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En réalité, il n'y a que Ould Kablia, le ministre de l'Intérieur,
qui en parle et qui les attend : les maires et autres élus locaux des
prochaines élections. La raison ? Evidente : un maire cela paye mal, ne dure
pas, c'est fatiguant et humiliant quand on est assis à coté du chef de Daïra
gigantesque. Dans la chaine alimentaire du Pouvoir en Algérie, le maire est
l'appendicite. La raison ? C'est ce qu'a voulu le Pouvoir centralisateur,
désignateur, autonome et méfiant : des walis et des chefs de daïra puissants,
des maires veules, impuissants, inutiles, sans grands pouvoirs et sans
vertèbres.
D'ailleurs, le Pouvoir des élus locaux est rogné chaque année de plus en plus. Des élus ne peuvent même plus interpeller aujourd'hui un wali sans l'aval du ministre de l'intérieur. Ni acheter un stylo d'ailleurs. L'histoire des élus algériens est désormais assimilable à un casier judiciaire pas propre, des détournements, de l'inculture et de la prédation. Le but est donc atteint : le peuple est convaincu qu'il ne sert à rien d'élire, c'est-à-dire qu'il ne sert à rien de voter, c'est-à-dire qu'il ne sert à rien de revendiquer le droit de gouverner le pays par soi-même. En face le Pouvoir : ses « élus » (alias ses fonctionnaires désignés) ont de l'argent, de la puissance, de la prestance, de la formation, des avantages et peu de poursuites judiciaires avec de plus gros chiffres de malversations et des crimes sur l'esthétique des villes et la gestion des espaces et argent public. Le peuple n'a pas les moyens de protéger ses élus ou d'élire ce qu'il veut. Le Pouvoir protège ses élus à lui, les couvre et leur assure l'impunité ou la retraite. Le but est que le peuple se sente coupable, ne revendique pas et se laisse gouverner par procuration et se laisse choisir les pantalons au nom de l'immaturité et de la légitimité. Le but est que le peuple crache sur ses propres choix et admire le choix de son adversaire, le Pouvoir. Au USA, presque tout les postes sont électifs : maire, commissaire, doyen ou juge. Chez nous, ils sont tous désignés sauf ceux destinés à prouver qu'il ne sert à rien d'élire. «On a du pouvoir sur le ramassage des ordures et l'éclairage public. C'est là les seuls contrats qui nous permettent de nous enrichir un peu» confiera un maire avec sourire, au chroniqueur. Depuis vingt ans le débat est sur le salaire du député et pas sur le pouvoir qu'il n'a pas. Depuis vingt ans l'Algérie se dégrade parce qu'on a choisi d'élire des maires qui prouvent qu'il ne faut pas élire des maires. Depuis vingt ans le peuple est sommé de prouver qu'il est méchant, immature, inutile, irraisonnable, inconséquent et fourbe : le portrait des élus locaux que l'on consacre «démocratiquement» depuis des décennies. |
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