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Je commence par
les paroles d'un professeur algérien vivant en Allemagne et enseignant à l'université
d'Erlangen-Nuremberg. «Je dirai comme Hugo Claus, chez nous, la corruption est
monnaie courante.
C'est pourquoi, quand un scandale éclate au grand jour, nous sommes plus frappés que partout ailleurs. On ne naît pas Algérien à part entière. On le devient quand on n'est pas corrompu. Nous devons faire le choix entre être des acteurs dans une Algérie libre et forte ou être tout simplement des spectateurs de l'histoire qui se déroule dans un temps qui coule trop vite. Nous ne sommes plus en 1990 et ce n'est plus le temps de ça passe ou ça casse. Nous sommes en 2012 et c'est le temps de ça passe sans que ça nous casse. C'est bien le temps du cinquantième anniversaire de l'indépendance de l'Algérie et de BHL chez les Arabes. L'image est claire. Nous devons agir comme des Algériens dignes, droits et fiers ou nous subirons les conséquences d'être des Algériens de contrefaçon qui suivent les évènements sans les comprendre. Le pilotage politique dans un ciel arabe agité par un printemps obscur demande une grande précaution et une vision lointaine. Dans l'obscurité, la turbulence économique contre un appareil algérien érodé par la corruption et les discordes politiques perturbe nos cœurs. Le terrorisme administratif sauvage nous écrase et ne nous permet plus d'aller vers le modernisme et la démocratie. Nous pouvons dire la même chose pour le problème de la corruption qui ronge les fondations de la grande maison. L'Algérie est la grande maison où tout le monde consomme. Dans la grande maison, le plus naïf sait que Kaddour a pris sa retraite de la caisse mondiale de retraite pour venir à l'Eldorado s'occuper des grandes affaires. Le dernier des Algériens est au courant que Kaddour cultivait la corruption dans la cour de la grande maison de madame Laitière. Je suis convaincu que personne ne va construire l'Algérie de demain à part ses habitants eux-mêmes. Je ne veux pas gâcher mes énergies à essayer de persuader mes concitoyens de ce qu'ils ne veulent pas comprendre. Nous ne sommes plus dans les années cinquante et le monde a changé. Mes énergies sont dirigées pour faire face aux gros problèmes et aider à proposer des solutions. Quand le temps le permettra, j'offrirai mes idées plutôt aux jeunes qui veulent construire une nation forte et respectée qu'aux gens absurdes qui veulent la saccager. J'aiderai les Algériens qui veulent vivre dans une Algérie qui accepte la tolérance. Une nation qui encourage la science et cherche le progrès. Une nation où la corruption est vue comme un crime contre le peuple. Mon travail n'est pas de changer les esprits des Algériens qui prétendent avoir toujours raison, même si cette raison est née dans les années trente. Une raison vieillie par le temps. Ma mission d'éducateur se limite à partager mes idées aussi honnêtement que je le peux pour que les Algériens puissent avoir une base de savoir plus étendue. Cette base n'est ni limitée ni étroite. Ils auront la chance d'incorporer leurs opinions. Les opinions changent avec le temps et ne sont pas toujours dans la même direction. Dans le modernisme, la diversité des opinions éclaire le bon chemin dans la gouvernance des peuples. Je ne pense pas détenir le savoir absolu et je suis incapable de contrôler la vérité céleste. Mon métier offre des solutions autant qu'il dévoile des problèmes. Je suis sorti du bled quand l'ignorance zigouillait le savoir. Je vis en Allemagne depuis 1991. Dans ce pays, le peuple ne vit pas de pétrole. Il vit de science, de technique et du savoir. Malgré que l'école de Benbouzid soit la négation du savoir et de la science, la presse nous informe que le Dr. Chin Aiman, doyen de la faculté de médecine de l'université de Harvard et le Dr. Djamel Ould Abbès sont satisfaits du progrès dans le domaine de la santé chez nous. Ils sont satisfaits peut-être, mais le peuple ne l'est pas. Le peuple crie à haute voix : «La santé n'est pas labès ya si Ould Abbès. Votre satisfaction image la politique de ramener de l'eau dans un couscoussier pour des malades assoiffés. Ils pensent ce qu'ils veulent mais la réalité veut qu'une partie de nos malades aillent explorer la guérison en France, en Belgique et même en Jordanie. L'autre partie court les pharmacies à la cherche d'un médicament pour apaiser leurs douleurs. En plus clair : Ramener de l'eau dans un couscoussier, c'est mentir». Mon ami d'Erlanger reconnaît que la corruption dans le pays de la baraka brouille la confiance politique et la compare à une femme séduisante qui attire l'âme et le cœur de nos dirigeants à tous les niveaux. Voici comment il raconta l'histoire de la culture de la corruption dans la cour de la grande maison de Kaddour. Venant d'une petite ville des hauts plateaux, Kada est un jeune homme comblé par ses rêves. Il est pauvre, beau et très charmant. Kada quitta sa petite ville trop jeune et se dirigea vers El-Bahia pour ses études. Il était très timide et ne savait pas mentir. Sa formation solide au lycée technique Les Palmiers lui donnait respect et rigueur. Etudiant à El-Bahja, il changea très vite de mentalité pour devenir Algérois. Dans sa jeunesse, Kada était très honnête. Ses aventures à Piccadilly Circus, ses histoires à l'auberge des Sept sœurs à Londres et ses plaisanteries à l'auberge de la porte des Lilas à Paris embellissent sa personnalité. L'eau limpide de la fontaine des Innocents au premier arrondissement de Paris était sa boisson préférée. La ligne 9 du Metro de Paris et la station Croix de Chavaux me rappellent les inoubliables dimanches en compagnie de Kada aux puces de Montreuil. Il était toujours souriant au petit paradis des chineurs. Nous nous sommes séparés après l'université et chacun a pris le chemin qu'il lui était destiné. Kada aimait passionnément madame Laitière, une veuve riche et trop belle. Laitière réside dans une belle maison coloniale à Hydra. Elle a hérité cette maison de M. Répal, neveu du général Duval, un ancien colon le l'Organisation armée secrète (OAS), né à Torre Molinos en Espagne. Au début de sa carrière dans le chauffage et l'éclairage, Kada pensait que le bonheur dans la grande maison est possible lorsque les gérants du pays de Kafka, royaume de l'absurde, prennent leur retraite ou partent en grand voyage dans l'histoire des vieux temps. Un voyage sans retour. Hélas, il ne va fixer que désillusion sur une longue chaîne de déceptions qui lui serre le coup. Par contre, Kaddour, le stratège, est Américain sur papier, Marocain de naissance mais Algérien par intérêt. La bibliographie de Kaddour montre qu'il est né à Oujda du Maroc à l'époque de Raymond Chandler. M. Kaddour parle bien le portugais financier et le sabir pétrolier. Ses études aux Etats-Unis d'Amérique, ses navigues en Amérique Latine et son mariage sont étranges et demandent réflexions. M. Kaddour a fait ses études aux Etats-Unis d'Amérique pendant la révolution quand les jeunes Algériens de son âge étaient au maquis. C'est en Amérique qu'il a connu son épouse. Madame Kaddour a la mentalité des femmes de Haïfa et sa carrure nous rappelle la vieille carcasse Goda Mayer de l'Etat hébreu. Quand madame Kaddour «conférence» dans les synagogues et les églises, les juifs d'Amérique écoutent avec attention. Très maligne, madame Kaddour imite la femme de fer Thatcher dans ses positions politiques. Elle contrôle les actions et les déplacements de Kaddour par satellite des Etats-Unis. Dans ses errances dans les monts qui bornent la grande maison, Kaddour rencontra un chasseur de primes français nommé De Vautour. De Vautour fuyait son destin français pour venir s'installer temporairement en Algérie. Pour ce chasseur, l'Algérie est l'Eldorado des affaires louches. Il est venu pour s'enrichir rapidement. Kaddour demanda à De Vautour de ne pas rester chez nous et lui conseilla un boulot très facile à Genève. Le chasseur devint alors le factotum de madame Kaddour à Genève. De Vautour est spécialiste dans la recherche des sociétés de services qui soumettent des factures gonflées et payées directement par les petits de la grande dame Laitière. De Vautour a grandi en Italie où il a appris comment maquiller un corbeau et lui donner l'allure d'un perroquet. Le corbeau muet et bien décoré se vend en Afrique à des prix exceptionnels. Les amis italiens de De Vautour visitaient souvent la cour de la grande maison pour enseigner la science du maquillage à Kaddour et ses amis. Un beau jour, De Vautour demanda à Kaddour d'aider des femmes françaises vivant en Algérie. Ces femmes sont binationales. Elles sont venues cultiver une plante maghrébine. Cette plante est un peu bizarre. Elle s'arrose de magie et de baraka. Au Maroc, on la nomme bakchich et les Algériens la connaissent sous le nom de «tchipa». D'après les paroles de De Vautour, une dose de cette plante transforme les décideurs politiques en bêtes dociles et obéissantes quand les affaires malhonnêtes se présentent devant eux. Les aventures de De Vautour dans les royaumes absurdes d'Afrique méritent une étude approfondie. Kaddour découvre mademoiselle Lavalin, la canadienne, parmi ces femmes. Cette fille est une ancienne connaissance de Kaddour. Avec l'aide de Lavalin, Kaddour parvient à cultiver la plante. En échange, il obtient la bénédiction de toutes les femmes binationales et devient très puissant en cultivant cette plante dans le grand désert. Lavalin et De Vautour le nommèrent M. Stratège l'Américain au lieu de Kaddour. Le Stratège, un prête-nom, est bien décrit dans les séries de Raymond Chandler des années 30. Mademoiselle Lavalin connaît bien l'engrenage de l'administration et sait comment graisser ses roulements de son système pour accélérer son mouvement dans le monde africain. Elle est très connue en Libye, en Suisse et dans d'autres pays arabes. Lavalin devient la conseillère particulière de M. Stratège dans les projets de construction, puisque ce dernier est ignorant dans ce domaine. Le projet de Lavalin consistait à moderniser le fameux bidonville du grand désert. Lavalin est trop sûre d'elle-même et a de très bonnes relations avec les hommes d'affaires italiens d'une compagnie au nom bizarre «Pizza-rôti». Kaddour se demandait pourquoi Lavalin préférait les Italiens et n'aimait pas trop les Chinois lorsqu'ils parlaient construction rapide non loin du tronçon ondulé de l'autoroute. Mademoiselle Lavalin et De Vautour aidèrent Kaddour à repérer Kada dans la grande maison de Sainte-Marie du Corso, non loin de la ville universitaire de Boumerdès. Kaddour est très malin, il sait comment remplacer les experts compétents et de haut niveau par les béni-oui-oui. Kada devient alors l'homme de confiance de M. Stratège puisqu'il ne sait pas dire non. Kaddour était plus vieux que Kada. Il le dépassait de 18 ans. Kada respectait énormément M. Stratège. Il voyait en lui son bon papa. Kada savait que M. Stratège est bien introduit en Amérique. Il savait aussi qu'il avait la confiance totale de Mourad Raïs. Kaddour ordonna à Kada de collaborer avec Lavalin. Lavalin n'est pas facile. Elle connaît bien le rouage des affaires de constructions rapides. Lavalin paraissait naïve aux yeux des débutants comme Kada. Lavalin a trop survolé les cieux pour être contrôlée par le pauvre Kada. En politique, la confiance cache tous les vices mais l'intuition et l'intelligence des hommes honnêtes les dévoilent. Dans la vie, il ne suffit pas d'être intelligent, il faut savoir écouter. Le jeu au monsieur sérieux par les malfaiteurs comme M. Stratège est monnaie courante chez nous. Les messieurs sérieux jouent aux faux dévots ou aux bons papas pour préparer les sales tours. M. Stratège, conscient de l'amour de Kada et madame Laitière, décide de vendre cette dernière au marché de gros contrôlé par Exxon et BP. Kaddour échoua dans cette action et Laitière échappa au bradage cette fois-ci. Après son échec, Kaddour changea d'orientation et se transforma en grand cultivateur de la «tchipa». N'ayant pas assez d'expérience, Kada ne parvient pas à s'emparer de l'influence magique de M. Stratège et de la baraka de madame Kaddour. Il trébucha dans sa carrière en jouant trop à monsieur sérieux. Il prend la dérivée de M. Stratège et suit la trajectoire de la «tchipa». Cette trajectoire fut bien tracée par Lavalin et De Vautour. Kada se cassa le nez en suivant la cadence de Kaddour. Ne pouvant plus jouer au Pinocchio, il se retire à l'ombre en aval de l'oued Fergoug. Comme tous les messieurs sérieux, Kada se plaint d'une maladie très causée par la «tchipa». Durant sa convalescence, il s'installe dans une maison construite par Lavalin. En conclusion : les amis de Kada le lâchèrent. Ils lui reprochaient la confiance aveugle qu'il avait en M. Stratège. Mon ami de l'université d'Erlangen-Nuremberg n'écarte pas le rôle de la plante magique sur l'esprit de Kada. Ses connaissances trop superficielles dans le monde des affaires et ses analyses trop académiques l'emmènent, après le scandale de Kaddour, vers les cellules où des hôtes malfaiteurs échancrent plans et idées. En prison, la bonne compagnie et les belles paroles de Kaddour lui manquaient. Les voyages avec Kaddour devenaient une histoire de culture de corruption. Kada a brisé sa carrière et a bien appris la morale de son histoire : «pour éviter tout soupçon, les cultivateurs de la corruption montrent toujours la générosité, le bon cœur et la grande sympathie pour attirer leurs proies». |
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