du désert. UNE SOIRÉE FÉERIQUE DE DIWAN Equipées de tambours, bendirs, tambourin, karkabous, ferda (tambour plat, large posé à même le sol) et d'un pilon en cuivre pour donner les différentes cadences, les «chikhat» ont embarqué l'assistance dans un voyage qui a ravivé la tradition, dans une prestation où les mélodies entonnées, étaient reprises au goumbri par la diva Hasna El Becharia. Se basant sur une thématique récurrente dans chacune de leurs pièces, les genres interprétés sont enrichis par la beauté des textes qui célèbrent les rapports humains et subliment Dieu et notre Prophète Mohamed -paix et salut sur lui- ainsi que par les variations rythmiques et le travail de percussion qui exploite le contretemps et occupe la mesure dans ses moindres espaces. L'ensemble féminin, donnant une dimension visuelle au spectacle très appréciée par l'assistance, s'est également investi dans des danses traditionnelles, en solo ou en groupe, présentant quelques rites qui accompagnent les atmosphères festives que génère la richesse de ce registre patrimonial. Dans une ambiance conviviale, le public, cédant au déhanchement, a longtemps applaudi l'ensemble, qui aura «œuvré, des années durant, à la valorisation et la promotion de ce legs ancestral», dira une dame, après une salve de youyous lancée avec un groupe de spectatrices, qui, à leur tour, ont tenu à faire part de leur «bonheur de donner enfin de la visibilité» à un genre qui préserve la tradition, mais qui, jusque-là, n'était «pratiqué qu'à l'échelle locale». Fleurit encore et toujours la musique gnawa dans cette zone du désert du Sud-Ouest algérien, en voici la preuve vivante. Cette approche, force est de constater à quelques mètres de la scène, est extrêmement simple et... extrêmement adductive. TOUT LE MONDE EN SCÈNE Les motifs harmoniques et thèmes mélodiques comportent de très légères variations, l'essentiel de la composition est exprimé ad infinitium tel un mantra, une prière dont l'objet est de faire basculer dans la joie, l'abandon de soi, dans un certain au-delà. Usant d'une voix reptilienne, Hasna El Becharia émet le thème vocal dans les basses fréquences, sa choriste lui donne la réplique pendant que battent les tambours - batterie, darbouka (tambour typique au Maghreb et dans le Monde arabe), qraqab (castagnettes de métal), tambourine. La charpente mélodique est assurée par le goumbri, instrument traditionnel à trois cordes aux sonorités plutôt graves, ou encore par une guitare électrique que la septuagénaire joue à la manière de son goumbri. On n'est pas très loin du blues, soit dans l'une de ses incarnations originelles et minimalistes. Tout se passe dans la montée progressive de l'intensité. On peut aisément imaginer l'impact hypnotique de cette répétition sonore dans les sociétés traditionnelles de l'Afrique du Nord, soit l'effet de transe qu'elle peut générer. Pas de transe repérable, cependant, mais un nombre croissant de danseurs massés aux pieds des musiciennes, tous fascinés par le personnage qu'incarne Hasna El Becharia. Sa détermination précoce à jouer cette musique exclusivement réservée aux hommes depuis des temps immémoriaux ajoute à la luminosité de son aura. LE FILM DOCUMENTAIRE SUR HASNA EL BECHARIA PRIMÉ À MONTRÉAL Le film documentaire sur l'artiste Hasna El Becharia, intitulé «La Rockeuse du désert », de Sara Nacer a reçu le prix du meilleur long-métrage documentaire au 38ème Festival « Vues d'Afrique » qui s'est déroulé du 1er au 10 avril 2022 à Montréal (Canada). D'une durée de 1h 15min, tourné et mis au point sur une période de presque dix années, ce documentaire est un portrait intime et profond de Hasna El Becharia, qui a été qualifié de « Petit bijou » par la presse canadienne, dans un article paru au journal « Le Devoir », sous le titre « La Rockeuse du désert, hommage à une pionnière ». « Cette œuvre cinématographique, première du genre consacrée à la première femme à jouer avec virtuosité le goumbri, l'unique instrument à cordes de la musique et danse diwan, et réservé uniquement aux hommes (Maâlem), trace l'itinéraire géographique, social et culturel de Hasna El Becharia », avait indiqué sa cinéaste, Sara Nacer. Selon elle, ce film documentaire est « sans doute une marquante contribution pour une meilleure connaissance de l'œuvre artistique de Hasna ». Il s'agissait aussi, selon elle, de « faire connaître le genre musical diwan qui est un des plus important patrimoine culturel national ». BIOGRAPHIE DE HASNA EL BECHARIA EN QUELQUES LIGNES Hasna El Becharia est une musicienne algérienne performant dans le gnaoui. Née à Béchar en 1950, elle est l'unique femme joueuse de goumbri, dans tout le Maghreb. Elle s'impose comme monument de la musique gnaoui. Hasna El Becharia a une carrière artistique de plus de trente années et un album Djazaïr Djohara dédié à son pays l'Algérie. Elle mêle le sacré et le profane, elle joue en outre de la guitare électrique, du luth, du banjo et surtout du goumbri. Fille d'un des maîtres du diwan et d'une mère de Béchar, elle forme en 1972 avec ses amies un groupe de quatre personnes. Elles se sont illustrées d'abord dans les fêtes de mariage à Béchar qu'elles ont animées pour les femmes. En 1976, elles sont les vedettes d'un immense concert organisé à Béchar par l'Union des femmes algériennes. En janvier 1999, Hasna arrive à Paris, suite à une invitation dans le cadre du Festival Femmes d'Algérie. Première femme à jouer du goumbri en Algérie, Hasna El Becharia avait sorti son premier album « Jazaïr Djawhara » en 2002 qui avait connu un très grand succès avant de participer à plusieurs projets comme «Desert Blues» et de créer sa première troupe. Quelques années plus tard, elle a initié avec Souad Asla le projet « Lemma Becharia » visant à valoriser le patrimoine musical féminin de la région de la Saoura. Une expérience qui s'est soldée par la formation d'une troupe féminine, l'enregistrement d'un album en 2018 et des tournées dans plusieurs pays d'Europe dont la France et la Belgique. |
|