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Depuis plusieurs
mois, un nouvel O.B.N.I, objet volant bien identifié a atterri dans l'arène
politique française. Depuis peu, ce dernier a trouvé une stabilisation dans sa
vitesse de croisière grâce à un écho médiatique des plus favorables. Que nous
dit le syndrome Z qui a participé à la genèse d'un phénomène inédit qui
perturbe l'échiquier politique de l'Hexagone ? Qu'un polémiste provocateur dans
la verve, auteur de grands titres, se lance dans l'arène pour rendre à la
France «sa dignité et sa grandeur» n'est pas en soi une révolution dans une
démocratie.
Avant lui et sous d'autres cieux, d'autres personnages, néophytes de la politique s'y sont attelés avec succès pour accéder à la fonction suprême. Ronald Reagan l'acteur de westerns ou plus près de nous l'homme d'affaires Donald Trump sont l'incarnation du rêve américain. Zemmour, qui emprunte à la dialectique de ce dernier, quant à lui, dénonce «le cauchemar français» fabriqué par les gouvernements successifs de droite comme de gauche, pour mieux vendre «son» rêve de lendemains enchanteurs où les Français forgeraient eux-mêmes leur destin en restaurant les valeurs qui ont fait la grandeur de la Nation. Contrairement à Monsieur Jourdain dans le Bourgeois Gentilhomme, Zemmour fait de la prose en connaissance de cause. Il prétend s'adresser aux Français sans filtre et leur promet de restaurer la grandeur de la France et sa mission civilisatrice. L'intrus, grand démagogue et expert dans l'art de surfer sur le populisme est devenu celui qui semble fixer le tempo de l'agenda politique. Il n'est pas un jour sans que les discours provocateurs et autres insultes du polémiste ne suscitent commentaires et débats, contribuant ainsi à faire sa promotion. Comme si la galaxie politique française gravitait autour de ce parvenu, gauche dans le style mais insolent dans le verbe, mauvais stagiaire aux allures d'un Trump fade, gesticulant devant les micros qui l'assaillent de tout bord. Même le Rassemblement National lui a fait la cour un temps avant de se rendre compte des dangers pour sa propre cible électorale. Le providentiel Zemmour l'assène avec conviction : il sera candidat pour être au rendez-vous avec un peuple, une nation et ne saurait se contenter d'une petite place à côté d'une Marine, qui d'ailleurs, selon lui, ne passera pas au second tour. Le dynamisme du polémiste et ses prises de parole récurrentes seraient proportionnels à l'apathie dans laquelle la France a été plongée. Une France qui ne serait plus actrice de son propre destin. Cet agité du bocage médiatique, condamné à plusieurs reprises pour provocation à la haine raciale, continue inlassablement à faire des émules dans ses meetings où se croisent nostalgiques de Pétain, de l'Algérie française, ex-membres de Génération Identitaire et autres islamophobes en tout genre. Au nom d'une histoire de France «assumée», ce thuriféraire d'un Renaud Camus, théoricien conspirationniste du grand remplacement, fustige les lois mémorielles et revendique publiquement l'abolition des lois Gayssot et Pleven visant à lutter contre les injures et actes racistes, antisémites ou xénophobes. La repentance n'a pas de place dans le logiciel zemmourien. D'ailleurs, selon le polémiste d'extrême droite, la France ne serait pas responsable de la déportation des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale, ni de celle du massacre de centaines d'Algériens jetés dans la Seine le 17 octobre 1961. Le régime de Vichy aurait même sauvé des juifs ! De Gaulle doit se retourner dans sa tombe face à celui qui revendique corps et âme «le vrai gaullisme» salvateur d'un pays en décadence. Pour conjurer le «suicide français», le polémiste prétend prendre le taureau par les cornes face à l'invasion migratoire, à l'islamisation de la France... S'il est notoire que la rhétorique zemmourienne puise abondamment dans le champ lexical du racisme, l'antisémitisme, l'islamophobie, la misogynie, le révisionnisme... le syndrome Z est avant tout un symptôme : il dit quelque chose face aux malaises de notre société. Mais il parle aussi à tous ceux qui veulent faire nation. Au-delà de la condamnation des dérives discursives du polémiste, il interroge notre capacité à penser le sens de la démocratie, de l'Etat de droit et le rôle des responsables politiques. A l'exception de quelques réactions -du reste peu audibles- pour condamner le racisme décomplexé de Zemmour, on peut s'interroger sur le sens d'une candidature à la fonction suprême d'un homme qui vise à diviser la nation, à rendre obligatoire l'assimilation -y compris par l'interdiction des prénoms à consonnance arabe-, à réviser l'histoire coloniale de la France, à nier la diversité sociologique de la France ... Plus inquiétant est la diffusion de la zemmourite qui semble gagner du terrain et gangréner les esprits des responsables politiques les plus pondérés jusque-là, au rythme des sondages favorables qui le placent déjà au deuxième tour et «ringardisent» une Marine Le Pen bousculée sur sa droite. La zemmourite se manifeste par une inflammation des neurones et du discernement. Celle-ci trouve malheureusement un moyen de transmission inégalable grâce aux différents canaux médiatiques et autres sondages douteux qui en font la promotion aux heures de grande écoute. Mais ce syndrome est l'arbre qui cache la forêt : elle met des mots sur des problématiques réelles... sans proposer des solutions. Si l'immigration, la sécurité et la lutte contre le terrorisme sont des enjeux majeurs, la priorité aujourd'hui va vers le pouvoir d'achat, l'emploi et les fins de mois difficiles pour des millions de Français. C'est sur ces dossiers concrets que le polémiste, aujourd'hui éléphant médiatique risque d'accoucher d'une souris. Car Zemmour c'est tout sauf un programme politique ! Plutôt un discours politicien, une démagogie essentialisante parée d'intellectualisme, surfant sur les éléments de langage de la nostalgie et d'un passéisme, mortifère pour l'avenir de notre pays. Cette pathologie met le doigt aussi sur le décalage entre les décideurs politiques et les citoyens, un lien de confiance fragilisé entre les classes populaires et les élites, un taux d'abstention record aux élections, une crise de la gouvernance... N'oublions pas les enseignements de l'histoire : un Hitler a été élu et plébiscité en 1933... pour le plus grand malheur de l'humanité. En ce sens, Zemmour est un illusionniste, un Messmer hypnotisant de la politique, un apprenti sorcier, sans véritable charisme, inapte pour remédier aux problèmes réels de nos concitoyens. Un populiste d'extrême droite désabusé qui fait feu de tout bois et surfe sur la peur, l'insécurité et le ressentiment. Zemmour n'est pas le Zorro providentiel d'une France aux abois. Il est le symbole d'un repli identitaire en quête de boucs émissaires perpétuels, aux antipodes de cette France ouverte et tolérante, riche de sa diversité. Au moment précisément où nous avons plus que jamais besoin de «faire nation», citoyens, responsables politiques, femmes et hommes de France attachés aux principes républicains et au respect de la dignité devront marcher ou plutôt courir ensemble dans ce marathon perpétuel du vivre-ensemble pour réaffirmer haut et fort l'intérêt général, l'attachement aux valeurs démocratiques, dénoncer les tentatives de divisions des pyromanes et combattre les marchands de haine en tout genre. Sans cela notre beau pays risque d'entamer un long voyage au bout de la nuit. *Historien et auteur |
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