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Le
statut, l'enseignement, la maîtrise et l'utilisation du français en Algérie
sont souvent discutés et sources de dissensions qui divisent les Algériens et
certains intellectuels et chercheurs étrangers : ceux qui, au nom de l'identité
nationale et/ou de l'islam, s'ingénient à mettre dehors le français et ceux qui
veulent le préserver comme une langue utile qui fait partie de l'histoire et du
paysage sociolinguistique de l'Algérie ; ceux qui réclament l'anglais comme
première langue étrangère rien que pour contrebalancer le prestige du français parce
que langue du colonisateur et ceux qui déplorent la santé du français en
Algérie parce que nostalgiques d'une époque perdue où les francisants
excellaient non seulement en langue française mais aussi dans les autres
disciplines scolaires, etc.
Il faut ajouter qu'à l'intérieur de ces groupes, il y a des sous-groupes dont le nombre complexifierait davantage la situation linguistique de l'Algérie. Mais une chose est claire et certaine : même si, statutairement, le français est une langue étrangère en Algérie, au même titre que l'espagnol, l'anglais et le reste des langues étrangères, il est omniprésent dans toutes les villes algériennes. Il est enseigné, de manière obligatoire, dès la troisième année primaire jusqu'en terminale, dans toutes les écoles algériennes. Dans la vie politique et l'administration, le français tient également une place indéniable ; les décrets présidentiels et les documents adressés par les ministères et les directions sont rédigés en arabe mais aussi en français et dans les administrations locales on continue d'utiliser le français, même si, apparemment, cela est strictement interdit par l'État. À l'université, plusieurs formations s'effectuent encore en français. Et à tout cela s'ajoute une pratique qu'on qualifierait peut-être de phénoménale (qui n'existe peut-être qu'en Algérie !) : lorsque, à la télévision algérienne, un diplomate étranger s'exprime en français, on n'interprète pas à l'arabe ce qu'il dit, par contre, quand s'il s'agit d'un diplomate s'exprimant dans une langue autre que le français ou l'arabe, on fait appel à un interprète : est-ce pour des raisons économiques ou pour des raisons politiques, c'est-à-dire est-ce pour éviter les frais d'interprétation ou pour donner un puissant coup de main à la langue française ? Cependant, si le français est très utilisé en Algérie, ce « très utilisé » n'est pas synonyme de « bien utilisé », s'il existe partout en Algérie des francophones qui sont de bons et d'excellents francisants, personne n'oserait le nier mais, parallèlement, on devrait admettre que le nombre de ces derniers est en baisse constante, de plus, l'usage du français par les apprenants est très défectueux, à en croire les déclarations de leurs propres professeurs : la situation de l'enseignement / apprentissage du français en Algérie n'incite guère à l'optimisme, affirme F. Bouanani 1professeur à l'ENSET d'Oran (École Normale Supérieure d'Enseignement Technique). Incidemment, il faudrait préciser une réalité d'une grande importance dans la complexité du panorama sociolinguistique de l'Algérie : si l'opportunité était donnée aux parents d'élèves de choisir l'anglais au lieu du français comme première langue étrangère dans le primaire, il serait fort possible que la grande majorité d'eux ou du moins un nombre important d'eux jette son dévolu sur l'anglais, compte tenu de plusieurs facteurs, notamment du contexte historique (qui fait que le français s'associe au colonialisme) et du fait que l'anglais facilite la recherche scientifique beaucoup mieux que le français. Autrement dit, il est difficile d'admettre que le français soit choisi par la totalité des Algériens puisque les autres langues étrangères ne bénéficient pas du même soutien de l'État pour le concurrencer (on ne peut pas choisir une autre chose si elle n'existe pas ou si on n'en a pas la possibilité). En somme, contrairement à ce que proclament certains spécialistes comme G. Grandguillaume2 et si on débarrasse la question de sa lourde dimension idéologique et ses soubassements politiques, on pourrait dire que l'Algérie n'est plus ce grand pays francophone de l'époque coloniale et des fraîches années de l'indépendance. D'ailleurs, il n'existe pas de données quantitatives - qualitatives qui établissent scientifiquement la francophonie d'Algérie (seuls les sociolinguistes sont habilités à fournir ces données, non les politiques qui peuvent communiquer des données chiffrées outrées) et tout discours sur l'enseignement / apprentissage du français des Algériens ne peut être - croyons la presse ! - que catastrophiste. Notes 1 - In L' enseignement/apprentissage du français en Algérie : état des lieuxSynergies Algérie n° 3 - 2008 pp. 227-234 2- In : https://www.cairn.info/revue-hermes-la-revue-2004-3-page-75.htm |
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