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La réélection de
Barack Obama ne va pas bouleverser le monde. Mais elle n'est pas sans incidence
: elle va peut-être éviter au monde de subir la brutalité que promettait Mitt
Romney, une sorte de Bush III.
Ce n'est pas la fête, mais c'est tout de même un soulagement. La victoire de Barak Obama ne sera peut-être pas célébrée dans le monde arabe et musulman. Mais il n'empêche. Beaucoup, au sud de la Méditerranée, en Afrique et dans le monde arabe, ont le vague sentiment d'avoir évité le pire. Et le pire, c'était une victoire de Mitt Romney, qui apparaissait possible depuis quelques semaines, et jusqu'à l'ultime minute de la campagne américaine. L'accès de Barak Obama au pouvoir avait suscité un élan d'enthousiasme démesuré, totalement disproportionné par rapport aux capacités réelles du premier président noir de l'histoire des Etats-Unis. Beaucoup avaient perdu le sens de la mesure, et oublié qu'Obama avait été choisi par les Américains pour servir les Etats-Unis. Mais le symbole l'avait momentanément emporté sur le réel, et le monde entier s'était laissé aller à une déferlante de l'«Obamania». Un mandat plus tard, que faut-il attendre de Barak Obama ? Peu de choses en réalité. Certes, il est supposé plus libre, parce qu'il ne peut pas solliciter un troisième mandat. Il peut passer aux choses sérieuses, pour préparer l'Amérique à affronter le 21ème siècle. Mais sa marge de manœuvre est très réduite. Le système américain ne lui offre guère de répit. Il aura d'ailleurs à affronter un congrès hostile, dominé par les Républicains. En outre, les grands équilibres des Etats-Unis lui imposent une voie à laquelle il ne peut se dérober. Durant son premier mandat, il avait été obligé de lâcher du lest, y compris sur ses promesses de campagne, comme la couverture sociale au profit des plus pauvres, pour préserver l'essentiel. Mais vu d'Alger, du Caire ou de Baghdad, ces aspects importent peu. Pour les Palestiniens, Barak Obama n'a pas fait avancer le processus de paix. Il n'a rien pu faire contre la colonisation de la Cisjordanie. Et même si ses relations avec les dirigeants israéliens sont froides, il n'est pas inutile de rappeler qu'il avait choisi comme chef de cabinet Emmanuel Rahn, le fils du dirigeant d'une des organisations sionistes armées qui avaient semé la terreur en Palestine avant 1948. Ceci dit, on ne peut occulter que s'il avait été élu, Romney aurait été nettement plus dangereux pour les Palestiniens, à cause son alignement total sur Israël. Sur un autre plan, Barak Obama avait accompagné le « printemps arabe » de manière bien plus intelligente que ne l'aurait fait George Bush ou Mitt Romney. Durant la guerre en Libye, les Etats-Unis avaient joué un rôle essentiel dans l'appui logistique assuré par les forces de l'OTAN, mais ils n'étaient jamais apparus en première ligne, laissant ce rôle de fanfaron à Nicolas Sarkozy. En Irak et en Afghanistan, il a amorcé officiellement un retrait, qui n'en est pas un, malgré ses promesses. Dans les faits, Obama préserve les intérêts américains de manière plus souple, mais souvent plus efficace que les républicains. A la brutalité de George Bush et celle, attendue, de Mitt Romney, il a préféré utiliser des moyens plus souples, plus sophistiqués. L'Internet, la communication de masse, Al-Jazeera et les associations plus ou moins manipulées ont ainsi joué, en Egypte, un rôle plus efficace que celui joué par les chars en Irak. Et la diplomatie de Barak Obama a franchi le pas qui consistait à pousser les islamistes dits modérés à jouer le jeu de l'urne et à devenir des partenaires privilégiés des Etats-Unis, alors que les Républicains, qui avaient pourtant lancé l'idée d'un nouveau grand Moyen-Orient, s'étaient contentés de brandir leurs armes. La prochaine épreuve pour Barak Obama sera la Syrie. Il est probable que si Mitt Romney avait été élu, les Etats-Unis auraient rapidement eu recours à la manière forte pour imposer leurs intérêts et ceux d'Israël. Obama, bien qu'ayant les mêmes objectifs, choisit une méthode plus complexe, qui permettrait de « dégager » Bachar El-Assad sans pour autant tout détruite au passage. Sur le dossier iranien également, Barak Obama veut visiblement une issue négociée, sans passer forcément par la guerre. Ses relations froids avec Israël l'amènent à prendre ses distances avec l'idée de bombarder les installations nucléaires iraniennes, là où Mitt Romney paraissait devoir aller rapidement à une solution brutale, en avalisant simplement un choix israélien plutôt que chercher une issue moins douloureuse pour la région. Au final, Obama II apportera peu de choses au monde arabe et musulman durant son second mandat. Mais son élection permettra peut-être d'éviter le pire, car l'homme est visiblement de son temps. A l'inverse de Mitt Romney et de George Bush, il n'a pas une vision manichéenne du monde. Il essaie plutôt de saisir la complexité de ce qu'est ce monde moderne, de ce qu'il est devenu depuis la chute du Mur de Berlin, pour essayer d'en orienter le cours au mieux des intérêts de l'Amérique. Une pensée moins rustre, moins primaire que celle des républicains, mais qui donne des Etats-Unis une image nettement plus sympathique. |
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