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L'Europe avance,
malgré la crise. Le Maghreb stagne. Regards croisés sur deux ensembles aux
cheminements divergents.
Europe et Maghreb ont pris des chemins résolument divergents. Au nord, c'est le pragmatisme, la recherche systématique du compromis, la volonté d'avancer quand c'est possible, de consolider ce qui a été acquis quand la conjoncture est défavorable. Au sud, c'est l'incantation, le discours creux, les mots qui remplacement l'action, les déclarations d'intention qui font figure de projet politique. L'Europe est l'une des plus grandes réussites politiques du 20ème siècle. Le continent qui a provoqué deux guerres mondiales, faisant à chaque fois autour de cinquante millions de morts, a en effet décidé d'agir de manière méthodique, pour éliminer tout ce qui peut mener aux conflits et aux guerres, pour favoriser ce qui peut renforcer la solidarité et la coopération. Des pays, opposés par une haine tenace depuis des siècles, comme l'étaient l'Allemagne et la France, ou la France et la Grande Bretagne, ont décidé de bâtir des relations nouvelles, pour devenir les moteurs de l'Europe. Pas à pas, ils ont bâti de nouvelles méthodes pour gérer leurs relations avec leurs voisins, guidés d'abord par la raison et le bon sens. Il vaut mieux coopérer et favoriser les échanges plutôt que de se faire la guerre. Il vaut mieux se connaitre que se haïr. Engager des échanges entre entreprises, universités, institutions, groupes politiques et sociaux est préférable à l'organisation des confrontations périodiques qui débouchent sur des drames. Et quand une rivalité doit absolument s'exprimer, elle peut toujours être organisée dans un stade de football ou dans une compétition de lutte contre le chômage. Au sud, par contre, où les éléments objectifs du rapprochement sont plus forts qu'en Europe, on a érigé plus de barrières pendant les indépendances qu'il n'y en avait pendant l'ère coloniale. Les Algériens allaient naturellement à la Zitouna ou à El-Azhar pendant la première moitié du 20ème siècle, alors qu'en ce début de nouveau siècle, la frontière algéro-marocaine est une des dernières frontières au monde encore fermée. Il y a, certes, un discours, basé que l'émotion plutôt que sur la raison, pour vanter le Maghreb. Tous les hommes politiques se croient d'ailleurs obligés de tenir le même discours de circonstance quand ils s'expriment sur le sujet. Qu'ils soient Algériens, Tunisiens ou marocains, ils développent le même raisonnement creux sur la langue, la religion et le devenir communs. Mais à l'exception d'une tentative d'ouverture des frontières algéro-marocaines à la fin des années 1980, aucun dirigeant n'a osé une démarche concrète pour avancer. Comme l'Europe a été bâtie autour de l'axe Paris-Berlin, le Maghreb est dépendant des relations entre l'Algérie et le Maroc. Le fameux couple franco-allemand a réussi à entrainer le reste des pays européens, imposant des avancées spectaculaires de manière périodique, qu'il s'agisse d'élargissement à de nouveaux pays ou d'adoption de nouveaux textes régissant l'Europe. Les autres pays pouvaient émettre des doutes, des réserves, voire protester, mais ils ont toujours accompagné le mouvement. Certains pays doivent même tout à l'Europe : l'Espagne, le Portugal et la Grèce doivent à l'Europe leur démocratisation et leur succès économique, l'Italie lui doit sa modernisation, sans parler des autres pays qui lui doivent leur prospérité. Quand la situation l'a imposé, l'Allemagne a mis la main à la poche. Pour maintenir le cap, mais aussi parce que l'Allemagne y a intérêt. Une Grèce en faillite ne plus acheter de voitures allemandes. Une crise de l'immobilier en Espagne ruine des millions de petits propriétaires allemands qui ont acheté des résidences d'été au soleil. Et des Allemandes en difficulté, c'est autant de touristes en moins en France, en Italie ou en Grèce. Tout le monde se retrouve donc dans la même galère. Et quand l'Allemagne fait semblant de refuser de payer pour la Grèce, c'est juste pour exprimer une colère envers des pays peu soucieux de rigueur. Car au final, l'Allemagne finira par payer. Au Maghreb, c'est le couple algéro-marocain qui bloque le processus. Chacun garde une position figée, accusant l'autre de bloquer la dynamique maghrébine. L'Algérie garde son argent et ses ressources financières, qu'elle refuse de mettre à la disposition d'une économie maghrébine. Le Maroc mène de son côté un lobbying forcené pour l'ouverture des frontières, espérant y gagner un ou deux points de croissance et une amélioration de sa balance commerciale. Sans plus. La Tunisie lorgne à l'est, côté libyen, plus qu'à l'ouest, côté algérien, avec un président qui fait preuve d'un volontarisme très poussé. Les islamistes, qui ont pris le pouvoir en Tunisie et au Maroc, étaient très attendus sur le dossier maghrébin. Ils n'ont strictement rien apporté. Au Maroc, ils sont alignés sur les thèses traditionnelles du pouvoir central. En Tunisie, ils n'ont fait preuve d'aucune innovation. En Libye, ils sont très en retard, car ils en sont revenus à la tribu alors qu'ils étaient appelés à dépasser le cadre national. En dépassant le cadre national, l'Europe a créé de nouveaux espaces, qui ont consacré les libertés et les Droits de l'Homme. Faut-il voir dans le Maghreb le cadre dans lequel se construira, peut-être, la démocratie au Maghreb ? |
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