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Des politiques
économiques globales déficientes ne sont pas choisies de manière typique parce
que les politiciens croient qu'une forte inflation ou un taux de change
surévalué sont bons pour la performance de l'économie nationale. Ces politiques
reflètent, au contraire, des problèmes institutionnels fondamentaux dans ces
pays (dans « Daron Acemoglu et alia :
Causes Institutionnelles, Symptômes Macro-économiques : Volatilité, Crises et Croissance, » Revue d'Economie Monétaire, 50, 2003, p.2) Dans une économie de marché, l'échange des biens et services s'effectue grâce à la monnaie, dont aussi bien la dénomination que la valeur ressortissent exclusivement du monopole de l'Etat .Tous les agents économiques, qu'ils soient sur le marché comme consommateurs, producteurs, distributeurs, investisseurs ou autres, utilisent dans leurs transactions des moyens monétaires, dont ils ne déterminent ni le nom, ni la forme, ni la valeur d'échange. Et s'il y a un domaine où les Etats n'acceptent pas de partager leur pouvoir, c'est bien le domaine monétaire. MEME LE KHALIFE FATIMIDE EL HAKIM ! Quel que soit le système politique dont les dirigeants d'un pays se prévalent, du Khalifat en passant par le sultanat ou la démocratie élective pure, les autorités politiques tiennent à maitriser la monnaie de sa conception à son émission. C'est là une vérité si banale qu'elle est souvent oubliée ou passée sous silence. La démocratie la plus parfaire rejoint dans ce domaine la dictature la plus dure. Le maintien de la valeur de la monnaie nationale à travers le temps est la responsabilité directe des autorités souveraines, qu'elles exercent cette responsabilité de manière directe, comme au temps des khalifes ou des sultans, ou qu'elles la délèguent partiellement ou totalement à une institution monétaire spécialisée, qui est de manière générale la Banque centrale du pays en cause. Car ces autorités sont seules à même d'influer sur cette valeur, en hausse ou en baisse, et donc à prendre les mesures nécessaires pour ajuster cette valeur en prenant en considération les intérêts économiques et sociaux de les utilisateurs de cette monnaie, quelle que soient l'usage qu'ils veulent en faire : consommer, épargner ou investir. Même un souverain absolu comme le khalife fatimide El Hakim bi amri Allah reconnut sa responsabilité dans la perte de valeur du dinar en or, -dont le poids avait été réduit sur ses ordres-, exprimé en dirhems d'argent, ce qui causa une inflation très forte en Egypte, ce souverain absolu décida alors en Novembre de l'année 1009, de mettre en œuvre une réforme monétaire par l'émission d'un dirhem nouveau valant 3 dirhem anciens (voir Makrizi : Histoire des Monnaies Musulmanes, Edition Tyschsen, Rostock, p. 36, 1797) Et pourtant à son époque, il n'y avait ni calcul de l'indice des prix à la consommation, ni établissement et suivi du taux d'inflation, ni, évidemment, une banque centrale, le khalife exerçant son pouvoir de battre la monnaie par l'intermédiaire d'un muhtasib, qui était en même temps chargé de la surveillance des marchés du contrôle des poids et mesures et des prix et de la qualité des denrées alimentaires ! LA STABILITE DE LA VALEUR DU DINAR : CRITERE DE BONNE GOUVERNANCE MONETAIRE On peut gloser à longueur de pages sur la signification de la gouvernance, et ce ne sont pas les écrits qui manquent dans ce domaine et qui en explorent tous les aspects et en exposent tous les composants, institutionnels, juridiques, économiques, politiques, environnementaux, etc. On adoptera, avec un bref commentaire, la définition de la bonne gouvernance avancée par Merilee Grindle de l'Université de Harvard en 2008 dans une étude intitulée : « La bonne gouvernance » (Document de Travail, 2010) « La gouvernance inclut les institutions, les systèmes, les « règles du jeu' et les autres facteurs qui déterminent la façon dont les interactions politiques et économiques sont structurées et comment les décisions sont prises et les ressources allouées. Clairement implicite dans le concept général est la notion que la bonne gouvernance est une qualité positive des systèmes politiques et que la mauvaise gouvernance est un problème que les pays doivent dépasser » (p. 3) La bonne gouvernance n'est rien d'autre que le bon fonctionnement des institutions étatiques assurant à la population gouvernée une vie digne et prospère , sous la protection d'un état de droit qui ne prend que les décisions les plus appropriées pour assurer cette dignité et cette prospérité. Appliquée au domaine monétaire, une bonne gouvernance de la monnaie donnerait pour objectif aux différentes institutions politiques et économiques de l'Algérie, si ce n'est la réduction à zéro, du moins le ralentissement du taux d'inflation. QUELQUES PHENOMENES DE SOCIETE ET EFFETS PERVERS DE L'INFLATION La réduction, si ce n'est l''élimination de l'inflation aura pour résultat d'amoindrir ou même de faire disparaitre toutes les distorsions économiques et sociales qu'un taux élevé d'inflation entraine : depuis la fuite devant le dinar, qui explique et alimente le marché parallèle des devises (qui accepterait de garder par devers lui une monnaie dont la valeur se réduit journellement ?) aux longues lignes devant les bureaux de poste chaque fin de mois(qui serait suffisamment stupide de laisser son argent chez le receveur local des PTT, si le pouvoir d'achat de la pension ou du salaire qu'il perçoit a commencé à perdre de sa valeur avant le jour même où il lui est viré à son compte chèques ?) et en finissant par l'absentéisme au travail (qui accepterait de travailler de tout cœur pour recevoir un salaire moindre en pouvoir d'achat qu'au jour où il lui a été fixé et qu'au jour où il l'a reçu par rapport à sa valeur le premier jour de son mois de travail ?) et évidemment sans oublier la tendance des investisseurs à se placer sur des créneaux qui leurs permettent d'ajuster leurs prix à l'inflation, de la chevaucher pour ainsi dire, comme l'importation, l'industrie agro)alimentaire, la promotion immobilière, les assurances, etc. (qui serait suffisamment aveugle à l'évolution en baisse de la valeur du dinar et se lancerait dans des industries de transformation complexes exigeant des investissements en équipement et en approvisionnements de matières premières et produits semi-finis et des calculs de coûts de revient dont la valeur en dinars n'est pas assurée pour pas plus que quelques jours ?) UNE INFLATION DE CARACTERE STRICTEMENT NATIONAL Cette question de stabilité de la valeur d'échange du dinar algérien est d'autant plus d'actualité que notre pays connait une inflation dont le taux s'est accéléré depuis le début de cette année et s'est élevé à un niveau particulièrement inquiétant ; de plus, et spécifiquement, cette inflation est endogène, c'est-à-dire créée par des éléments qui n'ont rien à voir avec l'évolution des prix à l'importation , ressentis à l'échelle internationale, et dont beaucoup ont tendance à baisser, sans que leurs prix sur le marché algérien aient, eux aussi, évolué en baisse. Ainsi, en prenant quelques exemples, le prix de l'huile d'olive sur les marchés internationaux est passé de 2,93 le litre en Juin 2010 à 2,75 le litre en Juin 2012 alors que son prix a continué à monter sur le marché intérieur algérien dans la même période. Jusqu'à être considéré comme l'une des causes des émeutes populaires de 2011. Le prix des matières premières agricoles sur les marchés mondiaux a baissé de 4,66 pour cent de Juin à Septembre 2012, le prix des matières premières industrielles sur ce même marché est tombé de 7,23 pour cent dans la même période, de même pour le prix du sucre (-15,5 pour cent) du café (-2,40 pour cent). Quant à la viande congelée de mouton, son prix international s'est effondrée dans la même période (-25 pour cent) et les principaux pays producteurs et exportateurs de cette viande ont un problème de surproduction qui affecte les éleveurs au point où des mesures de soutien public sont prévus pour leur permettre de survivre en attendant que le marché s'inverse. Dans le même temps, l'inflation continue en Algérie, jusqu'à atteindre un taux moyen de 9,8 pour cent sur une période de 9 mois, (janvier à septembre 2012).Sa chute à 8,72 pour cent en Septembre va sans doute être suivie par un nouveau bond inflationniste en Octobre de cette année. Il est à souligner également, qu' à l'opposé de l'évolution des prix en Algérie dans cette même période, le taux d'inflation est resté constant dans les principaux pays partenaires économiques de l'Algérie, malgré le fait qu'ils passent par une période particulièrement difficile, les forçant à adopter une politique de faibles taux d'intérêts et de facilité monétaire. Le Canada, dont le taux d'inflation-cible ne doit institutionnellement pas dépasser les 2 pour cent et fait l'objet d'un accord entre la banque centrale et le gouvernement canadien, a vu cet indicateur tomber fin septembre de cette année à 0,2 pour cent en glissement annuel. UNE INFLATION IMMAITRISABLE ? Comme l'a écrit Adnan Haider (dans « Conséquences de la Gouvernance et de la Corruption bureaucratique sur l'Inflation et la Croissance, » Une fois que l'économie entre dans une période d'inflation élevé, des efforts soutenus sont requis pour ramener cette économie à un niveau faible d'inflation. Le niveau de corruption et la faible qualité de la gouvernance sont les déterminants principaux de la persistance de taux élevés d'inflation, et les éléments qui causent des distorsions continues dans les mécanismes de marché et des structures de prix rendant l'inflation particulièrement têtue. (p. 29) Face à cette détérioration du pouvoir d'achat du dinar, et qui dure depuis déjà 7 années, qui, donc n'a rien ni de nouveau , ni de surprenant, et n'a fait que s'accélérer au fil du temps, les pouvoirs publics ont simplement décidé de se taire et, lorsqu'elles ont agi, c'était sous la pression de la rue, soit en alimentant la tendance inflationniste structurelle par des augmentations de salaires qui ne font qu'aggraver la situation sociale de ceux qui en ont bénéficiés, ou en prenant des mesures de politique monétaire strictement symboliques et ponctuelles, sans s'attaquer au fonds du problème, qui est l'absence de politique économique cohérente, et bien que le taux de croissance soit paradoxalement faible, en dépits des immenses investissements dans le domaine de l'infrastructure, et l'accroissement des recettes en provenance du secteurs des hydrocarbures. L'IPC EST-IL VALIDE ? Même le niveau d'inflation déclarée prête à interrogation légitime. Une question quelque peu naïve peut être posée ? Connait-on vraiment le taux d'inflation réel en Algérie ? Question cependant pertinente car même la méthode de calcul de l'IPC, si scientifique puisse-t-elle paraitre- ne garantit pas que cet IPC calculé par l'ONS- (dont les niveaux techniques de ses cadres ne sont nullement questionnés, mais qui sont tenus de faire plaisir à leur employeur s'ils veulent garder leur emploi ou être promus !), donc le taux d'inflation officiel, reflète de manière réaliste la perte de valeur du dinar dans le temps. Car on peut introduire dans le calcul de l'IPC des distorsions à cinq de ses six niveaux de son calcul (voir le rapport du Haut-Commissariat marocain sur le calcul de l'indice des prix ; 2008) La population de référence: elle peut être établie de telle façon que les différentiels de niveau de revenus réduisent le poids d'un catégorie de dépenses particulièrement lourde pour les personnes à bas revenu et faible pour les personnes à revenu élevé, donc contribuant à fausser le calcul de l'IPC et du taux d'inflation, Le champ géographique: on peut choisir des villes où les prix pour telle ou telle catégorie de produits sont plus faibles que leurs prix moyens ou leurs prix au niveau de la capitale, bien que les prix dans ces villes ne soient pas représentatifs des niveaux de prix réel national pour tel ou tel produit de forte consommation, Le panier de référence: Pour réduire l'IPC, le champ de l'indice peut comprendre moins de produits (biens et services) que ceux consommés par la population de référence. La pondération de l'indice : La pondération par poste de consommation peut être calculée sur la base de données issues de l'enquête nationale sur la consommation portant sur des populations différentes en termes de revenus, de telle façon que la structure de consommation de la population à bas revenus par rapport à la population ayant les revenus les plus élevés est complétement gommée,. La formule de calcul : La formule de calcul utilisée est celle de Laspeyres en chaîne. « qui a l'avantage de permettre l'actualisation du panier et des structures de pondération et de résoudre le problème des produits saisonniers. » Mais si les distorsions signalées plus haut existent, cette méthode ne renforce nullement la fiabilité des résultats obtenus LA BANQUE D'ALGERIE ET SON « AUTONOMIE» Comme l'explique Anita Tuladhar dans un document de travail du FMI intitulé : « Les structures de gouvernance et les rôles dans la prise de décision dans les banques centrales ciblant l'inflation » « Le rôle du gouvernement dans la prise de décision -ou au minimum dans sa mise en œuvre- est délégué à une banque centrale indépendante tout en fournissant un contrat optimal d'incitants pour conduire la politique monétaire. En agissant ainsi, il maintient l'autorité discrétionnaire des fonctionnaires de la banque centrale en vue de réagir à de nouvelles informations-un outil important au vu des asymétries dans la circulation de l'information et les délais de mise en œuvre des politiques? les banques centrales ont un avantage comparatif dans la compréhension et la projection des développements dans les agrégats monétaires. » (pp. 5-6) Sur la base des indications que lui fournit un IPC dont la fiabilité est discutable, la Banque d'Algérie est bien chargée- en conformité avec ce qu'écrit Anita Tuladhar- par l'ordonnance présidentielle de 2010 (Ordonnance 10-04 du 16 Ramadhan 1431 correspondant au 26 août 2010 modifiant et complétant l'ordonnance 03-11 du 27 Joumada Ethania 1424 correspondant au 26 août 2003 relative à la monnaie et au crédit ) de veiller à la stabilité du dinar. Mais cette Banque centrale, dont les statuts n'ont rien d'original,-t-elle réellement le pouvoir de réagir aux données, même incomplètement fiables, fournées par l'ONS sur l'évolution des prix et de prendre les décisions monétaires qui s'imposent, afin de de réduire ou d'éliminer l'inflation ? Elle a bien pris quelques mesures de type classique- et dictées par la théorie suivant laquelle l'inflation est un phénomène monétaire qui se combat par des techniques monétaires- décrites dans sa plus récente note de conjoncture, mais elles sont si timides que leur effet sur la valeur du dinar a sans doute été nul. Il est difficile dans le contexte politique et institutionnel actuel, qu'on peut qualifier, sans exagération aucune, d'hyper-centralisé et de monocratique- d'imaginer que le Gouverneur pourrait prendre les mesures, d'autant plus dures qu'elles auraient dû être prises il y 7 années de cela, pour stabiliser la valeur du dinar et contribuer à faire disparaitre une fois pour toutes le marché parallèle des devises, interdit- il faut le appeler- par une ordonnance présidentielle parue sur le même numéro du journal officiel algérien que l'ordonnance portant statut de cette banque centrale (Ordonnance 10-03 du 16 Ramadhan 1431 correspondant au 26 août 2010 modifiant et complétant l'ordonnance 96-22 du 23 Safar 1417 correspondant au 9 juillet 1996 relative à la répression de l'infraction à la législation et à la réglementation des changes et des mouvements de capitaux de et vers l'étranger, article 2) En conclusion 1. L'inflation, qui s'est accélérée au cours de cette année, malgré la chute des prix de nombreux produits importés, est un phénomène qui menace encore plus la sécurité nationale que d'autres crises sociales que connait le pays, car 2. C'est d'elle que viennent tous les maux sociaux et toutes les frustrations des citoyens, aussi bien que le taux de croissance faible, qui semble n'avoir aucun rapport avec la masse de dinars mobilisée dans les investissements publics. 3. Nombre d'autres problèmes qu'on peut qualifier de menaçant la stabilité politique du pays trouvent leur explication, sinon leur source, dans l'inflation, 4. Il y a un problème sérieux de gouvernance dans la prise en charge de l'inflation, dont même le montant, probablement amoindri par rapport à la situation inflationniste réelle, est sujet à questionnement au vu du fait que le calcul de l'IPC peut être manipulé à tous les niveaux de la méthode suivie, 5. De plus, même si la banque d'Algérie a pour mandat de veiller à la stabilité de la valeur du dinar, le contexte institutionnel actuel rend ses attributions difficiles à prendre entièrement en charge 6. Cela veut dire que le poids et la responsabilité d'engager les mesures vigoureuses de réduction, si ce n'est d'élimination de l'inflation, retombe sur la plus haute autorité de l'Etat, à condition qu'elle saisisse la gravité du problème et l'urgence de sa prise en charge ; 7. D'autres pays ont découvert les effets nocifs de l'inflation. Les autorités publiques algériennes au plus haut sommet vont-elles s'y éveiller et les intégrer dans leur conception de la bonne gouvernance? L'avenir seul le dira ! 8. Quand il s'agit de l'inflation, l'Etat est à la fois le pyromane et pompier ! Il est à espérer qu'il accepter ce rôle d'extincteur de l'inflation avec autant de ferveur qu'il il s'est lancé dans le premier. |
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