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Prenez les voyous et rendez-nous notre papier

par Moncef Wafi

Lu çà et là dans la rubrique faits divers : des combats de rue, de véritables batailles de tranchées urbaines secouent des quartiers populaires de la capitale et des villes de l'intérieur du pays. Des bandes rivales se battent pour le contrôle de territoires ou pour régler leurs comptes à quelques bâtiments du QG de la République. Résultat : des morts d'innocents, des blessés et une psychose en supplément. Comme si les Algériens avaient besoin de la menace permanente d'une bande de criminels, à peine sortis de l'adolescence. L'absence de l'Etat dans ces pires moments prend en otage toute une population livrée à elle-même, incapable de se défendre face à la vague de violence qui habite ces énergumènes, véritables guerriers de la lâcheté. Frappant en meute et en traitre, ils font la loi en absence de la loi. Ils colonisent des cités entières lorsque la police de la République pointe ses matraques en direction de poitrines revendicatrices de pain et de liberté. Vol, agression, racket sont leur menu quotidien et épées artisanales, bombes lacrymogènes, couteaux à cran d'arrêt et pistolet d'alarme, leur rosaire de chevet. Ils sont devenus maîtres de l'espace laissé en friche par l'Etat qui préfère voir ailleurs jusqu'à ce qu'un gamin se fasse tuer en allant faire les provisions familiales. On se rappelle alors de ces zones « dortoirs » qu'on ne visite qu'une fois la contestation sociale risque de déborder en dehors de ces cités insalubres. On fait la chasse aux voyous et l'uniforme bleu devient plus ostentatoire empêchant la justice collective de frapper. Mais dans tout ce magma putride, ces joueurs de couteau, ces petites frappes ne sortent pas de nulle part. Ils sont le fruit de la grâce qui, chaque année, ouvre les portes des prisons pour remettre en liberté une petite délinquance qui ne fait que prendre du grade. A chaque date anniversaire, la République décide d'aérer ses geôles en libérant des numéros d'écrou récidivistes qui, une fois dehors, se remettent au boulot en gang ou en solo. Si la police arrête, la justice libère. Si la justice condamne, le président gracie. Voilà toute l'histoire de la chaîne criminelle aujourd'hui en Algérie. Pour ceux qui s'offusquent des conditions carcérales, pour les âmes sensibles qui s'émeuvent de la qualité de la nourriture ou du m² de la cellule, il faut savoir qu'ailleurs, dans la capitale de la démocratie occidentale, aux States, les prisonniers sont enchaînés et envoyés dans des camps de travail. Alors que chez nous, et depuis qu'on a arrêté les cargaisons de petits truands acheminées vers le sud pour faire connaissance avec l'alfa, l'Algérie produit plus de voyous que de papier de qualité.