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Suite et fin Le deuxième constat est une importation massive de véhicules de tourisme dont la facture s'est élevé à 3,725 en 2013 et 2,956 milliards de dollars en 2014, le parc passant de 2,9 à 5,7 millions de véhicules durant la période de 2000-2013, selon l'ONS, à laquelle il faut ajouter les automobiles de transport de marchandises dont la facture d'importation s'est élevée en 2012 à 2,104 milliards de dollars en 2014 contre 2,225 en 2013. L'année 2014 a enregistré un volume de ventes total de 339.094, que l'importation de véhicules, y compris 274.628 véhicules particuliers (VP) et 64.466 véhicules utilitaires (VU), où par rapport à 2013, le marché global a enregistré une baisse de 19,65%, véhicules particuliers et véhicules utilitaires ayant enregistré, respectivement, une baisse de 21,62% et -9,98% par rapport à 2013. Le véhicule particulier représente 80.99% du volume global contre 19.01% pour les véhicules utilitaires. Les douze premiers en vente sont par ordre : Renault 52.059, Peugeot 41.802, Dacia 39.741, Hyundai 39.333, Volkswagen 26.686, Kia 25200, Toyota 23658, Seat 17806, Suzuki 12.877, Chevrolet 11.540 et Nissan 11.49 unités. 5.-La rentabilité financière est une condition essentielle de la survie d'une entreprise. Quel est donc le seuil de rentabilité pour avoir un coût compétitif par rapport aux normes internationales, aux nouvelles mutations de cette filière. Pour tout projet fiable à moyen et long termes, il s?agit de produire au minimum 200.000-300.000 unités minimum pour les gammes de large consommation et non pas de produire 15.000 puis 75.000 voitures en misant uniquement sur le marché intérieur algérien, sachant, à l'instar de la SNVI, que la majorité des inputs seront presque tous importés. L'on devra inclure le coût de transport, devant également la formation adaptée aux nouvelles technologies et les coûts salariaux par rapport aux pays concurrents et donc la productivité du travail qui, selon l'OCDE, est une des plus faibles au niveau du Bassin méditerranéen. Le coût est fonction, certes, des gammes de voitures, surtout des capacités de production, et la vente fonction de la structuration des revenus et du modèle de consommation par couches sociales. Aussi, toute étude de marché sérieuse, si l'on veut le gaspillage des ressources financières évitons la précipitation pour des raisons de prestige, l'Algérie étant une petite nation et être pragmatique suppose que l'on réponde au moins à ces quelques questions : construit-on actuellement une usine de voitures pour un marché local alors que l'objectif du management stratégique de toute entreprise n'est-il pas national ou régional, voire mondial afin de garantir la rentabilité financière face à la concurrence internationale du fait que cette filière est internationalisée en sous-segments s'imbriquant au niveau mondial. La comptabilité analytique distingue les coûts fixes des coûts variables. A quels coûts hors taxes l'Algérie produira cette voiture et en tendance lorsque le dégrèvement tarifaire allant vers zéro selon les accords qui la lie à l'Union européenne seront appliqués ? Dans ce cas, quelle est la valeur ajoutée interne créée par rapport au vecteur prix international (balance devises tenant compte des inputs importés et de l'amortissement tous deux en devises) ? La carcasse représentant moins de 20-30% du coût total c'est comme un ordinateur, le coût ce n'est pas la carcasse (vision mécanique du passé), les logiciels représentant 70-80% et ne pouvant interdire l'importation, la production locale sera-t-elle concurrentielle en termes du couple coût-qualité dans le cadre de la logique des valeurs internationales ? Quel sera le mode de construction de véhicules impliquant d'analyser objectivement la politique des carburants car l'Algérie sera importatrice de pétrole dans moins de 15 ans ? Ces voitures fonctionneront-elles à l'essence, au diesel, au GPL, au GNW (pour les tracteurs, camions, bus) ou seront-elles hybrides ou au solaire au terme de la révolution technologique qui s'annonce ? Quel sera le prix de cession de ces carburants et la stratégie des réseaux de distribution pour s'adapter à ces mutations technologiques? 6.- Qu'en est-il de l'usine Renault/ Maroc ? L'usine Renault de Tanger est dédiée à la production des modèles Lodgy et Dokker, de l'emboutissage au montage en passant par la tôlerie et la peinture. Le projet est localisé sur 300 hectares avec toutes les utilités avec une capacité de véhicules à bas coût. Le véhicule familial Logdy, dernier né de Dacia, la branche «low cost» du groupe Renault, sera fabriqué dans cette nouvelle usine. Destiné en premier lieu aux marchés émergents, il sera également commercialisé en Europe. Cette unité profitant du bas coût de la main-d'œuvre pourrait créer 6.000 emplois directs et 30.000 indirects dans le nord du Maroc. Des fournisseurs de premier rang ou des sous-traitants sont déjà implantés dans la zone franche d'exportation, située en face de l'Espagne. Cette unité bénéficie d'une exonération d'impôt sur les sociétés pendant cinq ans, allégements de TVA, subventions pour la formation, aides financières à la construction. La structure du coût du projet, selon différentes sources et les documents en notre possession, est de 1,1 milliard d'euros engagés en 2 tranches, lancée, bénéficie de 640 millions d'euros. Les fonds propres engagés pour ce projet, capital et comptes courants, s'élèvent à 240 millions d'euros répartis entre Renault-Nissan France et la Caisse de Dépôt et de Gestion marocaine respectivement à 51 % et 49%. L'apport financier du constructeur automobile français qui apporte donc 122,4 millions d'euros contre 117,6 millions d'euros pour la CDG contribuant ainsi qu'à concurrence de 11,12 % du 1,1 milliard d'euro, l'essentiel étant son apport en technologie et savoir-faire. Le fonds Hassan II est l'un des plus importants contributeurs au projet pour un montant de 200 millions d'euros sous la forme d'un prêt à un taux d'intérêt bonifié à la société Renault. Trois autres banques marocaines Attijariwafa Bank, le Groupe Banques Populaires et BMCE Bank, se sont engagées à financer le projet à hauteur de 105 millions d'euros, à parts égales essentiellement les investissements relatifs au projet en équipements et génie civil. Elles financeront également les sous-traitants d'environ 80 entreprises qui vont s'installer dans la région pour accompagner la fabrication des voitures par Renault sur le nouveau site. Le reliquat de 95 millions d'euros, (plus d'un milliard de dirhams), sur le montant total de la première tranche de l'investissement représente les subventions de l'Etat marocain sous forme de terrains aménagés hors site de plusieurs hectares, notamment des interventions de l'ONCF, l'ONEP et Tanger Med où toutes les infrastructures portuaires sont mises à disposition du projet ainsi qu'un espace de stockage de plusieurs hectares réservé sur le port pour parquer les voitures en attente d'exportation. La deuxième tranche est d'environ 460 millions d'euros (plus de 5 milliards de dirhams) et sera financé en partie par les cash flows dégagés et à concurrence de 40 % à 60% par dettes. L'usine répond à la demande locale et internationale de modèles d'entrée de gamme. Sa capacité de production annuelle initiale de 170.000 modèles devrait rapidement atteindre 400 000 véhicules par an grâce à la mise en service d'une 2e ligne de montage. Les employés recrutés localement sont formés dans les locaux de l'Institut de Formation des Métiers de l'Industrie Automobile (IFMIA) inauguré en 2011. Elle a doublé sa production en 2013 à plus de 100.000 unités et un nouvel investissement de 400 millions d'euros vient de porter sa capacité à 340.000 véhicules par an. Elle a célébré le 5 mai 2015 la sortie de son 400.000ème véhicule depuis février 2012. Outre le site de Mellousa, Renault détient 80% de l'usine Somaca de Casablanca (aux côtés de PSA) qui a produit en 2013 66500 unités. Le groupe s'assure avec ses marques Renault et Dacia près de 40% du marché marocain mais les véhicules fabriqués à Melloussa ont été destinés pour plus de 90% à l'export. La France avec près 20.000 véhicules étant la première destination, suivie de la Turquie et de l'Allemagne. Un deuxième constructeur français, Peugeot PSA, vient de signer un accord d'implantation d'une unité d'assemblage à Kénitra, au nord de Rabat. Le 19 juin 2015, la production devant démarrer en 2020, pour un investissement total de 557 millions d'euros. Selon le protocole d'accord, l'usine commencera dès 2020 par 90.000 véhicules et 90.000 moteurs, avant d'atteindre la capacité de croisière de 200.000 unités/an dès 2023. Ces voitures seront exportées vers toute la zone Afrique/Moyen-Orient par le port en eaux profondes qui sera construit d'ici la fin de la décennie à Kenitra. 7- Qu'en est-il de l'usine Renault Algérie n'oubliant jamais que ce segment est internationalisé ? Pour le cas Renault Algérie, l'usine produira dans le cadre de la règle 49/51%, l'Etat algérien étant majoritaire notamment la Renault Symbol, un modèle dérivé de la dernière Logan sans aucune exportation en direction de l'étranger. Pour le coût de l'investissement, au départ a existé une véritable cacophonie. L'ex- ministre de l'Investissement avait donné un montant de 1,1 milliard d'euros alors qu'une source proche de Renault avait indiqué à l'AFP que l'investissement initial est de 50 millions d'euros, générant au départ 300 emplois directs et 500 indirects. Avant la chute du cours du pétrole, certaines sources avaient annoncé horizon 2020 un investissement global cumulé part dinars et devises d'environ 800 millions d'euros, sans préciser l'apport de la partie française. Il est entendu qu'il n'est pas question que Renault, entité commerciale autonome responsable devant ses actionnaires pour leurs dividendes, supporte les surcoûts, car en France existe une opposition et une transparence des comptes et que c'est la rentabilité économique qui doit primer. Pendant la période d'exonérations fiscales et d'avantages accordés par le gouvernement algérien via l'agence ANDI, l'unité pourrait tenir face à ses concurrents. Mais aussitôt les avantages arrivés à terme, cette unité devra rembourser ses emprunts et payer ses charges fiscales et ce dans le cadre de la règle 49/51%. A ce moment-là l'unité ne peut être rentable avec une capacité si faible. A moins que l'Algérie ne supporte les surcoûts. Par ailleurs, le taux d'intégration souhaitable à terme devrait être au maximum de 50 %, devant être réaliste en cette ère de mondialisation, n'existant nulle part dans le monde une firme avec une intégration de 100% et ce grâce à la sous-traitance par des réseaux décentralisés afin de réduire les coûts et être compétitifs. Le taux d'intégration de 42% horizon 2020, étant actuellement d'environ 15% annoncé par le ministre du secteur à l'occasion de la signature de l'accord, ne sera effectif qu'au bout d'une certaine période. Comment ne pas rappeler l'expérience du complexe de Roubia dont le taux d'intégration ne dépasse pas 20%, malgré plusieurs assainissements financiers et après plusieurs décennies d'expérience - précisément depuis les années 1970, faute de management stratégique. Aussi, les négociations entre le groupe Renault et l'Algérie doivent porter outre sur le transfert technologique et managérial, une « co-localisation » définie comme un partage de la valeur ajoutée entre la France et l'Algérie. Pour Renault Algérie, la capacité de départ prévu est 15.000 unités /an devant passer successivement à 25.000 puis 40.000 véhicules/an, étant prévu 75.000 horizon 2020 avec des perspectives d'exportation selon les responsables de Renault Algérie. Cette capacité permettra-elle d'être compétitif et même cette capacité étant forcément excédentaire dans la mesure où nous sommes dans une économie ouverte ou le gouvernement ne peut imposer aux consommateurs algériens d'acheter Renault ou Peugeot. 8 -En résumé, face à la concurrence internationale, à une industrie qui devrait connaître de profonds bouleversements technologiques, et cela s'applique à l'ensemble des constructions, camions, tracteurs, voitures de tourisme - la construction d'unités de véhicules en Algérie, pour sa pérennité, doit tenir compte de sa rentabilité économique. Mais évitons également la sinistrose, pouvant tolérer transitoirement de supporter le coût de l'apprentissage pour le transfert technologique et managérial afin de densifier le tissu productif, renvoyant à l'économie de la connaissance. Le cas contraire, c'est un suicide économique, où l'on devrait assister transitoirement tant qu'il y a la rente à des subventions répétées via la rente des hydrocarbures. Or, entre 2015/2025 l'Algérie, avec la baisse du cours des hydrocarbures et la pression démographique, sera soumises à des contraintes de financement, ne pouvant assister éternellement des unités sous perfusion. Il s'agira impérativement d'insérer la stratégie industrielle au sein de sous-segments de filières internationalisées où l'Algérie peut avoir des avantages comparatifs en termes de qualité/coût. Ce segment, comme rappelé précédemment, étant intiment lié à la stratégie énergétique, il y a urgence de penser à un nouveau modèle de consommation énergétique. L'Energie doit être au cœur de la sécurité nationale. Selon des prévisions tenant compte de la forte consommation intérieure et des exportations, à moins de découvertes substantielles, les réserves de pétrole et de gaz traditionnel en Algérie devraient s'épuiser horizon 2030 pour aller vers un mix énergétique. * Professeur des Universités, expert international, |
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