|
Envoyer à un ami |
Version à imprimer |
Version en PDF
Ces assassinats
ont choqué la population occidentale, et surtout européenne. En effet, en
Norvège comme en France, ce sont des actes en dehors de toute compréhension
humaine, mais parfaitement justifiés par les auteurs fanatisés, pour qui les
victimes sont déshumanisées. « L'un se pensait en croisade?L'autre se croyait
en djihad ».
Il existe des points communs entre ces deux êtres. Nous vivons dans des « Cités à la dérive » (Stratis Tsirkas, Seuil, 1971), hantées par des individus à la dérive, dont certains passent à l'acte. L'AFFAIRE BREIVIK EN NORVEGE Lors des attentats du 22 juillet 2011, Il a tué 77 personnes : « attaque préventive, au nom du peuple, contre des traîtres qui contribuent à la colonisation de la Norvège par l'islam ». Selon lui, il « devait » accomplir son massacre des jeunes, puisque c'est leur parti qui mène une politique d'immigration trop libérale. Comment ce pays, si paisible, a-t-il pu nourrir un tel monstre ? Pays souvent cité comme un exemple de démocratie et de libertés (Le parti du Progrès, formation populiste anti-immigrés a obtenu 23 % aux élections législatives de 2009). SON PROJET Sauver l'Europe du multiculturalisme, de la traîtrise des journalistes, des sociaux-démocrates et des libéraux. C'est à eux qu'il en veut, bien plus qu'aux musulmans, ces derniers ayant le choix, selon lui, entre la conversion et la déportation, de préférence volontaire. Il a souvent parlé lors de son procès, en avril dernier, de menace de guerre civile pour justifier son « attaque préventive ». Il a beaucoup parle aussi de renaissance nationale, de défense des droits des populations indigènes d'Europe. Il se revendique d'une doctrine, avec ses penseurs et ses relais : Le counterjihad, une idéologie et un mouvement dans les faits largement anti islam. LE COUNTERJIHAD Le counterjihad a adopté la thèse « Eurabia » qui affirme que l'Europe est en voie d'être absorbée par le monde arabe. Depuis les années 1970, une conspiration lierait les élites européennes et les pays musulmans producteurs de pétrole sur le thème « pétrole contre immigrés musulmans ». Selon le counterjihad, il n'existe pas de musulmans modérés et met en évidence l'arme démographique : les musulmans vont envahir l'Europe car ils font plus d'enfants. L'une des figures les plus emblématiques de ce mouvement est le député suédois des Démocrates de Suède, un parti d'extrême droite entré au parlement en 2010. La renaissance nationale est l'élément central de cette idéologie, fondée sur l'affrontement entre chrétiens et musulmans. Le plus grave, c'est que « ?la manière dont les questions liées au multiculturalisme et à la présence de l'islam sont désormais au cœur des formations politiques qui aspirent au pouvoir » (V., Y. Camus, politologue, spécialiste français de l'extrême droite). L'ENNEMI EST L'ISLAM POUR LES PARTIS D'EXTREME DROITE Pour une partie des partis d'extrême droite occidentaux, depuis le 11 septembre 2011, l'ennemi principal est l'islam. Pour eux, une guerre de civilisation entre l'occident et l'islam est en cours (ex : les partis allemands Pro Deutscland et die freiheit, au Pays-Bas, le PPV de Geert Wilders (il réclame l'interdiction du Coran et l'arrêt de l'immigration en provenance des pays musulmans) et le British Freedom party en Grande-Bretagne?). L'AFFAIRE MERAH EN FRANCE : SON BUT AFFICHE Officiellement, se revendiquant d'Al-Qaida, il voulait « se venger de la loi interdisant le port du voile islamique et de la participation de la France à la guerre en Afghanistan », et « venger nos petits frères et nos petites sœurs palestiniens ». UN SALAFISTE DJIHADISTE Il a été identifié comme « salafiste djihadiste », c'est-à-dire comme fondamentaliste islamiste » (Phénomène de retour aux sources de l'islam tel qu'il était pratiqué par les « pieux ancêtres » (salaf al-salih) au VII ème siècle). Le djihadisme est l'une des composantes du salafisme, la plus radicale puisqu'elle prône l'action armée, y compris le recours aux attentats suicides, mais aussi la plus marginale (V., Le salafisme d'aujourd'hui. Mouvements sectaires en occident, éd. Michalon, 2011, Samir Amghar). Selon son avocat, « sa maturation [idéologique] s'est faite en cellule avec ses codétenus ». L'administration pénitentiaire estime que les islamistes radicaux prosélytes sont entre 100 et 200 aujourd'hui en détention ; chiffres confirmés par le chercheur, Fahrad Khosrokhavar, auteur de « L'islam dans les prisons » (Balland 2004). L'ISLAM EST PACIFIQUE Ce monstre a frappé en se revendiquant de l'islam. Mais l'islam est pacifique à 99 %. En France, les autorités musulmanes craignent, à chaque fois et à juste titre, la stigmatisation de cette religion et les amalgames. En réalité Merah ne représente que lui-même et une poignée de dangereux fanatiques. Mais la terreur est une perversion des causes. « Ici il n'y a pas de pourquoi » avaient écrit les nazis à l'une des entrées d'Aushwitz. LE BASCULEMENT D'UN HOMME Néanmoins, nous devons nous demander comment un petit délinquant a-t-il pu basculer ainsi dans le terrorisme, dans la haine des autres. Pour Sartre, dans l'être et le néant, « dans la haine, une compréhension est donnée de ce que ma dimension d'être aliéné est un asservissement réel qui me vient par les autres?La haine réclame d'être haïe, dans la mesure où haïr la haine équivaut à une reconnaissance inquiète de la liberté du haïssant? ». Il y a, entre autres, une dérive identitaire qui fait que ce jeune ne se sentait ni français, ni algérien et qu'il s'est replié sur son identité religieuse. Il existe d'autres Merah sur notre territoire ; la France doit rapidement redevenir la terre d'intégration laissant sa chance à chacun et arrêter de stigmatiser nos amis musulmans, ce qui fait le lit de la xénophobie. L'ISLAM, COMME TOUTE RELIGION, A SES EXCES Nous ne pensons pas comme Abdennou Bidar, professeur de philosophie français (L'islam sans soumission, éd. Albin Michel, 2012), qui s'interroge et se demande comment « la religion islam dans son ensemble peut-elle être dédouanée de ce type d'action radicale ?... » Autrement dit, selon ce dernier, quelle que soit la distance considérable et infranchissable qui sépare ce tueur fou de la masse des musulmans, pacifiques et tolérants, n'y a-t-il pas tout de même dans ce geste l'expression extrême d'une maladie de l'islam lui-même ? Toutes les religions ont leurs excès, y compris la religion catholique, et on ne peut pas dans tous les cas leur imputer, surtout lorsqu'il s'agit de comportements individuels. * Enseignant-chercheur Sciences PoAix (France) Professeur à l'ESAA (Algérie) |
|