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L’affaire Merah n’en finit pas de se révéler plus tordue qu’on ne l’imagine. Sur la trajectoire « classique » de jeune paumé des banlieues, des interférences troubles sont mises à jour de manière parcellaire. Et soulèvent des questions troublantes.
L’affaire Merah, du nom du forcené qui avait assassiné sept personnes dans la région toulousaine en mars 2012, connaît un sérieux rebondissement à la suite de la transcription partielle d’échanges téléphoniques figurant sur des enregistrements numériques. Comment ces vidéos ont-elles été transmises à l’extérieur de l’appartement toulousain où s’était retranché l’assassin ? Aucune réponse n’est encore disponible, les services de renseignements ayant même dans un premier temps mis en doute l’authenticité de ces documents que l’avocate de la famille Merah aurait en sa possession. Il ressort toutefois des éléments fournis par la presse algérienne et française, que Mohamed Merah aurait été un agent inconscient des services de renseignement français… Il aurait réalisé, peu avant la commission de ses crimes, qu’il avait été manipulé par son officier traitant qu’il prenait pour un djihadiste bon teint. Ce qui ne serait pas nouveau sous le soleil obscur des guerres « spéciales » et des manœuvres antisubversives où la technique du faux drapeau est un usage établi. On recrute un élément qui a le profil recherché en lui faisant croire qu’il travaille pour la cause à laquelle il s’identifie et on l’utilise pour collecter des informations, intoxiquer des cibles précises où susciter des actions provocatrices. Rien de particulièrement déroutant dans ce machiavélisme subalterne qui consiste à recruter des personnalités fragiles aisément instrumentalisées… UNE TRAJECTOIRE DE JEUNE PAUME L’hypothèse que Merah ait été un agent des services secrets est forte. Son « carnet de voyages », d’Israël à l’Afghanistan en passant par l’Algérie et la Syrie, est éloquent. Les enquêtes journalistiques finiront bien par mettre en évidence des faits qui restent encore assez imprécis mais qui relèvent des pratiques établies des polices secrètes. La trajectoire est bien connue ; Merah faisait partie de ces jeunes paumés, délinquants ou marginaux, issus de familles maghrébines dysfonctionnelles comme il y en a tant dans les banlieues françaises. Son parcours, de voies de faits en séjours en prison, de la voyoucratie courante à la rédemption islamiste, est parfaitement classique. Il présentait ainsi les caractéristiques pour un enrôlement dans un jeu qui dépasse de loin ses capacités d’analyse. L’interrogation qui vient immédiatement à l’esprit est celle de savoir comment un individu dangereux, parfaitement connu par ses employeurs, pouvait échapper à leur supervision et frapper impunément pendant plusieurs jours ? D’autres questions de même nature restent sans réponse à ce stade, dont l’une est décisive pour comprendre la dérive criminelle de cet individu : comment Merah aurait-il su qu’il avait été manipulé et qui lui a fourni le nom de son officier traitant, qui se faisait, semble-t-il, appeler Zouheir ? Mais, au-delà de son appartenance, de son rôle et des circonstances de son basculement dans le terrorisme, ce qui pose question dans cette affaire, aussi tordue que les esprits de ceux qui élaborent les stratégies contre-subversives, c’est le timing du passage à l’acte de Merah. UNE DERIVE ET UN TIMING Il est légitime de se demander pourquoi cet individu s’est (ou a été) déclenché précisément peu avant une élection présidentielle particulièrement tendue ? Pourquoi est-il passé à l’action dans cette période où, par un discours sécuritaire et de diabolisation de l’Islam (on se souvient de l’affaire « d’Etat » de la viande Halal) la droite « classique » en difficulté s’est mise à chasser sur les terres du Front National ? Il pourrait bien s’agir d’aléas, par essence imprévisibles, dans la gestion d’un agent par ses officiers traitants. Tout comme il serait possible que Merah ait été instrumentalisé pour apporter une justification dramatique à un argumentaire politique et alimenter une campagne électorale construite sur la peur. Pour l’heure, l’explication avancée par certains médias conduit à incriminer les chefs des polices secrètes à qui Merah aurait échappé. Chercherait-on en l’occurrence à faire porter le chapeau à des exécutants ? Ne s’agit-il pas aussi d’une fausse piste délibérée, d’un leurre dans un jeu de dupes permanent ? In fine, on peut se demander en bonne logique à qui les crimes de Merah devaient profiter. En tout état de cause, autant que sa personnalité et ses rapports avec des services secrets, la contextualisation politique de la dérive sanguinaire de Mohamed Merah débouche sur des questionnements troublants… |
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