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50 ans dans la
vie d'une nation, c'est bien peu. C'est, comme le dit si bien Mohamed Korso, «
une goutte d'eau dans un océan » (Liberté, 2 juillet). Mais 50 ans dans la vie
d'un Etat, c'est déjà beaucoup. Et, quand on se sent, malgré toutes les
facilités et tous les avantages, en « état de manque » quelque part, c'est
toujours beaucoup trop. C'est un vase qui commence bien plein?la moindre
gouttelette pouvant faire tout déborder. L'âge «travaillant» les capacités
physiques, on ne peut, hélas, que passer son temps à ronchonner, à critiquer
dans les arrière-salles des cafés et à «casser du sucre » sur le dos de ceux
qui nous gouvernent? et de ceux qui veulent gouverner. Rien de ce qu'ils font
ou de ce qu'ils proposent ne trouve grâce à nos yeux, tout en n'avançant aucune
proposition de sortie de la «crise». C'est dans la nature des choses de la
vie?et c'est, aussi, dans la nature de l'Algérien. Il est vrai, aussi, qu'il
n'a pas été gâté par les événements.
D'abord un pays à la position géostratégique délicate et aux immenses potentialités économiques recherchées (commerciales, agricoles, spatiales, pétrolières ), qui s'est trouvé, très tôt, convoité (par des puissances proches?et, aussi, par d'autres plus lointaines, comme ces Vandales venus nous faire la guerre!), envahi, occupé, exploité, assassiné, trahi, haï? L'Histoire et ses marées (ou ses tsunamis) laisse toujours, immanquablement, des traces, visibles ou non, dans l'esprit d'une société et des hommes qui la composent. Elle forge leur personnalité. Avec ses faits de gloire ou de honte, ses guerriers ou ses fantoches, ses mythes et ses exemples,... « L'état actuel des peuples est le résultat de l'accumulation (?) des efforts de toutes les générations qui nous ont précédés (?). C'est ce qui constitue le capital de l'humanité et chaque nation n'est productive que dans la mesure où elle a su assimiler cette conquête des générations antérieures et l'accroître par ses acquisitions particulières?» (Frédéric List). Nous (citoyens, peuple, nation, Etat) ne sommes, en fait, que le produit de notre Histoire. Une Histoire avec ses côtés glorieux (les résistances populaires au fil des siècles, la guerre de libération nationale menée contre le colonialisme français?), mais aussi avec ses aspects bien douloureux?et bien sombres. Une Histoire qui reste encore à découvrir dans sa quasi-totalité, tant pour ses parties lointaines que contemporaines. Souvenirs et traumatismes ! Premier tournant ! 19 Mars 1962 : Apparition, ici et là, dans les campagnes comme «en ville», de «ralliés » (les « marsiens ») qui, subitement, en firent trop, alors qu'ils étaient peu ou pas du tout engagés auparavant. Ils se mirent, pour beaucoup, au service des moudjahidine encore au maquis, se transformant en relais ou en intermédiaires, se servant au passage, et obtenant leur «passeport pour un avenir radieux». On connaît la suite, avec le gonflement incroyable du nombre de « moudjahidine », donnant à la «famille révolutionnaire» une santé d'obèse. Le deuxième tournant fut l'« immense fête» célébrant la proclamation officielle de l'Indépendance du pays. Une fête marquée par des «retournements» aussi rapides qu'imprévisibles de la situation politique et militaire puisqu'en une journée, il a fallu manifester pour Ben Khedda? et, quelques heures après, pour Ben Bella?Et, celui qui n'était pas assez rapide pour saisir le changement, s'est vite retrouvé, avec beaucoup d'autres, enfermés, pendant quelques heures, dans une cellule. Une fête qui a marqué, à mon sens, pour des décennies, la société algérienne (la génération des 18 ans et plus d'alors). En effet, l'avenir de beaucoup de personnes ou de familles ou de groupes ou même de régions s'est joué dans ces moments de liesse et d'abandon à la limite de l'anarchie et de l'orgiaque, avec ses accaparements (de biens ou de titres) et ses alliances politiques ou financières ou familiales parfois douteuses. Aujourd'hui encore, on en découvre les retombées malsaines sur les comportements sociaux des vieux «décideurs » et aussi des citoyens (même les plus jeunes, par effet de contamination), tous ou presque tous, toujours à la recherche d'une « crise » ou d'une « révolution » ou d'une allégeance, solution la plus rapide pour faire évoluer sinon le cours des choses, du moins sa situation. C'est ce qui fait qu'aujourd'hui encore, plus de cinquante années après « l'indépendance détournée », la gestion politique du pays reste inorganisée, du moins instable, faite de règlements de comptes, de coups fourrés et de coups d'Etat, chacun se prévalant d'une légitimité ( nationaliste, révolutionnaire, démocratique, cultuelle, culturelle, régionale, tribale?et même « zaouiale »?) que lui seul arrive à définir. Que reste-t-il aux tout petits, les générations 80-90 ? Bien des traumatismes. D'abord élevés (parfois par les parents et, bien souvent, par l'école, l'imam du coin prenant assez vite la suite) dans un climat de « doute généralisé des autres «, avec le mépris des symboles Etatiques, la haine des dirigeants politiques ou des fonctionnaires de l'Etat, ils ont été éduqués par une Histoire mal écrite ou pas écrite du tout, mal racontée?. Avec, de temps en temps, des «pavés dans la mare» qui démythifient brutalement nos héros et les luttes, des sortes de «scandales historiques» lancés par les «vieux combattants «, torturés par le remords ou soucieux de se racheter juste avant de dire adieu à une vie auparavant «bien pleine «. Il y Eut, ensuite, de nouveaux traumatismes après avoir vu des dizaines de cadavres mutilés de femmes, d'enfants et d'hommes garnir les écrans de télévision et les «unes» des journaux, durant presque toute une décennie? quand ils n'ont pas vécu eux-mêmes dans leur chair les atrocités et les attentats terroristes. Et, après avoir vu des criminels graciés et des voleurs de grand chemin encore impunis. 1962-2012 : 50 ans. Un autre tournant ? Si l'on s'en tient à la promesse (en fait, un simple appel) du président A. Bouteflika concernant le transfert des pouvoirs (ou le passage de flambeau) à une autre génération, à travers son «Tab Eddjnana », peut-être bien que oui ! Mais, peut-être bien que non?si l'on relève seulement que, comme en 62, après la guerre des sièges (de députés), dont la plus grande a été inévitablement ?celle au sein du Fln (décidemment, l'Histoire, chez nous, ne fait que bégayer!) , il y a, pour paraphraser un commentateur de presse, en ce 5 juillet 2012,?un gouvernement? presque provisoire. Un autre tournant sans tourmente ? On le saura dans 50 ans. |
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