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Qui conduit ? Personne et pourtant les Algériens meurent
par milliers sur les routes. Là, il s'agit du pays et les roues sont celles de
notre histoire. Selon le mode d'emploi, le Président est le guide suprême, le
chef des armées, l'éclaireur de la nation, le Père du peuple, le fils des
martyrs. Dans les faits ? C'est une version qui se dit et se répète : quand il
fait grève, le pays est assis, l'économie penchée et les ministres volants.
D'ailleurs beaucoup de ministres algériens répondent comme des chefs de daïra
impuissants : « Cela vient de là-haut et on n'y peut rien et on attend ». La
Présidence semble, en effet, avoir centralisé tous les pouvoirs et toutes les
politiques et toutes les décisions. Du coup, le reste du pays est vide ou
attend les consignes du secrétariat majeur du pays. Pas de mairies, des députés
de 25 jours d'exercice avant le congé et des ministres soit en double vacation,
soit en attente de remaniement qu'ils vont apprendre dans les journaux, soit
suspendus au téléphone, en attente de consignes claires sur ce qu'ils doivent
faire face au Mali, aux gardes communaux, à la viande de poulet, l'aspirine
manquante ou le droit de prendre quelques jours de vacances.
Cette sensation de vide et de démission, en instance, paralyse tout le pays ou le conduit à cultiver des effets de scène. Genre Amar Ghoul et son parti turc, dissidents au RND ou boycott des Israéliens par les Algériens aux prochains Jeux Olympiques. De quoi mâcher pendant que l'on regarde l'autoroute Est-Ouest traverser le pays pour revenir dans l'autre sens. D'où vient ce mal ? Bien sûr de la paresse. Les hommes qui décident semblent avoir cédé à une étrange fatigue et au besoin de s'asseoir et ont choisi, pour ce faire un Calife, il y a des années. Rêve de démission chez les affréteurs de l'avion et besoin de s'occuper de soi et des siens et pas de tous à la fois. Sauf que ce fut une mauvaise solution pour un vrai problème : comment reconstruire un Etat sans le centraliser jusqu'à l'abus ? Comment reprendre la décision sans tuer la responsabilité des autres ? Comment ne pas être les trois quarts du président sans céder à la tentation d'être le pays en entier et son unique habitant ? Et que se passe-t-il quand on met tous les pouvoirs entre les mains d'un seul homme et que cet homme se lasse, s'assoit, refuse et ne veut plus rien d'autre que remonter le temps ? Le pays souffre aujourd'hui d'un vidage entier de ses institutions, contre-pouvoirs et appareils. Un étrange cas de monarchisme sans monarque actif donc. Et l'été algérien semble durer depuis des années déjà. Conclusion ? Un étrange couple : le mari (régime) se renfrogne, ne dit rien et s'isole. Son seul acte de vie est de remplir le panier avec de la viande d'Inde et de marquer son territoire. A l'épouse enfermée, tout est interdit : manifester, marcher dans les rues, voter réellement, se dévoiler aux étrangers et aux ONG, avoir un regard sur le budget et la loi de finance, nager sans se faire inculper, protester ou se révolter ou contester sans se voir répondre que c'est un complot extérieur à la cuisine. Elle sera alors frappée pour son bien ou corrompue avec un faux bracelet d'or et un livre de cuisine, avec une fatwa expliquant que sa condition dépend d'un livret de famille, et pas de la Constitution. C'est donc l'été. Depuis deux mandats. |
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