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Dans cette interview, Mme Knotz évoqueles différents
aspects qui formalisent les relations entre l'Algérie et l'Allemagne. Elle est
tout optimisme. « J'ai l'impression que la vision de Desertec
est en train de revenir sur le devant de la scène», note-t-elle. L'ambassadeur
parle aussi des Algériens en situation irrégulière en Allemagne, du «hirak» et se prononce sur la résolution du Parlement
européen sur la situation politique en Algérie.
Q.O.: Comment se portent les relations algéro-allemandes? Quel est leur poids économique et commercial? Ulrike Maria Knotz: Nos relations bilatérales se portent très bien, elles ont toujours été étroites et très amicales. C'est pour moi un grand plaisir d'être ambassadeur ici en Algérie vu la sympathie avec laquelle les gens nous accueillent. Mais on peut toujours encore faire mieux, et nos relations ont toujours un grand potentiel qui reste encore à développer, surtout dans le domaine de la culture. De plus en plus d'Algériens veulent apprendre l'allemand et j'espère qu'après la signature d'un accord culturel, nous pourrons intensifier et diversifier davantage notre coopération et nos échanges culturels, pas seulement en ce qui concerne la langue. Je suis très contente que cette année la Foire du Livre de Francfort (Frankfurter Buchmesse) était présente au SILA pour la première fois avec son propre stand et, d'après ce qu'on m'a dit, nos éditeurs ont pu nouer des contacts intéressants avec leurs collègues algériens. J'aimerais aussi mentionner un projet qui m'est cher : le musée national de Cherchell vient d'être réaménagé suite à une coopération durant plus de dix ans avec l'Institut archéologique allemand. Le musée donne un aperçu fascinant de la cour de l'avant-dernier roi numide, Juba II, de la dynastie du grand «aguellid » Massinissa. Le projet sera enrichi par des activités complémentaires. D'ailleurs, l'archéologie allemande a une certaine tradition en Algérie après les travaux importants de Friedrich Rakob sur les tombeaux numides dans les années 70 du siècle passé. Les entreprises allemandes, qui comme vous savez, déjà dans les années 70, ont joué un rôle clé dans le processus de l'industrialisation du pays, sont toujours des investisseurs très actifs en dehors du secteur des hydrocarbures et contribuent ainsi à la diversification de l'économie algérienne. Quant à nos relations commerciales, elles se portent bien, néanmoins elles pourraient gagner encore plus d'élan dans l'avenir, quand les conditions s'y prêteront. L'Allemagne est le cinquième fournisseur de l'Algérie. Les exportations allemandes vers l'Algérie en 2018 ont atteint 2,2 Mrds d'Euros, ce qui représente la plus grande valeur de nos exportations dans les pays du Maghreb. Notre partenariat énergétique se concentre sur la promotion des énergies alternatives, un secteur qui devient de plus en plus important aussi en Algérie. Q.O.: Il y a un peu plus d'un an, le 18 septembre 2018, la chancelière allemande, Madame Angela Merkel a effectué une visite officielle en Algérie. Qu'est-ce qui a changé depuis entre l'Algérie et l'Allemagne au plan politique et sur l'ensemble des domaines de leur coopération bilatérale ? U.M.K.: La chancelière Merkel et l'ancien président Bouteflika se sont rencontrés à plusieurs reprises et ont ainsi souligné l'importance que nos deux pays attachent aux relations avec l'autre pays. L'échange d'idées sur des défis communs est également très précieux. L'Algérie qui joue un rôle stabilisateur dans une région fragile, est un partenaire important pour nous. Après la visite de la chancelière, la «Bundesakademie für Sicherheitspolitik» (l'académie fédérale de politique de sécurité) a organisé pour la première fois un voyage en Algérie où des hauts responsables allemands et des représentants d'entreprises ont pu obtenir des informations intéressantes sur la politique algérienne dans divers domaines. L'Algérie a invité l'Allemagne à coprésider le groupe de travail de l'Afrique de l'Ouest du Forum mondial de lutte contre le terrorisme; nous coprésidons également l'Organisation du traité d'interdiction complète des essais nucléaires. Un résultat important de la visite de la chancelière était aussi l'avancement des négociations de notre accord culturel. De même, des améliorations techniques ont été convenues en ce qui concerne le rapatriement des Algériens résidant sans permis de séjour en Allemagne, et devant être rapatriés. Q.O.: Avant d'aborder ce point important, vous affirmez un peu plus haut que les entreprises allemandes sont toujours très actives en dehors du secteur des hydrocarbures, contribuant ainsi à la diversification de l'économie algérienne. Pourriez-vous nous préciser les secteurs où elles le sont le plus ? U.M.K: Le secteur automobile et mécanique vient en première position à travers plusieurs entreprises allemandes actives en Algérie, en l'occurrence VW en partenariat avec SOVAC, ainsi que MAN, Mercedes, ZF Friedrichshafen, Liebherr, Ferrostaal ainsi que Rheinmetall. Comme vous savez, un cadre légal stable et fiable est d'une importance primordiale pour chaque investisseur. C'est pour cela que nos agents économiques suivent de près les développements suite à l'introduction d'un quota de valeur dans le secteur de l'automobile au mois de mai. Pour la chimie et la production pharmaceutique, on peut citer des entreprises allemandes de renommée internationale, notamment BASF, Henkel, Linde Gas, Messer, Bayer, Merck, Boehringer Ingelheim. Q.O.: Avec ça, l'industrie allemande reste très timide en Algérie au regard de son poids au plan mondial et de ses capacités à s'exporter vers d'autres pays. Qu'est-ce qui freine l'élan d'un partenariat fructueux et solide entre les deux pays semblable à celui conclu il y a de longues années de cela entre ce qui était le holding chimie-pharmacie et Henkel ? U.M.K.: L'entreprise Henkel se porte toujours très bien en Algérie. Aussi SIEMENS a investi dans un partenariat de long terme avec l'installation en Algérie de son centre de formation régional pour l'Afrique de l'Ouest et l'Europe de l'Ouest. Boehringer Ingelheim, la plus grande entreprise en recherche pharmaceutique en Allemagne, vient d'élargir son investissement en Algérie avec le transfert de 70% de son portefeuille dans ce pays vers la production locale. Elle prévoit un investissement de 20 millions d'euros consacré à la formation et au transfert de technologie sur les prochaines années. Concernant les raisons qui freinent l'investissement direct en Algérie, j'entends des entreprises allemandes: la règle 51/49 qui représente un obstacle, en tout cas psychologique. Près de 99% des entreprises en Allemagne sont des PME, en général familiales, qui ne sont pas habituées à travailler dans des arrangements minoritaires. C'est dommage, parce que ce sont précisément les PME qui sont les porteurs de l'innovation. Il y a aussi d'autres obstacles comme la volatilité du cadre légal, une bureaucratie particulièrement lourde, un système bancaire peu performant et les restrictions liées à l'importation. Certains de ces éléments sont en ce moment même discutés au sein de l'APN. Q.O.: Le gouvernement algérien vient justement de lâcher du lest à propos de la règle 51/49. Pensez-vous que sa levée pour certaines activités pourrait convaincre les entreprises allemandes à venir investir en Algérie ? U.M.K. : Je salue la perspective d'une levée de cette règle. Cette démarche ne pourra que gagner quand elle sera intégrée dans un éventail de mesures concertées pour attirer encore plus d'investisseurs étrangers. A propos de ces derniers, j'ai l'impression qu'ici en Algérie, de temps en temps on voit l'investissement étranger plutôt comme un mal nécessaire, avec une certaine réticence. On oublie ce qu'il signifie: création d'emplois, revenu fiscal, transfert de technologie, formation à haut niveau, conquête de nouveaux marchés... Q.O.: Dans le discours que vous avez prononcé à l'occasion de la célébration du 29ème anniversaire de l'unification de l'Allemagne, vous avez précisé notamment que « notre partenariat énergétique se concentre sur la promotion des énergies alternatives ». Existe-il entre les deux pays des projets importants dans ce domaine ? U.M.K.: Depuis 2013, quatre centrales solaires de 85 MW ont été réalisées par l'entreprise allemande Belectric. La même entreprise est partenaire d'une société algérienne pour un projet d'hybridation á Tindouf. Une autre entreprise allemande a récemment participé á l'appel d'offres de 150 MW de la CREG. Le lot a été gagné par un autre soumissionnaire mais cela montre l'intérêt que les entreprises allemandes portent aux appels d'offres lancés en Algérie. A côté de ces engagements du secteur privé, nous organisons ensemble des échanges au niveau gouvernemental et ce 28 novembre a eu lieu à Alger la deuxième journée de l'énergie algéro-allemande. On y a discuté les thèmes de l'intégration des centrales solaires au réseau électrique, la digitalisation du secteur énergétique, la gestion des pics de demande électrique ou encore des audits énergétiques au sein d?entreprises. Q.O.: Desertec est ce projet qui a fait beaucoup parler de lui. Il devait être porté par un important consortium marqué par une forte coopération algéro-allemande. Pourquoi a-t-il été abandonné ? Qu'est-ce qui a empêché sa réussite ? L'Algérie et l'Allemagne pourraient-elles rééditer l'initiative et la réussir ? U.M.K.: Le projet «Desertec» était une idée formidable et visionnaire. Il s'est heurté à un nombre de circonstances contraignantes en 2011 / 2012 aussi bien à l'intérieur de l'Europe qu'autour de la Méditerranée. Mais la vision reste intacte : faire fructifier la ressource solaire du Sahara pour la production d'énergie verte. Ces dernières années, les nouvelles technologies ont fait des progrès substantiels et de par mes contacts avec Berlin et Bruxelles j'ai eu l'impression que la vision de Desertec est en train de revenir sur le devant de la scène. Q.O.: Les expulsions d'Algériens en masse de l'Allemagne vers l'Algérie particulièrement en 2018 ont été condamnées par des organismes nationaux des droits de l'Homme. Qu'est-ce qui empêche les deux pays à régler cet épineux dossier qui date pourtant de plusieurs années ? Pourquoi n'y a-t-il jamais eu d'accords à cet effet ? U.M.K.: Selon nos statistiques sur les expulsions de citoyens algériens de l'Allemagne, le terme «expulsions massives» est loin de la réalité. En 2018, environ 1.000 citoyens algériens résidant illégalement en Allemagne devaient être renvoyés en Algérie. Tous ne sont pas réellement rentrés. Pas mal de personnes échappent à leur rapatriement et se font oublier. Environ 500 personnes seulement ont été rapatriées en 2018. En outre, environ 260 personnes sont rentrées volontairement en Algérie. Il n'y a vraiment pas d'expulsion massive. Les rapatriements sont par ailleurs réglementés sur la base d'un accord de 1997 et se réalisent en très bonne coopération entre nos deux services de police. La coopération dans le cadre du programme de retour volontaire - OIM - en Algérie se poursuit également. La grande majorité des rapatriés volontaires OIM vient d'Allemagne. Q.O.: L'Allemagne a-t-elle elle aussi durci les conditions d'octroi du visa et d'entrée des Algériens sur son territoire comme l'a fait la France ces dernières années ? Pourquoi ce rejet européen des Algériens très souvent pour des motifs irraisonnables ? N'est-il pas contraire au principe de la libre circulation des personnes tant cher à l'Europe des libertés ? U.M.K.: L'Allemagne n'a pas durci les conditions d'obtention de visas pour les Algériens, cela ne serait pas possible unilatéralement. Les règles régissant la demande et la délivrance de visas de court séjour sont régies par le code des visas qui s'applique dans l'ensemble de l'espace Schengen et garantit des règles uniformes en matière de procédure de délivrance des visas à l'étranger. D'un point de vue purement humain, je peux tout à fait comprendre que de nombreux Algériens jugent négativement le processus complexe et fastidieux de la demande de visa et se sentent parfois personnellement désavantagés. Malheureusement, le monde est fait ainsi. À l'ère des grandes disparités et en même temps d'une disponibilité mondiale de l'information, les citoyens ne comparent plus leur niveau de vie à celui de leurs voisins comme ils l'ont fait dans le passé, mais à celui dans les pays riches ou plutôt à ce qu'ils s'imaginent. Je pense que même les Algériens trouveraient indésirable une situation générale dans laquelle chacun peut se rendre et s'installer dans un autre pays sans autres formalités. Le défi consiste à rendre justice aux personnes qui ont réellement le droit d'asile, à prévenir la migration irrégulière et à promouvoir la migration légale, par exemple aux fins de voyages d'affaires, de tourisme, d'études, de travail, de visites familiales, etc. Malheureusement, cela n'est pas possible sans procédures administratives correspondantes. Une prévention efficace de la migration irrégulière est aussi très importante pour l'acceptation de la migration légale par les sociétés dans les pays de destination. La «liberté de circulation» que vous avez mentionnée est en effet un principe fondamental de l'UE. Cependant, elle ne s'applique qu'entre les États membres de l'UE et est remise en question lorsque les gens constatent une migration au-delà de ce qu'ils considèrent acceptable. Par exemple, au Royaume-Uni, l'impact de la libre circulation des personnes a joué un certain rôle dans la voie vers le Brexit. Q.O.: L'Allemagne a toujours œuvré pour l'ouverture de centres de transit dans des pays de la rive sud de la Méditerranée, en Algérie entre autres, pour bloquer les flux migratoires africains vers l'Europe. A-t-elle réussi à convaincre des pays de la région de le faire ? U.M.K.: Le Conseil européen du 29 juin 2018 a décidé d'examiner la faisabilité des centres de détention dans les pays tiers, en étroite coopération avec ces derniers, avec le HCR des Nations Unies et l'Organisation internationale pour les migrations (OIM). La proposition consiste à ce que les personnes puissent demander l'asile dans une dite « plate-forme de débarquement », c'est-à-dire, avant d'arriver dans un État membre de l'UE et qu'ils peuvent entrer dans l'UE ou rentrer dans leur pays, selon qu'ils remplissent ou non les conditions requises pour bénéficier de la protection. Bien entendu, la première condition requise pour les «centres de transit» est la volonté des pays tiers d'accueillir les plates-formes de débarquement. Les pays d'Afrique du Nord ont rejeté cependant cette proposition. Q.O.: Vous avez déclaré en octobre dernier que « pour l'Allemagne, l'Algérie est un partenaire de première importance en Afrique du Nord, notamment en raison de son rôle stratégique dans la région et de ses efforts pour la paix et la stabilité. » Comment se traduit ce partenariat en matière de lutte antiterroriste ? U.M.K.: La lutte contre le terrorisme nous concerne tous. Une approche internationale et multilatérale s'impose. Sur cet axe, la coopération institutionnalisée entre les autorités algériennes et allemandes témoigne d'un haut degré de confiance mutuelle. Sur un autre volet, l'Algérie accueille le «Centre africain d'études et de recherche sur le terrorisme (CAERT)», l'organisme spécialisé au sein de l'Union africaine. L'Allemagne soutient le CAERT avec des équipements techniques et des experts allemands viennent régulièrement à Alger pour y mener des formations bien spécifiques dans le cadre de la lutte antiterroriste régionale. Q.O.: Plus haut, vous faites savoir que depuis cette année, l'Algérie et l'Allemagne co-président ensemble le groupe régional de l'Afrique de l'Ouest au titre du forum pour le contre-terrorisme global ». En quoi et comment ce groupe pourrait-il aider dans l'amélioration des conditions sécuritaires en Libye, au Mali ou dans toute la région? U.M.K.: Ce forum donne lieu à une réunion plénière et trois ateliers de travail chaque année. La session plénière définit les besoins spécifiques des pays de la région, et les ateliers sont conçus pour réunir les experts «du terrain». Ils traitent donc des sujets «sur mesure » pour en dégager une valeur ajoutée effective. Les experts échangent leurs expériences pratiques dans différents domaines: combattants terroristes étrangers, financement du terrorisme et de la criminalité organisée, sécurité des frontières et coopération transfrontalière. Un élément clé en est la contribution à la formation des capacités. Q.O.: Vous avez aussi affirmé que le « hirak réveille de temps en temps en vous une période passionnante vécue il y a 30 ans en Allemagne ». Où se rejoignent les deux peuples dans leur quête du changement ? U.M.K.: Ce qui caractérise le «hirak» en Algérie, c'est son pacifisme, sa persévérance et sa large participation. La «silmiyya» des manifestants me rappelle les manifestations pacifiques de masse qui ont eu lieu en Allemagne de l'Est, il y a 30 ans, lorsque le slogan était: «pas de violence ». L'autre slogan des manifestants allemands de l'Est «nous sommes le peuple» est aussi pas loin d'un autre slogan du «hirak», la revendication des articles 7 et 8 de la Constitution. Mais dans l'ensemble, les manifestations de masse en Allemagne de l'Est se sont déroulées dans un environnement très différent et beaucoup plus fragile : dans un État économiquement en faillite, qui ne pouvait plus compter sur le soutien de son principal garant, l'Union soviétique, et où dans les pays voisins, en Hongrie, et particulièrement en Pologne, les régimes avaient déjà commencé à s'ouvrir prudemment à la démocratie. A cela s'ajoutait en 1989 l'exode massif de citoyens de la RDA via la Hongrie et la Tchécoslovaquie, d'où ils n'étaient plus renvoyés en RDA. Au total, plus de 100.000 personnes ont ainsi quitté la RDA avant la chute du Mur de Berlin. Il y avait une opposition politique organisée clandestinement depuis des années dans laquelle les deux églises jouaient un rôle important et qui disposait d'une autorité morale suffisante pour agir comme représentant du mouvement citoyen. Q.O.: Vous avez précisé cependant que, « certes, l'Algérie n'est pas l'Allemagne et chaque changement diffère d'un autre ». Comment vous imaginez-vous l'Algérie post « hirak »? U.M.K.: Je crois que le «hirak» a changé l'Algérie de manière durable. Lorsque je parle aux gens ici, que ce soit ceux qui soutiennent les élections du 12 décembre ou ceux qui souhaitent une «transition», je suis toujours impressionnée par l'optimisme et l'assurance qu'ils laissent sentir. Evidemment, les gens ont acquis une certaine confiance en soi politique grâce au «hirak». Ils ont appris qu'il est possible d'aller massivement dans les rues chaque semaine, qu'il est possible de rester pacifique; qu'au-delà de l'appartenance à la famille, aux amis et à la région, un espace public plus grand est créé, notamment pour les femmes. Et ils ont constaté que le «système» réagissait à leurs revendications. Les gens sont très patriotiques, ils sont fiers d'eux-mêmes et voient leur engagement dans une sorte de prolongement du passé héroïque de leur pays. Le «hirak» a libéré beaucoup d'énergie positive, et je souhaite aux Algériens que leurs futurs dirigeants trouvent le moyen d'employer cette énergie positive avec sagesse pour relever les défis difficiles auxquels le pays est confronté, c'est-à-dire pour les réformes politiques et économiques. Comment l'énergie positive peut-elle se déployer et devenir efficace ? Je pense: on a besoin d'un climat d'apaisement et de confiance et d'un dialogue authentique. Q.O.: Le monde s'est essayé à la social-démocratie, à la démocratie libérale, au patriotisme, au nationalisme, à l'idéologie mondialiste, au multilatéralisme et autres à un régime parlementaire, à un autre présidentiel, mais rien ne semble lui éviter les perturbations politiques, des crises économiques et sociales, la violence, les guerres. Y aurait-il à votre avis un juste milieu qui ne le ferait pas chavirer d'un côté ou d'un autre que ses gouvernants n'ont pas encore réussi à trouver ? U.M.K.: Je suis convaincue que lorsqu'on demande à des personnes dans le monde entier, dans des différents pays et des différentes cultures, comment elles aimeraient bien vivre, leurs réponses seraient assez similaires, et elles iraient toutes dans le sens des droits de l'homme, d'un Etat de droit et de la démocratie, même si ces termes ne sont pas utilisés expressément. Les gens veulent une certaine autodétermination personnelle, ils veulent que le même droit s'applique à tout le monde et ils veulent participer aux décisions qui les concernent. Tout cela, bien sûr, sur la base d'une sécurité personnelle et d'un bien-être du moins modeste. Et rappelons-nous aussi qu'un bon développement économique dépend essentiellement d'un Etat de droit. De mon point de vue, l'importance de l'Etat de droit ne peut être surestimée. Le droit est fondamental pour la paix sociale. Pour réaliser tout cela, il faut une culture politique où l'idée du bien commun doit être centrale et où le combat politique ne soit pas compris comme une sorte de combat de gladiateurs sous le slogan «the winner takes it all» (le vainqueur prend tout), mais comme une compétition pour trouver les meilleures solutions aux problèmes existants. Ce qui rend la situation si difficile aujourd'hui, c'est que, tandis que nous vivons encore dans des États-nations, la mondialisation a créé de nombreux problèmes qui nous affectent dans notre vie quotidienne : pression de concurrence, instabilité des marchés financiers, inégalité sociale croissante, des systèmes de sécurité sociale remis en question, mouvements migratoires, etc. Ces problèmes ne peuvent être surmontés qu'à travers une coopération internationale. L'isolement n'aidera pas. Q.O.: L'Allemagne plaide tout autant que la France pour une armée européenne. A quoi sert-il alors que les deux pays soient membres de l'OTAN ? L'Organisation atlantiste serait-elle arrivée à sa fin ? Les attaques frontales du président américain contre la chancelière allemande l'année dernière au sommet de l'OTAN à Bruxelles n'ont-elles pas engendré des fractures importantes au sein de l'Alliance ? U.M.K.: Nous, les Européens, devrons à l'avenir assumer davantage de responsabilités pour notre sécurité. C'est pourquoi, avec la France, nous travaillons sous haute pression pour construire une Europe qui collabore étroitement dans la politique de sécurité. Pour l'Allemagne, la cohésion indéfectible de l'OTAN est indispensable. Sans les Etats-Unis, ni l'Allemagne ni l'Europe ne pourront se protéger efficacement. Nous voulons une Europe forte et souveraine appartenant à une OTAN forte. Q.O.: Pourquoi l'Algérie en particulier et la Tunisie si besoin, ne sont pas invitées à la réunion de Berlin sur la crise en Libye. Serait-il normal que l'Algérie particulièrement qui a de très longues frontières avec la Libye ne soit pas conviée comme pays observateur à ce conclave berlinois ? Pourriez-vous nous en donner les raisons ? U.M.K.: Ledit processus de Berlin vise à aider le représentant spécial des Nations Unies pour la Libye, Dr. Ghassan Salame, à créer les conditions-cadres adéquates pour un processus politique inter-libyen sous la médiation de l'ONU. Ceci est l'objectif d'une conférence internationale, qui doit avoir lieu le plus tôt possible, à condition que des progrès suffisants en terme de substance soient réalisés. Jusqu'à présent, aucune date n'a été fixée pour la conférence. Je ne peux donc pas confirmer que l'Algérie et la Tunisie ne sont pas invitées, puisqu'aucune invitation à cette conférence n'a été encore émise. Il y a eu des discussions préliminaires dans le cadre des préparatifs d'une éventuelle conférence, tant bilatérale que multilatérale, également avec l'Algérie et la Tunisie. Ces entretiens ont clairement montré qu'il existe encore des positions très différentes au sein de la communauté internationale à l'égard de la Libye. Pour cette raison, je ne peux commenter à l'heure actuelle le contenu ni les formats des participants de ces entretiens préparatoires. Cependant, ce que je peux vous dire, c'est que l'Allemagne est consciente de l'importance de l'Algérie dans le dossier libyen et respecte cela. Q.O.: La récente résolution du Parlement européen sur la situation politique en Algérie a provoqué la colère du peuple et des gouvernants algériens qui l'ont fortement décriée et rejetée en l'assimilant à une ingérence dans les affaires internes du pays. L'Europe a-t-elle besoin, selon vous, de provoquer ce genre de conflit contre des pays comme l'Algérie avec laquelle elle est liée par un accord d'association? Peut-elle considérer qu'être partenaire avec un pays c'est de lui dicter des agendas politiques ? U.M.K.: Je rejoins la déclaration de l'ex-Haute Représentante de l'Union européenne pour les affaires étrangères, Mme Federica Mogherini, datée du 28 novembre, dont je me permets de citer un extrait : «L'Algérie n'est pas seulement un pays voisin mais surtout un partenaire, politique et économique, un pays ami? Notre respect pour la souveraineté et l'autonomie de l'Algérie est totale. Il est très important que ce débat réaffirme cela de la plus forte et la plus claire des façons. C'est aux Algériens et à eux seulement de décider du présent et du futur de leur pays. Et c'est exactement pour cette raison que les Algériens doivent être libres de s'exprimer, avec la garantie que la Constitution et les accords internationaux qui ont été signés par l'Algérie soient respectés. Il y a certains principes auxquels l'Algérie a souscrit - comme certains d'entre vous l'ont dit - d'abord et avant tout dans la Constitution algérienne, mais aussi dans les accords internationaux et dans l'accord d'association que l'Algérie a avec l'Union européenne. Ces principes incluent toutes les libertés fondamentales, y compris les libertés politiques, la liberté d'expression, le droit de réunion pacifique et la liberté de la presse. Les libertés garanties par la Déclaration universelle des droits de l'homme, qui est la pierre angulaire de notre accord d'association. Dans l'état actuel des choses, il est important que tous les différents acteurs en Algérie puissent jouir de ces droits». A cela je n'ai rien à ajouter. |
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