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Qu'on ne nous
dise pas que nos villes se portent bien, encore plus en ces temps d'épidémie durant
lesquels des projets médiocres ont vu le jour. Oran, bien sûr, a eu son lot de
laideur dont la répercussion catastrophique sur la qualité de vie des gens
augmente. Rien ne semble prédire un bel avenir, surtout quand on constate la
persistance d'actions préjudiciables pour le futur de l'agglomération comme la
très mauvaise réalisation de travaux publics
(trottoirs, bitumage, éclairage public, etc.) qui a l'air de se ritualiser et pose les questions du qui contrôle qui, qui gère qui et qui gère quoi. De toute façon, ce n'est pas le discours officiel qui va cacher la réalité, comme le dit si bien le proverbe maghrébin : «Ma tghatich chems bel ghorbal». Ce n'est pas la colère d'un wali qui fulminait contre une vérité constatée par tout le monde, et formulée par un architecte de terrain, qui va l'empêcher de circuler parmi les urbains, et je n'ai même pas dit citoyens. Parce que s'il était question de citoyenneté dans la ville, le débat sur l'urbanisme aurait été simplement tout autre. Oran n'aurait pas subi le lot énorme de la très mauvaise intervention publique qui fait peur à chaque fois quand il en est question, aux professionnels de la ville et aux architectes en particulier. Mon défunt grand ami Messahel Abdallah disait que pour connaître la qualité de l'action publique, il suffit de voir l'état des villes. J'ai longtemps dénoncé cette tendance abominable de produire ce que j'appelle l'urbanisme-dortoir, qui est à distinguer de l'ensemble-dortoir qu'on qualifie improprement, par habitude, y compris chez les plus spécialistes, de cités-dortoirs. La confusion existe, certes, dans le milieu des professionnels de l'urbanisme, et entraîne l'ensemble des acteurs dans la méconnaissance mais aussi l'inconnaissance des territoires urbains et des enjeux qu'ils posent. La situation est encore plus compliquée et grave chez-nous quand l'urbanisme que j'ai défini comme un pari à faire sur les générations futures, est soumis au bon vouloir des décideurs. À partir de là, il est tout à fait normal que la démocratisation de l'urbanisme soit quasiment impossible et que la ville, qui est censée être un rêve à atteindre, soit un cauchemar au même titre qu'un crime perpétré et délibéré. La preuve : savons-nous faire autre chose que des ensembles de logements avec des espaces libres qui sont vite affligés de palmiers prêts à flâner, des écoles et autres établissements scolaires inhospitaliers architecturalement, et des tas de locaux qui restent longtemps fermés aux rez-de-chaussée ? Aucun théâtre, aucune salle de cinéma, aucun espace de conférences ou d'échanges, mais juste un espace qui n'apprend rien de beau à ses habitants, un enclos d'habitat concentré qui offre des logements et aucun rêve. Enfin, des territoires tristes pour des sociétés tristes, auxquelles on a appris à se suffire du «hadarr» (présent), et faits accomplis. Les pouvoirs publics se targuent de dénouer des situations de crise qui n'en finissent pas. Le rêve est relégué au statut de l'impossible et de celui qui rêve est un fou. Ainsi, que pouvons-nous attendre de ces générations futures qui grandissent dans les ghettos de la laideur et des poubelles devenues l'emblème de la gestion locale ? Sauf miracle et exception? Au travers de ces constats avérés à partir des périphéries de la ville européenne (désormais ville ancienne comme aimait la qualifier Abdallah Messahel), ou ce qu'il en reste, comme la société algérienne d'un certain hier idéalisé, aucun projet républicain, ni de société, n'est proposé. Dans le milieu des professionnels comme celui des observateurs, nous en sommes encore au constat de l'Algérie n'a pas trouvé son architecture, n'a pas trouvé son urbanisme, n'a pas trouvé quoique ce soit. L'urbanisme comme tout autre chose souffre de ne pas cristalliser le droit à la ville, mais aussi de ne pas être le domaine du devoir de la ville. Les populations sont tout bonnement, violemment, privées de contribuer à leur projet d'exister, de territorialiser, de participer au nom d'un urbanisme participatif d'appellation qui demeure l'affaire des spécialistes des enclosures administratives. Sous les projecteurs des chaînes publiques et télévisées, on demande à peine à l'urbain de loger, même pas d'habiter, en mettant la focale sur du youyou et tam-tam en guise de remerciements traditionnels à l'État qui mise sur les cages-à-loger. Je pense sincèrement que penser l'urbanisme dans sa totalité est une étape à faire et à franchir, sans forcément se hâter de proposer des voies à emprunter tant que le diagnostic, un vrai, n'est pas réalisé. Mais qu'il ne faut pas en même temps faire l'économie des projets pilotes pour en faire des modèles et, sortir des modèles de la priorité qui justifiaient et justifient encore toutes les dérives qui ont marqué nos urbanismes. C'est l'urbanisme démocratique, démocratique à tout point de vue, à bon entendeur, qui devrait permettre d'améliorer nos cadres de vie. Ce sont les concours d'urbanisme comme les concours d'architecture, exposés au grand public et soumis à son appréciation, qu'il faut instaurer au lieu de l'imprévisibilité des décideurs qui peuvent penser que gérer une ville, mais souvent un urbanisme peinant de faire ville, est une affaire d'abus de pouvoir. L'urbanisme, c'est veiller à aménager du mieux possible une surface de 1 m sur 1 m au même titre qu'un jardin de plusieurs hectares. Il ne faut rien négliger, site, accessibilité, exposition au vent, vues, environnement, et surtout s'assurer de protéger de toute forme de transgression, publique et privée. Si je fais ce propos, c'est parce que comme beaucoup j'ai constaté les formes de détournement du domaine public, accaparement sur fond de passe-droit, lesquelles bien sûr, sont difficiles à prouver chez le grand public, surtout dans les conditions d'une démocratie gravement atteinte. L'urbanisme est dans le détail. Alors que dire dans le cas algérien, quand l'urbanisme est dans le coup par coup ? Des territoires entiers qui ne sont pas terrassés, couverts d'un urbanisme complètement anarchique; c'est le cas de Belgaïd que les pluies en ont fait un véritable territoire calvaire, et où l'on s'apprête à accueillir les jeux Méditerranéens, face à des servitudes qu'on n'a pas empêchées de subir l'envahissement de l'informalité en pleine route nationale (pas de servitudes !), ni d'être aménagée en petit morceau de piste cyclable, ou encore trottoirs très mal faits. *Architecte/urbaniste |
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