|
Envoyer à un ami |
Version à imprimer |
Version en PDF
Le Bangladesh
s'est-il enflammé à cause de la publication d'une photo sur Facebook jugée
«offensante» par des musulmans qui s'en sont pris, dans le sud-est du pays, à
des temples bouddhistes et à des villages ? Mais cette brusque poussée de
fièvre n'est pas séparable
du violent contexte d'épuration ethnique contre les musulmans, en Birmanie. C'est ce qu'il faut expliquer, au-delà, de la photo Facebook. Les attaques contre des bouddhistes sont rares. C'est ce qui rend faible l'explication par «Facebook» même si elle a pu servir de déclencheur. Cette brusque fièvre intervient dans un contexte marqué par des persécutions et une entreprise d'épuration ethnique subie en Birmanie par les ?Rohingyas', une minorité musulmane. Le président birman avait demandé à ce que ces musulmans soient expulsés ou groupés dans un camp. Il est en tout cas impossible de séparer entre cette déferlante antibouddhiste, au Bangladesh et le calvaire subi depuis des mois par les ?Rohingyas' de Birmanie dont beaucoup ont été contraints, pour survivre, de fuir au Bangladesh. La photo présumée offensante a pu servir de déclencheur à un ressentiment très fort d'autant que les ?Rohingyas', «communauté la plus persécutée du monde», selon l'Onu, sont des centaines de milliers à s'être établis au Bangladesh à la suite de vagues de persécution particulièrement violentes. Le 1er août dernier, Human Rights Watch a publié un rapport accusant les forces de sécurité birmanes de «meurtres, viols et arrestation de masses» à l'encontre de la minorité musulmane des ?Rohingyas', dans l'Etat de l'Arakhan (nord-ouest de la Birmanie). «ATROCITES» Ces musulmans «Rohingyas», estimés encore à plus de 800.000 personnes à être restées dans une cette région voisine du Bangladesh où elles vivent depuis des lustres, sont considérés comme des «immigrants illégaux» par les autorités et depuis 1982, ils sont classés comme apatrides. Des rapports indiquent que depuis le 28 juin, 650 musulmans ?Rohingyas' ont été assassinés, 1.200 sont portés disparus, plus de 2.500 maisons incendiées et plus de 90.000 personnes déplacées. Le fait que la Birmanie soit rentrée, avec la caution du prix Nobel de la Paix, l'opposante birmane Aung San Suu Kyi, a rendu la communauté internationale peu sensible au désastre vécu par les ?Rohingyas'. Brad Adams, responsable de HRW pour l'Asie, a souligné que si «les atrocités qui ont eu lieu en Arakhan s'étaient produites avant le processus de réformes entrepris par le gouvernement, la réaction internationale aurait été prompte et vigoureuse», estime-t-il. L'Onu a officiellement rejeté la «proposition» du président birman Thein Sein, de regrouper les ?Rohingyas', dans des camps ou les expulser vers des pays tiers. Pour l'Onu, la solution réside dans l'octroi de la citoyenneté. Des moines bouddhistes ont manifesté pour soutenir la «solution» finale du président birman. FIEVRE Ce rappel du contexte «birman» marqué par une persécution de musulmans est nécessaire pour éclairer la soudaine fièvre qui a vu, hier dimanche, des milliers de Bengalis incendier des temples bouddhistes et des maisons dans le sud-est du Bangladesh. Le terrain était préparé et la photo, présumée offensante, a probablement servi de déclencheur comme un autre. Quelque 25.000 personnes auraient pris part à ces attaques qui ont entraîné l'incendie de plusieurs temples bouddhistes et des dizaines de maisons, dans la ville de Ramu et ses villages environnants, à environ 350 km de la capitale Dacca. Les émeutiers affirment qu'un bouddhiste, habitant dans la région, a publié sur Facebook une photo insultant le Coran. «Ils sont devenus incontrôlables et ont attaqué des maisons bouddhistes, incendiant et vandalisant leurs temples de minuit à dimanche matin», a expliqué le responsable du district, Joinul Bari. «Au moins cent maisons ont été endommagées. Nous avons appelé l'armée et les garde-frontières pour mettre fin à la violence.» Les bouddhistes représentent moins de 1% de la population du Bangladesh (153 millions) et vivent dans les régions proches de la frontière avec la Birmanie. Il est probable que ces attaques aient des répercussions en Birmanie sur la «minorité la plus persécutée du monde». Dans un contexte aussi tendu et violent, il est difficile de croire que Facebook soit une cause suffisante. |
|