Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Le Net sans contenu(s) !

par Belkacem AHCENE-DJABALLAH

L'Algérie est, pourquoi se le cacher plus longtemps, bien en retard en matière d'utilisation des Ntic. Et, ce ne sont pas les chiffres du succès pour la téléphonie mobile qui donneront le «change». L'engouement est surtout dû à l'échec de la téléphonie fixe qui, durant des décennies (et, aujourd'hui encore, tant il est vrai que les mauvaises habitudes managériales et la qualité assez moyenne de la maintenance sont encore tenaces), en raison d'un monopole éreintant, a rendu la vie dure (et parfois assez chère?avec beaucoup de «graisse» pour les «pattes», décidément jamais fatiguées) au citoyen. D'ailleurs, le portable est, de nos jours, beaucoup plus un ustensile de simple communication interpersonnelle et... de loisirs?qu'un outil de travail productif à valeur ajoutée appréciable. Il n'y a qu'à voir les publicités qui chantent beaucoup plus les «Aich la vie» que la rentabilité entrepreneuriale. Les grands opérateurs (comme les marchands de chiffons et d'autres produits dits industriels) l'avaient compris déjà bien avant leur entrée sur le marché national.

Pour le reste des Ntic, les chiffres parlent d'eux-mêmes. Malgré les efforts, les investissements, les discours, et les séminaires sur le sujet, le pays occupe, selon le classement 2008-2010 de l'Uit basé sur l'accès, les usages des Tic et les compétences, sur 152 pays étudiés, la peu enviable... 103è place... Fin octobre 2011, à peine 960.000 abonnés Adsl? avec, pour la majorité, un débit largement insuffisant? et des pannes à répétition. On est bien loin des 6 millions d'abonnés Adsl, avec Pc, programmées à l'horizon 2010 par les décideurs. Et, ce ne sont ni les changements de Dg, ni les campagnes de com', ni les discours, qui pourront apporter des changements rapides et radicaux. Les séminaires internationaux et les e- commissions encore moins. Qui se souvient encore de la commission e-Algérie 2013, dont le rapport, diffusé en décembre 2008, avait présenté des axes dont plus personne ne se souvient? comme la mise en place d'un Conseil supérieur de la Société de l'Information et de l'Economie numérique, d'une Commission intersectorielle d'évaluation

et du suivi de la Société de l'information ainsi que la mise en place d'une Agence des Tic?

Qui se souvient qu'on nous avait annoncé la finalisation d'un réseau intranet gouvernemental (Rig) pour fin 2006 après qu'une e-commission eut siégé (avec dix experts) et présenté un rapport le 28 décembre 2005. Depuis, (presque) tous les hauts fonctionnaires sont équipés en outils, mais... rien ne fonctionne. Seulement quelques actions (publiques comme celle de la Justice pour l'obtention de certains documents, ou confidentielles) éparpillées, initiées, bien souvent dans le cadre de programmes étrangers de mise à niveau (Ex: Meda) ! Certaines Institutions, pourtant «tournées» vers l'extérieur ou le grand public national, n'ont même pas un site web? actualisé et de niveau moyen. Il est vrai qu'on ne veut que du «grand» et du «parfait». Du coûteux... et du «know how» étranger. Sinon? rien.

 Foin de discours sur ce point ! Quantitativement, nous sommes, loin du compte, et en matière de Tic, le nombre de téléphones, de puces en circulation et de cybercafés ouverts tard la nuit (quand les maires ou les walis ne se mêlent pas de les fermer brutalement) et de Pc installés au sein des institutions et des entreprises ne sont que les arbres cachant une forêt d'indigences. Le drame est ailleurs et il est bien plus grave : L'ordinateur reste encore, dans l'esprit de beaucoup de nos managers et de nos décideurs, un instrument devant surtout équiper les bureaux des assistant(e) s? ou pour «frimer»?ou pour accentuer son «pouvoir». L'esprit de bien de nos managers et de nos décideurs reste encore «coincé» au temps du papier et du stylo?ou du déjà dépassé fax? quand ce n'est pas du verbe et de la communication orale. De toutes façons, comme dans bien d'autres domaines, la «quincaillerie» a précédé l'organisation et la réglementation, inondant le marché et forgeant des comportements, laissant, à la traîne, le raisonnement, la réflexion et les produits? des bureaucrates... toujours en retard d'une «révolution». Une mentalité d' «artisan», de «sous-développé», de «manuel», de simple «utilisateur» que même les discours, pourtant assez offensifs, sur la chose informatique du Chef de l'Etat, l'injection massive d' «appareils», la formation de techniciens, et les appels continuels des spécialistes au changement n'ont pas réussi à faire changer.

Aujourd'hui donc, l'inquiétude est grande, tout particulièrement chez les fabricants (ou importateurs qui, à dire vrai, sont les moins à plaindre) de matériels et, aussi, chez les producteurs de logiciels, nationaux, en particulier? qui savent bien (ou devraient savoir) qu'un ORGANE N'A JAMAIS CREE AUTOMATIQUEMENT UNE FONCTION, et que le temps de la saturation et de la stagnation est venu. L'inquiétude est grande, non parce que l'opération Ousratic (c'est quoi, ce truc là ?) a échoué et que la pénétration de l'outil informatique et son utilisation restent limitées au niveau des masses. Elle est grande parce que, au niveau des «locomotives» de la société, principalement l'économie, les entreprises et les institutions (dont l'Université), les cadres et les gestionnaires, les décideurs et les grands commis, n'ont pas, en raison de leurs habitudes centralisatrices et de leurs comportements obsolètes et castrateurs, permis (ou mis en œuvre) la mise en place de CONTENUS NATIONAUX CONSISTANTS, organisés, de qualité acceptable, ravitaillés continuellement, que ces contenus soient liés à la gestion, à l'information interne ou à l'information générale des publics. Les sites web et les réseaux intranet nationaux restent rares ou squelettiques (par rapport aux pays étrangers et/ou voisins), se contentant parfois de l'habillage et d' «effets d'annonce», laissant la place aux blogs, qui sont emplis généralement bien plus d'humeurs

que de valeur, aux sites produits à l'étranger sur notre pays et ses activités, laissant la place aussi à bien à des «arnaqueurs» (ayant pignon sur rue en dehors du pays) qui exploitent la crédulité numérique de nos jeunes (et moins jeunes : on aurait près de 3 millions de «facebookers» et près de 5 millions d'internautes) qui veulent, tous, vivre «au rythme» du nouveau monde et s'«exprimer». Comme pour la téléphonie mobile, comme pour la télévision satellitaire, le marché est si prometteur (porteur) que les grands moteurs de recherche ont commencé à s'y investir (ex : le google.dz? en français? et en arabe). La décision, inscrite dans la Lfc 2008, de ramener la Tva à 7% sur les micro-ordinateurs portables a, dit-on, «boosté» les ventes? mais a surtout vu s'accroître la consommation de contenus étrangers ou de contenus algériens «faits» à l'étranger. Ce n'est pas nouveau, mais c'est bien plus inquiétant pour l'avenir de notre univers informatif, de notre capital intellectuel et de nos méninges nationales.