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par David Cameron 1, Ellen Johnson Sirleaf 2 Et Donald Kaberuka 3 LONDRES/MONROVIA/KIGALI
- Aucun pays n'a été épargné par les contrecoups de la COVID-19. Cependant, les
États les plus «fragiles» du monde se heurtent à un ensemble de problématiques
particulièrement complexes. En effet, avant que la pandémie ne commence, le
Yémen, le Soudan, Haïti, la Sierra Leone, le Myanmar, l'Afghanistan, le
Venezuela et d'autres pays étaient déjà aux prises avec la pauvreté, les
conflits, la corruption et une administration publique déficiente. Aujourd'hui,
ces éléments laissent ces pays mal outillés pour gérer la crise de la COVID-19.
Ce dont chaque pays a besoin afin de traverser la pandémie est précisément ce qu'il manque aux États fragiles : un appareil d'État en mesure d'élaborer et de mettre en œuvre un plan d'action, un corps de police efficace pour faire appliquer les règles, des programmes sociaux qui fournissent des fonds, de l'approvisionnement ainsi que des services de santé pour soigner les personnes infectées. Le manque de moyens de l'État se fait immédiatement sentir dans le domaine de la santé publique. Alors que l'Europe compte 4 000 lits aux soins intensifs par million d'habitants, plusieurs régions d'Afrique n'en ont que cinq par million d'habitants. Le Mali possède seulement trois ventilateurs pour l'ensemble du pays. Une riposte efficace passe également par la confiance dans l'intervention de l'État. Cependant, en plus de son manque de moyens, l'administration publique de la plupart des États fragiles ne bénéficie guère de l'assentiment de la population. Dans les pays qui se rétablissent d'un conflit ou qui subissent une corruption endémique, plusieurs personnes se garderont d'appuyer le gouvernement même s'il s'avère apte à gouverner. Un secteur privé fort est également une composante indispensable des États efficaces et solides. Les citoyens devraient être en mesure de travailler afin de faire vivre leur famille et l'État devrait pouvoir percevoir des revenus fiscaux afin d'aider ceux qui ne peuvent le faire. Toutefois, dans les États fragiles, l'économie officielle n'est pas assez présente pour combler ces besoins. Plus tôt durant la crise, il y avait espoir que certains États fragiles éludent les pires conséquences sanitaires de la COVID-19 en raison du poids démographique des jeunes et de l'éloignement géographique. Cependant, de notre point de vue en tant que coprésidents du nouveau Council on State Fragility, force est de constater que ce ne fut pas le cas. Dans les dernières semaines, le Soudan, le Soudan du Sud, la Somalie et le Yémen ont tous eu des taux d'infection et de mortalité rivalisant ceux des pays développés ayant été frappés par le coronavirus en premier. Pire encore, les conséquences économiques de la pandémie vont certainement être plus importantes pour les États fragiles. Celles-ci ne seront pas seulement le résultat des confinements nationaux, mais également de ce qui se passe à l'étranger. Le commerce avec des pays comme la Chine a périclité, les envois de fonds des expatriés ont chuté, les prix des produits de base et les recettes pétrolières se sont effondrés et les déficits s'accumulent. Puisque les États fragiles comptent sur les importations pour la majeure partie de leur alimentation, on parle de plus en plus de «faim» et même de «famine». Nous devrions à présent avoir compris que les problèmes des pays moins nantis deviennent pour la plupart des problèmes mondiaux que ce soit sous la forme de migrations massives, d'organisations criminelles ou terroristes, ou de répercussions économiques. Étant donné que la moitié des populations démunies vivra dans des États fragiles d'ici 2030, ces problèmes ne cesseront de s'aggraver. C'est pourquoi le Council on State Fragility s'est fixé comme priorité absolue d'attirer l'attention sur les défis spécifiques que ces pays doivent relever. Le conseil, composé d'anciens dirigeants mondiaux, de ministres, de diplomates, de personnalités du monde des affaires, d'universitaires ainsi que de présidents d'organismes de développement, alliera des recherches de pointe à de méticuleuses connaissances politiques. Il aura comme but d'orienter les décideurs politiques nationaux et internationaux qui régiront comment les États fragiles se sortiront de cette crise et qui s'attelleront à leurs problèmes plus vastes et profonds. La décentralisation, l'adaptabilité et l'utilisation des données de façon avisée seront des essentiels. Par exemple, il est largement prouvé que le «confinement ciblé» d'éclosions locales est souvent plus adéquat que le confinement national. De telles connaissances pourraient s'avérer cruciales pour les États fragiles. Néanmoins, nous devons agir rapidement avant que la phase critique de la pandémie en Occident arrive à terme et que le sentiment d'urgence se dissipe. Nous proposons cinq recommandations. Premièrement, l'accès à la protection sociale doit être plus simple et plus rapide. Parfois, cela sera synonyme d'une admissibilité universelle plutôt qu'un ciblage précis. Les réseaux téléphoniques mobiles devraient être mis à profit afin de recueillir des renseignements sur les besoins immédiats et de verser de petites prestations régulières (bien que d'une durée limitée). Deuxièmement, la production alimentaire nationale devrait être encouragée. Par exemple, la Sierra Leone, qui cultivait du riz, est devenue de plus en plus dépendante lors des dernières décennies. De façon plus générale, l'Afrique compte 60 % des terres arables inutilisées au monde. Les initiatives de production locale des cultures de base doivent être rapidement déployées à une échelle nettement plus étendue. Troisièmement, dès que sera lancée la production de vaccins, la communauté internationale doit s'assurer que les États fragiles ne soient pas exclus du marché par des pays plus nantis. Lorsque la menace est un pathogène contagieux, aucun pays n'est en sûreté à moins que tous le soient. Nous devons préconiser et accélérer la production de multiples vaccins afin de garantir une distribution rapide et étendue. Quatrièmement, les entreprises des États fragiles ont besoin d'assistance immédiate. Comme le constatent les institutions financières les plus impliquées dans le développement international ; les petites entreprises des pays moins nantis sont souvent négligées et subissent les conséquences néfastes d'objectifs et de règles plus larges (puisqu'il est plus aisé d'atteindre un objectif en investissant dans des projets d'envergure dans des économies plus importantes). Néanmoins, ce sont précisément ces petites entreprises qui ont besoin d'investissements plus importants. Finalement, le G20 devrait en faire davantage afin d'épauler les États fragiles fortement endettés qui sont contraints de choisir entre payer leurs créanciers étrangers ou sauver leur population. Il est prévu que les pays qui reçoivent de l'aide bilatérale au développement doivent rembourser environ 40 milliards de dollars à des créanciers privés et publics cette année seulement. Afin de prévenir ce choc financier, nous enjoignons à tous les membres du G20 d'interrompre pour un temps les dettes cumulées non seulement jusqu'à l'année prochaine, mais aussi jusqu'à la fin de la crise. De plus, il est primordial que tous les États fragiles obtiennent du financement d'urgence afin de soutenir leurs efforts pour contenir la COVID-19 et en atténuer les répercussions économiques - notamment les pays qui n'ont pas habituellement accès au financement de la Banque mondiale ou du Fonds monétaire international. La COVID-19 aggravera des problèmes déjà existants dans tous les États fragiles du monde. Cependant, si la communauté internationale réagit promptement, nous pourrons atténuer les pires répercussions de la pandémie. S'il y a bien une leçon à tirer de cette crise, c'est que les gagne-pain et les vies seront sauvés si nous avançons plus vite que le virus. Traduit de l'anglais par Pierre Castegnier 1- Ex-premier ministre du Royaume-Uni. 2- Récipiendaire du prix Nobel de la paix, est ex-première ministre du Liberia. 3- Envoyé spécial du Fonds pour la paix de l'Union africaine. |
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