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«Il nous faut une 3ème indépendance qui est l'indépendance des neurones,
de la science, c'est une indépendance qui fait qu'on soit une nation qui ne
dépend pas des énergies fossiles, » affirme le professeur Chems-Eddine
Chitour. Il appelle à une Algérie qui fait du
Développement Humain Durable « sa boussole » pour sortir de cette addiction.»
Le professeur nous explique dans cette interview comment les Algériens,
gouvernement et peuple, doivent-ils impérativement s'engager en faveur de ce
qu'il qualifie de «révolution énergétique. » Il pense que la révision des
subventions constitue une partie de cette lourde problématique.
Le Quotidien d'Oran: Dans vos interventions, vous faites un bilan alarmiste sur les effets de la dépendance de l'Algérie du pétrole alors qu'elle produit bien plus de gaz. Qu'est ce qui justifie cette peur de voir le pays sombrer dans une crise complexe dans le cas ou le pétrole maintiendrait sa chute ? Ne pourra-t-elle pas rebondir sur le gaz même si son prix est indexé sur celui du pétrole ? Chems-Eddine Chitour: Des nuages s'accumulent sur le futur pétrolier et gazier de l'Algérie du fait de notre dépendance quasi totale à la rente. La décision d'indexation du gaz n'appartient pas à l'Algérie, ni même aux pays gaziers du fait de la mésentente entre eux, du chacun pour soi. Nous l'avons vu avec les tentatives de créer une organisation des pays exportateurs du gaz. Aujourd'hui, il y a la chute du prix du pétrole. Quand cela a été décidé au niveau mondial, les Algériens l'ont subi parce que nous n'avons pas été assez vigilants. Il faut donc sortir de cette dépendance. L'Algérie ne doit pas se tenir le ventre à chaque fois que le prix du pétrole «yoyote» ! De plus, le grand problème est que les citoyens ont acquis des habitudes de consommation à l'européenne qui ne sont pas le prix de l'effort. Une faible prise de conscience des habitudes de consommation, où tout est pratiquement gratuit, à l'égard du coût de l'eau, des carburants, du pain, du lait. A titre d'exemple, nous avons une augmentation de la consommation d'énergie qui dépasse les 10 % par an. Comme contrainte que nous subissons, les dangers des changements climatiques. A chaque inondation ce sont des pertes humaines, des infrastructures détruites et des coûts qui se chiffrent en dizaines de millions de dollars. Comme autre contrainte externe, la situation ne peut pas durer ainsi si on veut pérenniser l'utilisation rationnelle de l'énergie et laisser un viatique aux générations futures. Q.O.: Quel est l'état des lieux de la situation énergétique de l'Algérie ? C.E.C: Il faut qu'on sache que l'Algérie peut développer l'énergie éolienne. Elle dispose de 250 sources d'énergie géothermique avec un gradient de 40 à 90°C. Elle a aussi la possibilité de développer la petite hydraulique. En outre, nous avons une nappe phréatique au Sahara de l'ordre de 45.000 milliards de m3 qui est, en fait, la vraie richesse, de loin plus importante que les hydrocarbures. Nous produisons 1 million de barils/jour soit 50 millions de tonnes de pétrole par an, nous produisons également près de 80 milliards de m³ de gaz naturel et nous exportons près de 50 milliards (moitié par gazoduc, moitié par méthaniers sous forme de GNL). Pour le pétrole proprement dit, on n'exporte qu'une partie et l'autre partie est raffinée qui sert notamment de carburant où on atteint une consommation de plus de 17 millions de tonnes. Nous sommes obligés d'importer du gasoil pour satisfaire la demande croissante. En 2016, les importations étaient autour de 2 milliards de dollars. Malgré les dispositions prises, une grande partie de carburants «s'évapore» par les frontières marocaines, tunisiennes et celles au Sud. Cette hémorragie est due au prix différentiel entre les pays voisins et l'Algérie. Au Maroc par exemple, le gasoil est 7 fois plus cher qu'ici, l'essence aussi. En France, l'essence est à 1.6 euro, c'est l'équivalent de 200 DA au prix officiel. Nous consommons environ 50 millions de tonnes équivalent pétrole par an, soit 1,25t par habitant/an. Nous disposons d'un parc de 18.000 MW en centrales thermiques, Nous consommons environ 1250 kWh/an/habitant. Nous avons un modèle de consommation basé principalement sur le résidentiel et sur les transports (40% chacun), la consommation énergétique de l'industrie et celle de l'agriculture sont à 10% chacun, nous avons installé pour 380MW d'énergie solaire soit 2 % du bilan global. Les pouvoirs publics envisagent la construction de centrales solaires et fermes éoliennes pour environ 22.000 MW d'ici 2030. Au rythme actuel, il sera très difficile d'y arriver. D'autant que l'on ne sait pas à quoi correspondraient ces 22.000 MW dans la consommation en énergie électrique à 2030. Q.O.: Vous évoquez ici le programme pour le développement des énergies renouvelables qui a été adopté par le gouvernement en février 2011 et révisé en mai 2015. Que doit faire l'Algérie pour que ce programme soit un bon début pour amorcer un processus de développement des énergies renouvelables ? C.E.C: Personnellement, je ne sais pas comment ces chiffres ont été calculés et comment cette ambition a été limitée à 22 000 MW. Pourquoi pas plus? Je vais faire comme Antonio Gramsci, « je suis pessimiste sur l'analyse du plan énergie renouvelable mais je suis optimiste quant à la possibilité qu'on puisse impulser une transition multidimensionnelle vers le Développement Humain Durable.» Force est de constater que jusqu'à présent nous n'en prenons pas le chemin. Le fameux appel d'offres n'est toujours pas lancé. Je ne sais pas qui va s'en occuper, je demande à voir comment cela va se passer. Quand véritablement allons-nous enfin commencer ? On en parle depuis huit ans. Il faut savoir qu'une centrale solaire de 1000 MW, c'est la cadence minimale qu'il nous faut mettre en place. C'est 1.5 milliard de m³ de gaz épargné qu'on laisserait dans le sous sol pour les générations futures. Mieux encore, le gaz naturel épargné peut financer le solaire dans le cadre d'un partenariat win-win avec des locomotives dans le domaine comme la Chine et l'Allemagne. Q.O.: Le gouvernement a pris le soin de mettre en place en parallèle tout un arsenal juridique et règlementaire pour la mise en œuvre de ce programme? Ce «cadrage» n'est-il pas assez pertinent pour prouver l'engagement de l'Algérie à s'inscrire dans une nouvelle ère énergétique durable ? C.E.C: Ce ne sont pas des textes, aussi parfaits soient-ils, qui vont nous faire sortir de la situation actuelle. Il n'y a pas de vision d'ensemble, chacun fait ce qu'il pense être le meilleur dans son département ministériel sans prendre en compte la nécessité d'une synergie. Il n'y a pas d'ambition et surtout il y a un manque de pédagogie criard. Le citoyen qui doit appliquer cela par conviction est totalement out. Nous avons perdu assez de temps. Q.O.: En attendant, il est même établi par des spécialistes que l'ancrage juridique du programme en question est presque parfait à travers l'adoption de la loi 04-09 du 14 août 2004 relative à la promotion des énergies renouvelables dans le cadre du développement durable. Partagez-vous cet avis ? C.E.C: Non ! Mille fois non. Je suis de ceux qui ne mettent pas la charrue avant les bœufs. Je pense profondément qu'il faut d'abord définir, savoir où nous allons « tous ensemble » car une stratégie décidée en haut n'a aucune chance de réussir si elle n'est pas mobilisée par les citoyens lambda qui eux, seront les architectes de sa réussite ou de son échec. Pour convaincre le citoyen de divorcer de la mentalité du beylik, il est nécessaire de l'amener sur le terrain du «bien commun», le responsabiliser et le rendre important, qu'il ait la conviction qu'il compte, que la réussite dépend de lui. Il sera nécessaire de l'instruire sans condescendance, lui faire toucher la réalité de la situation qui sera de plus en plus difficile notamment pour nos enfants si nous leur laissons une Algérie stérile ouverte à tout vent où les slogans qui ont galvaudé la glorieuse Révolution de Novembre n'ont plus cours dans un siècle de la guerre de tous contre tous. On l'aura compris, pour que le citoyen adhère, il est nécessaire que les gouvernants donnent l'exemple et mouillent la chemise d'une façon apaisée avec l'humilité qui doit prévaloir pour amener l'Algérie à bon port. Q.O.: L'Algérie est classée 3ème réserve mondiale de gaz de schiste. Qu'est-ce qui est le plus craint dans le cas de son exploration pour des besoins d'exploitation, la dégradation de l'environnement et ce, quelle qu'en soit la méthode? L'exemple des Etats-Unis est-il si mauvais à suivre dans ce domaine ? C.E.C: Cette classification ce n'est pas nous qui la donnons, c'est une Agence américaine, je ne sais pas si Sonatrach a pu la valider. Même si c'était vrai, j'ai été l'un de ceux qui ont été vent debout contre ce qui me paraissait être une dangereuse aventure. On dit que le forage horizontal et la fracturation ont été déjà utilisés par Sonatrach dans la production conventionnelle, il eut fallu ajouter que cela ne nécessitait pas d'ajouter de l'eau douce. Il faut savoir que si l'on veut récupérer 1 milliards de m3 de gaz, il faut au moins 1 million de m3 d'eau sans compter la centaine de produits chimiques dangereux. Le problème est de savoir si on tient le Sahara pour un désert ou pour un écosystème où il y a une faune, il y a une flore, il y a des habitants qui sont là depuis la nuit des temps et qui ont traversé l'histoire parce qu'ils ont pu préserver l'eau des foggaras. Aux Etats-Unis, le problème se pose différemment. C'est un fait que la législation permet à un fermier de louer son champ qui contient un potentiel de gaz à une entreprise. Il existe bien une agence fédérale de l'environnement qui essaie de tempérer l'ardeur des foreurs. Cela se termine généralement par des procès mais l'écosystème est affecté. Le problème est encore plus ardu avec l'administration Trump qui n'a pas d'état d'âme. Les changements climatiques, Trump n'y croit pas. Il a nommé au poste de secrétaire à l'énergie un climato-septique pur et dur. S'agissent de l'Algérie, le dilemme est le suivant : polluer pour empocher quelques dollars ou préserver la vie, il faut choisir. Ceci dit, la technologie évolue. Les sociétés américaines arrivent à produire avec des prix du pétrole autour de 50 dollars au lieu des 80 dollars. Les Etats-Unis sont le temple du savoir et de la technologie mais le contexte n'est pas le même. Pour avoir une idée du fonctionnement de l'industrie pétrolière aux Etats-Unis, souvenons-nous, à partir de la deuxième moitié de 2014, le baril a commencé à plonger. Le résultat a été catastrophique aux Etats-Unis mais pas pour les mêmes raisons ayant prévalues dans les pays rentiers vivant en satrapes sur une richesse qui n'est pas celle de l'effort et du savoir. Bref, soixante compagnies pétrolières ont fait faillite, mais celles qui ont survécu ont réussi à trouver des financements qui leur ont permis de produire autour de 50 $ aussi bien pour le gaz que pour le pétrole de schiste. Si la technologie évolue, qu'elle soit respectueuse de l'environnement, pourquoi pas ? Si elle évite de polluer la fameuse nappe de 45.000 milliards de m3 qui est en fait, la vraie richesse du Sahara que l'on pourrait faire reverdir avec l'eau et l'électricité renouvelable, pourquoi pas ? Dans l'intervalle, il faut faire une veille technologique et former les hommes et les femmes qui auront le difficile privilège de gérer le pays. Q.O.: Vous appelez, écriviez-vous dans une de vos contributions à «une révolution énergétique qui mérite une stratégie de sensibilisation très élargie pour convaincre le citoyen algérien à changer son comportement de consommation de l'énergie » ? Que proposez-vous à cet effet ? C.E.C: Notre pétrole est une richesse. Nous devons en faire le meilleur usage, c'est-à-dire son utilisation en pétrochimie. Le gaz de schiste le sera également quand la technologie sera mature et respectueuse de l'environnement, c'est une richesse importante mais cela ce n'est pas pour notre génération, c'est pour celles futures. Il nous faut un cap, une vision, une stratégie mobilisatrice où tout le monde serait impliqué. Cette vision vers un développement humain durable doit reposer sans être exhaustif sur quelques principes : 1° Halte au gaspillage sous toutes ses formes à la fois par une politique intelligente où la moindre calorie est récupérée pour la laisser aux générations futures. 2° Mettre en place une politique de substitution du solaire thermique aux chauffe-eau au gaz naturel et rendre les habitations sobres en énergie. 3° Ne réserver le pétrole qu'aux usages nobles, tout ce qui peut se faire pour diminuer la consommation par l'efficacité énergétique doit être fait. 4° Mettre en place un objectif à 2030 avec un plan Marshall pour les énergies renouvelables pour être au rendez-vous en programmant pour chaque année ce qu'il faut faire, une moyenne de 1500 MW à installer par an. 4° Développer la géothermie, le biogaz. 5° Rentabiliser les 15 millions de tonnes issues des décharges pour récupérer à la fois l'énergie (la chaleur du biogaz) et toutes les matières recyclables (plastiques, papiers verre, métaux). 6° Former l'ingénieur, le technicien de demain en réhabilitant les disciplines scientifiques, consommer mieux en consommant moins et ne diriger les subventions qu'aux catégories à faible pouvoir d'achat. Au lieu de subventionner tout le monde, il faut cibler ceux qui réellement ont besoin d'aide en ce qui concerne l'eau, l'électricité, les carburants, le pain, le lait... comme cela se fait dans beaucoup de pays comme l'Egypte qui met à la disposition des catégories vulnérables des cartes pour le pain, et cela marche et diminue drastiquement le gaspillage. Il faut pour cela beaucoup de pédagogie et l'implication des médias lourds avec des spots bien faits, voire susciter des débats pour que tout le monde se sente concerné. A titre d'exemple, si nous avons une politique des économies d'énergie, l'électroménager importé ou fabriqué en Algérie doit être de classe A. Nous devons penser à subventionner des chauffe-eau solaires pour les 8 millions de logements. Nous aurons un gain qui divisera par deux la consommation de gaz naturel surtout si on y ajoute le calorifugeage. Maintenant que le kWh solaire a le même coût que le kWh thermique, les grandes compagnies pétrolières et automobiles se lancent dans le segment transport électrique, en plus du rail de plus en plus développé, ce sont les bus et les camions qui sont développés. Il est important de mettre en place un modèle de consommation d'ici 2030. La population sera de 55 millions d'habitants en 2030. Un premier scénario au fil de l'eau qui tient compte des tendances actuelles, il faudra 100TWh d'énergie électrique. Actuellement, nous sommes à 50TWh il faut donc doubler la capacité. Mais est-ce qu'il faut le faire par le gaz naturel ou par le renouvelable ? La grande majorité des Algériens a plus besoin de transports en commun que de voitures particulières. Mieux encore, cette révolution électrique peut être mise à profit pour créer un réseau de transport par camions et bus électriques. Peut-être qu'il faille penser à une transsaharienne électrique, le train sera l'artère qui permettra une véritable explosion du commerce notamment des produits agricoles du Nord vers le Sud !! Le Sahara avec l'électricité renouvelable, est une véritable pile électrique inépuisable. Avec la disponibilité de l'eau le Sahara pourra devenir une seconde Californie surtout si on y ajoute une politique de création de villes nouvelles où les jeunes seraient les pionniers d'une nouvelle utopie. Un modèle énergétique à 50% renouvelable à 2030 a été présenté lors de la 21e Journée du Développement Humain Durable. Les calculs montrent que c'est tout à fait faisable. On appelle le Sahara algérien «la pile électrique». Notre gisement solaire est de 3 500 KiloWattheure par m² par an, ce qui fait 3 fois le gisement solaire de l'Allemagne qui est un leader dans le développement durable et notamment en solaire. Actuellement, la Chine a 70% du marché des cellules photovoltaïques. Pourquoi ne pas donc s'associer à des pays leaders dans le cas de marchés où on propose une calorie thermique contre une calorie photovoltaïque avec un transfert réel de technologie ? En s'accrochant à des locomotives comme la Chine ou l'Allemagne, nous pourrons mettre en place cette transition. Q.O.: Pensez-vous qu'il faut imposer dès à présent aux usines de montage automobiles une production durable pour aider le pays à faire sa transition énergétique ? Les constructeurs automobiles accepteraient-ils de marcher dans ce choix? C.E.C: Le problème est plus complexe. Il y a 6 millions de véhicules environ. Cela veut dire qu'au moins les trois quarts des Algériens n'y ont pas accès. En clair, on enrichit les riches en bradant l'essence et le diesel au cinquième de leur valeur. Ce dont ont besoin les citoyens lambda, c'est un réseau de transport qui met la possibilité à la portée de toutes les bourses. De plus, le réseau de transport électrique est moins énergivore surtout s'il utilise une électricité renouvelable. Il ne consommera pas de l'essence qui sera disponible pour les générations futures. Enfin, s'il est nécessaire de mettre en place les jalons d'une industrie automobile pourquoi ne pas profiter du boom mondial de la voiture électrique ? Nous gagnerons sur tous les plans. D'abord en préservant le pétrole pour les générations futures, en ne polluant pas en utilisant une électricité renouvelable. Nous gagnerons une étape. Il est prévu que dans une quinzaine d'années, il y aurait 400 millions de voitures électriques ! De plus, le diesel tend à être abandonné en raison de sa nocivité. Volkswagen pense le supprimer après 2025. Ce constructeur va mettre sur le marché 11 modèles électriques. Pourquoi ne pas lui demander de nous aider dans la mise en place d'une industrie de la voiture électrique ? La Golf7 électrique ne coûte pas plus cher que la Golf7 thermique. De même avec Renault, la voiture électrique Zoe est montée en Israël. Nous, nous avons une voiture roumaine recyclée. Enfin, Hyundai est un des leaders des voitures électriques. Pourquoi continuons-nous à être toujours en retard d'une guerre ? L'Algérie ne doit pas rater cette révolution. Dans les transports, il faut compter que 25% de notre parc de voitures sera électrique. Il faut donc préparer la société à cela. Le déclic a été donné en 2014. Actuellement, 2 millions de voitures dans le monde sont électriques. En 2030, on prévoit 35% de 80 millions de voitures faites qui seront électriques. Imaginons que 25% de notre parc (nous aurons près de 11 millions de voitures) sera électrique, cela veut dire qu'on diminuera la consommation d'essence qui sera soit vendue ou laissée pour les générations futures. En tout état de cause, le carburant sera de plus en plus renouvelable, c'est-à-dire qu'il proviendra des panneaux photovoltaïques, du vent, de la biomasse ou de l'énergie hydraulique, on va donc déplacer la situation. Nous ambitionnons de faire le montage de voitures consommant de l'essence ou pire du diesel Qu'allons-nous faire du GPL (Sirghaz) dont nous peinons à transformer 30.000 véhicules an ? N'aurait-il pas été judicieux de miser dans le cadre du montage sur des véhicules à double carburation ? Q.O.: Le ministère du Commerce a-t-il, selon vous, les outils qu'il faut pour pouvoir être sélectif dans l'importation des équipements polluants et imposer ceux issus des technologies propres ? C.E.C: Il y a nécessité rapide d'édicter des normes de consommation. Par exemple ne plus importer d'appareils électriques au-delà du A. Entre le A et le G la consommation de l'appareil double. Il en est de même des voitures ; il est important de ne plus importer des voitures thermiques, dans l'attente d'une transition graduelle vers la voiture électrique- qui dépasse les 110 ou 120g de CO2/km. La norme européenne va descendre à 100 ou même à 95 g de CO2/km. Les voitures que nous importons consomment en moyenne 15 à 20 % d'énergie en plus. En parlant de pédagogie, l'ancien ministre du Commerce par intérim a dans une émission «secoué le cocotier » sur les importations inutiles (200 millions de dollars en mayonnaise ketchup et autre moutardes). C'est le même langage pédagogique, du parler vrai, concernant les économies d'énergie qui doit prévaloir. Q.O.: La réforme des subventions (et par conséquent leur réduction) que vous avez évoqué plus haut a été officiellement annoncée par le gouvernement (étude élaborée par la Banque mondiale). Qu'elle est votre approche à ce sujet ? C.E.C: Les subventions ne sont qu'une partie de la problématique. Le retrait des subventions qui est nécessaire (il serait de 10 milliards de dollars uniquement dans l'énergie) doit être précédé d'une vision d'ensemble. Il faut expliquer dans le cadre d'états généraux la nécessité d'une Transition Energétique vers le Développement Humain Durable qui ne laisse personne sur le bord de la route mais qui passe par les économies d'énergie. Il faut aussi expliquer le juste prix et comment les couches à faible pouvoir d'achat ne seront-elles pas lésées. Etant entendu que tout le monde doit sortir de l'ébriété énergétique et aller vers la sobriété (?al kanna'a). Q.O.: Vous soutenez que l'école est cet autre ou ce premier partenaire sur lequel les pouvoirs publics doivent compter pour inculquer la culture du non-gaspillage et du respect de l'environnement. L'apprentissage en la matière doit-il se faire dès les classes primaires ? C.E.C: La transition énergétique requiert une culture citoyenne qui doit prendre son essor au sein de la cellule familiale, ensuite à l'école. Le développement humain durable pourra-t-il en être l'aboutissement ? Serait-il possible d'économiser, avoir une nouvelle vision du futur qui passe par l'éducation, la citoyenneté et faire preuve d'imagination ? Il faut, pour cela, former, réhabiliter les formations d'ingénieurs. Les Algériens sont capables de faire le saut qualitatif pour pouvoir réussir cette transition énergétique. Après l'école, au lycée il est nécessaire de penser à un baccalauréat du Développement humain durable qui pourra déboucher sur les métiers du Développement Durable dans le supérieur et dans la formation professionnelle. Des états généraux permettront d'expliciter les enjeux du futur et l'adhésion des citoyens est capitale. Ce sont eux qui auront à vivre et à faire des économies. Il faut beaucoup de pédagogie, il faut que les médias parlent de ça, il faut que les députés soient instruits de cela et ceci sans provocation, leur expliquer le développement durable. Ils doivent connaître les enjeux du pays. Nous sommes des «égo» citoyens, nous devons tendre à être des éco-citoyens. L'écocitoyenneté est un combat qui commence à l'école, il est nécessaire de faire beaucoup de pédagogie, expliquer les enjeux du développement durable. La nationalisation des hydrocarbures a été une deuxième indépendance car l'Algérie a décidé ce jour-là de prendre en charge son destin pétrolier. Nous sommes en 2017, il nous faut une 3ème indépendance qui est l'indépendance des neurones, de la science, c'est une indépendance qui fait qu'on soit une nation qui ne dépend pas des énergies fossiles. Il faut donc éduquer la jeunesse et faire en sorte qu'on puisse avoir un destin commun et expliquer ce qu'on doit faire pour réussir une nouvelle révolution, et faire en sorte que l'Algérie garde son rang dans l'échelle des nations. «C'est tout le pari que vous devriez relever ! ».» |
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