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Le chroniqueur
n'est pas toujours cette méchante plume de qui se distillent le fiel et la
satire. Il peut être aussi ce soyeux duvet sachant cajoler l'effort et rendre
les hommages. Quand ceux-ci se méritent.
Personne ne tient à leur rendre hommage. Ce sont des centaines de milliers, dépassant en toute certitude le million de personnes qui ont eu à gérer le vote du jeudi 29 novembre. Que de réquisitions sont signées et reçues, que de prédispositions sont tenues, que d'efforts humains sont fournis par un personnel invisible, discipliné et permanent. Les candidats ne semblent pas se soucier outre mesure de l'organisation d'un vote. Pensant à une simple formalité d'octroi d'un document quelconque d'une mairie quelconque ; leur préoccupation, et c'est un peu légitime se résume à assurer une victoire. Ils viennent, discourent et s'en vont. Parfois avec une hargne de gagner, quelquefois sans teneur. Les partis aussi. Ils déposent des listes et s'en vont. L'essentiel pour eux ; est d'avoir un lien dans la société. Croyant faire de la politique, ils remplissent un rôle prédéfini. Mais qui est cette machine qui traite, évalue, analyse, cogite, prépare, édite, compte et recompte, vérifie, authentifie, établi, corrobore, dresse, synthétise, annonce des statistiques, des dossiers, des dispositions, des procédures et reçoit des reproches, des inconstances et de la désinvolture ? Des élections viennent encore une fois d'être accomplies. Le climat était d'une froideur que les électeurs n'ont pu, au malheur des partis quitter leurs domiciles en nombre. Le taux était tout de même appréciable pour un tel événement. Les locales dit-on c'est toujours comme ça que ça se passe. Les records y sont insignifiants. En Irlande, i l y a un mois des cantonales auraient atteint moins de 20/ comme participation. C'est ainsi que l'on s'interpelle en quoi cela avait à déranger l'Etat ? Est-il responsable du fort ou faible engouement populaire ? Il se défend mal en laissant croire aux tiers que la participation est une affaire d'Etat. Elle n'est en toute vraisemblance ni la tienne ni celle du gouvernement. A charge pour lui d'assurer de concert avec les parlementaires de belles lois, justes et prônant l'égalité et la liberté. C'est si comme un promoteur édifiant un hyper centre destiné à agrémenter l'activité de commerce, loue avec contrats et cahiers de charges établis en bonne et due forme des espaces étalés sur différents niveaux. S'il y a manque de clients, va-t-on pour cela blâmer le dit promoteur ? Pourtant ce dernier soucieux du bonheur de ses locataires et de leurs conditionnels visiteurs ; a tenu à bien agencer les magasins, les écriteaux d'indication, les enseignes lumineuses, les escalators, tout en veillant à la sécurité des lieux et des boutiques agrées. Il leur a même permis d'aller en dehors de l'immeuble pour entreprendre des opérations de charme et des actions de conviction. Affiches, parleurs, séances de proximité, vente à distance, porte-à-porte auraient suffi à ces détenteurs de marques déposées (entendre partis agrées) de bien booster leurs marchandises, si le marketing avait bien fonctionné. Ce qui n'est pas le cas. Ou à contrario ce qui est l'évidence même. Un produit politique est comme une marchandise, il faudrait savoir et bien le vendre. Cerner la clientèle potentielle, l'amadouer par la persuasion, fléchir les indécis et créer de l'engouement à la consommation, demeurent les meilleurs moyens de la promotion marchande. Le problème du défaut de chalands ou d'abonnés reste imputable commercialement aux boutiquiers et non pas au promoteur. Ce ne sera donc pas à l'Etat de convaincre les gens à aller voter encore loin de vouloir par un subterfuge ou un autre les forcer à le faire. A charge pour cet Etat de garantir les éléments fondamentaux quant à l'organisation, le déroulement et l'exécution de l'opération. Les textes organiques existent, le balisage neutralement administratif aussi, aux compétiteurs de faire leur cavalcade électorale. Les actions qu'entreprend le ministère de l'intérieur par son entière mobilisation, comme s'il s'agirait d'un état d'urgence, sont édifiantes. Il s'est attelé à faire promouvoir cette " culture de l'acte électoral " chose qui allait crescendo s'installer dans les mœurs politiques nationales. Le système informatique mis en place pour traiter ce grand conglomérat numérique, débusque la compétence de l'humain fonctionnaire de l'intérieur, totalement algérien qui se trouve derrière son clavier. Ils sont des milliers à pianoter dans les cabinets de la basse administration à la plus haute, des listings, des courbes et des ratios. Sur un autre registre, il y a quelques années le peuple bravant le meurtre et l'assassinat votait encore sous les bombes et la menace terroriste. La garantie sécuritaire et la prise en charge de ce volet avait permis jeudi passé à tout individu désireux d'exercer sa citoyenneté, de le faire sans remous, ni crainte. Les autres services étatiques n'étaient pas en marge de la réussite d'une telle construction politique. Les sapeurs pompiers, les gars des postes et télécommunications ont su à leur tour contribuer professionnellement à la réalisation de cette consultation. Quel rôle politique à-t-il un élément de la protection civile à jouer dans un tel vote, si ce n'est faire nettoyer l'espace crasseux et poissé laissé derrière une vague d'émeute menée par des partisans ou par d'autres ? Noblesse dans la tache, bravoure dans la mission. Il secourait tout individu sans égard à son appartenance idéologique, son parti, ses préférences, qu'il soit électeur, candidats, administrateur ou badaud. Personne n'arrive à appréhender l'énorme volonté qui s'est consommée par des milliers de gens ayant agit dans la périphérie de la démarche électorale. C'est tout un agencement ordonné, hiérarchisé qui se dresse invisible derrière ce p'tit geste de placer une enveloppe dans une urne. Ceci aurait certainement pris beaucoup de réflexion et surtout de travail laborieux. Des hommes et des femmes, de l'énergie, de la présence d'esprit, des décisions à prendre, du temps à consacrer, des fonds à mobiliser, des moyens à prélever, du stress à gérer, de l'angoisse à subir, de la patience à avoir sont entre autres éléments organiques, des pré-requis à cet accomplissement. Faire et réussir une élection d'envergure nationale c'est presque recréer l'Etat. Selon la presse nationale se sera plus de 68 000 gendarmes et autant de policiers 19 600 véhicules, 7140 centres de vote, 185 000 candidats, 718 000 encadreurs, plis de 30 000 agents communaux, 268 515 représentants de partis, qui sont affectés à l'effet de canaliser et permettre à 21 000 000 de citoyens à accomplir leurs droits et devoirs dans la sérénité et la sécurité totale. Et aussi dans l'hygiène et la salubrité voulues. Tous ces gens là sont missionnés pour faire, selon la tendance du scrutin remplir les 26 895 sièges à pourvoir dans les deux instances locales. De ces gens là, on n'en parle pas. Ou peu, sinon par frasques et désinvolture. Personne ne s'inquiétait de l'angoisse liée à la précision à laquelle ils étaient attachés ou à la pression qu'ils subissaient au moindre accroc matériel ou d'inadvertance. La faute est inexcusable en pareil situation, comme l'erreur n'est pas permise. La tolérance n'est pas de mise, ils savent qu'ils ne se font pas pardonner, ce qui accentue l'adrénaline au fur et mesure que le temps s'égrène. Un rideau d'isoloir, tombant à terre d'un revers de main car mal attaché, et voilà que l'on crie à la fraude ! Une coupure électrique furtive dans un centre lors du dépouillement et voilà la manipulation et la fraude ! Ils étaient pourtant là à affronter les aléas du climat en plus de l'humeur des prétendants et de leurs soutiens. Toujours pas à la bonne mine. Parfois l'invective leur est réservée dès le rappel à l'ordre d'éventuels candidats peu attentifs des lois et règlements privilégiant par conséquent le rapport du nombre. Ils luttaient comme l'aurait fait un gardien loyal pour un dépôt de confiance placé en son sein. Des bureaux ont fait l'objet de tentatives d'accaparement par des excédés sympathisants ou partisans. La presse a rapporté des cas où des encadreurs étaient tout simplement sous tentative de séquestration, car gardant avec jalousie le produit des urnes et leur inviolabilité. N'était-ce la persuasion de la force publique, mobilisée à son tour à grande échelle, l'on aurait crié davantage au holà, à la fraude et à la manipulation. Cette force qui sillonnait monts et montagnes, bourgs et faubourgs vivait dans sa chair le tourment d'arriver à bon terme des missions conférées. Le gendarme ou le policier vissé à son seul idéal attributif qu'était la production de la sécurité, n'avait plus froid, ni faim, ni manquait de sommeil. Les deux défiaient altiers la température intérieure et extérieure. La réussite en fait, n'est pas l'exclusivité des lauréats et des récipiendaires candidats élus, mais en tous principes ; elle est aussi et grandement du ressort de ces milliers de gens engagés dans l'administration de toute l'organisation électorale. Ce million de personnes, d'entre personnel responsable et subalterne, magistrats, walis, chefs de daïra, greffiers, directeurs de wilaya, présidents de centre, assesseurs de bureau, convoyeurs d'urnes n'ont pas fermé l'œil pendant plus de 27 heures en temps continu. C'était la journée la plus maladive qu'ils allaient subir dans le désarroi qui taraude, en pareilles circonstances toute détermination devant perfectionner les choses. La journée du jeudi paraissant tellement longue que chaque minute qui passe sans incident est un bout de victoire. Les chefs locaux, l'anxiété au ventre voyait l'heure en siècle. Ils se suspendaient avec leurs cœurs serrés à la sentence du temps qui persiste à être cette fois-ci nonchalant. S'ensuit alors cette blancheur de la nuit où le taux de participation ne cesse de côtoyer à l'inverse le taux de glycémie. Cette nuit reste le réceptacle des ennuis du jour. Elle ne se termine que par la terminaison de l'accouchement tranquille de dame élection. Le pointage final fait déjà pointer précocement l'aurore. Au palais du gouvernement, au sein du ministère de l'Intérieur les lumières ne se sont pas éteintes en cette nuit. Idem pour celles illuminant les cabinets des walis et ceux de leurs subordonnés. Ici le portable, le fixe, le fax, le hotline n'ont pas cessé de vibrer et de s'animer. A chaque sonnerie un cran s'enregistre dans le taux de cholestérol. Dans chacune des 1451 communes la veillée était au sérieux. La Sonelgaz devait en tirer d'énormes dividendes. Il existe aussi derrière ce personnel imperceptible un autre panel de personnel inaudible qui assure, dans les conditions identiques le soutien et la logistique. Les chauffeurs, les appariteurs, les gardiens d'écoles, les préparateurs de sandwichs, les pourvoyeurs, les agents de nettoiement, et les installateurs de mobiliers, d'encre indélébile et d'isoloirs. Sans pour autant citer nos confrères de la presse tous segments confondus. Ils ne sont ni militants ni partisans. Apolitiques ; ils adhérent seulement à leur charges ou à leurs impératifs. Même s'ils l'étaient, ils ne sauraient l'être aux dépends d'une éthique et d'une vertu mise en leur fond. Ces yeux enflés au petit matin d'un vendredi froid et pluvieux, ces corps courbatus, ces esprits saturés, ces hommes et femmes extenués méritent bien, tout de même un galant hommage. |
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