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Le journal électronique TSA, dans sa une du 5 Novembre 2012, rapporte que le directeur de la recherche scientifique et du développement technologique de notre pays a plagié à la virgule prés un document officiel du « Ministère Français de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche ». Ce document n’est pas n’importe quel document, puisqu’il s’agit de la « la stratégie nationale de la recherche et de l’innovation en France », présenté en 2009 par le ministre d’alors, Mme Valérie Pécresse.
Si cette situation se confirmait, et au delà du discrédit de son auteur et de sa position de haut responsable de l’état, ce qui semble beaucoup plus important c’est que des décideurs de haut niveau dans notre pays, en charge de définir le cap dans un secteur aussi vital que la Recherche scientifique et le développement technologique, ne voient pas que le monde qui nous entoure change à une vitesse vertigineuse, particulièrement dans ce domaine tellement stratégique par ses implications sur le développement et l’avenir du pays. Dans ce monde nouveau et en mutation permanente, le centre de gravité de la recherche s’est largement déplacé et la France ne joue plus qu’un rôle marginal par rapport aux pays asiatiques émergeant, particulièrement la Chine, l’Inde, la Corée du sud, Singapour et Taiwan. Dans un classement récent, établi par la revue scientifique Nature biotechnology (1), la France n’arrive qu’à l’avant dernière place au nombre de publications dans le domaine des biotechnologies, précédant de justesse le Danemark. La Chine, lancée à toute vitesse, se classe deuxième et dépasse pour la première fois les USA, tandis que l’Inde, la Corée du sud, le Japon et Taiwan arrivent en 4eme, 5eme, 6eme et 8eme position, respectivement. L’Allemagne est le seul pays européen qui arrive à se faufiler dans une modeste 7eme place. Ce n’est qu’en additionnant les publications de ses différents pays membres, que l’Europe arrive en tète, mais ce n’est qu’une illusion car l’Europe des biotechnologies n’existe pas, ou du moins pas encore. Ce classement est d’une grande portée car il se base sur le nec plus ultra des innovations apparues dans le sillon du séquençage total du genome humain en 2000. Cela va de la génomique et ses corollaires l’epigénétique, les micro-ARN, et la pharmacogénomique qui permettent de réguler la fonction de nos gènes, de mieux comprendre les processus pathologiques, et d’identifier de nouvelles cibles thérapeutiques, jusqu’aux cellules souches et leurs applications. Dans un futur probablement très proche, de quelques années tout au plus, ces innovations vont faire à la médecine un saut qualitatif fabuleux, avec certainement l’avènement d’une nouvelle ère, jusque là inconcevable. Chacun de nous saura non seulement de quel mal il souffre, mais connaitra la liste complète des maladies qu’ils risquent de développer tout le long de sa vie entière, il pourra ainsi bénéficier de traitements personnalisés. La démonstration presque incroyable, faite par le prix Nobel de médecine de cette année Shinya Yamanaka, de reprogrammation d’une cellule adulte en cellule souche, presque identique à celle sortie d’un embryon, témoigne de ce saut prodigieux. Il reste quelques « réglages » à déterminer mais ils ne devraient pas durer longtemps avant que les applications cliniques de cette nouvelle avancée pour l’humanité ne se traduisent positivement et très significativement dans le domaine clinique. Des cellules neuves, disponibles à volonté, pourront alors remplacer celles de nos organes malades. Avant, la publication de ce classement, des chercheurs américains bien ancrés eux dans cette nouvelle réalité, se sont émus de cette émergence des pays asiatiques. Dans un article intitulé « The United States versus Asia », publié dans la célèbre revue du New England Journal of Medicine (2) soulignait le danger que cela représentait pour les intérêts de l’empire à tout point de vue. D’abord sur le plan économique, ainsi en 2008 la recherche a engendré directement la création de plus de 1.350.000 emplois directs et indirects et généré un chiffre d’affaires de plus de 90 milliards de dollars de produits et services. En se basant sur des travaux d’économistes prestigieux, ils expliquaient que grâce à la recherche la seule diminution de 1% de la mortalité liée aux cancers permet d’économiser 500 milliard de dollar, alors que la diminution de celle due aux maladies cardiovasculaires atteint le chiffre record de 48 trillions de dollars ! Ces chercheurs demandaient au gouvernement américain de ne pas geler le budget à son niveau actuel de 23 milliards de dollars alloués chaque année à la recherche publique américaine. D’autant que les pays asiatiques ne cessent d’augmenter le leur, en consacrant de 2 à 5% de leur PIB à la Recherche. A titre d’exemple, le budget de la recherche scientifique a représenté cette année moins de 0,6% du PIB dans notre pays. Pour revenir au propos de départ, la prééminence de l’Asie est un peu comme un éléphant dans une petite pièce. Nos décideurs ne voient toujours pas cet éléphant parce qu’ils restent obnubilés par le tigre français, qui est pour cette fois-ci au moins, réellement de papier. C’est cela qui est inquiétant dans cette histoire de copier-coller. * 1. Nature biotechnology 30, 910 (2012) 2. New England Journal of Medicine 367, 687-690(2012) |
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