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?8H15 Ton sacrifice (petite nuit de 4
heures) pour le cinéaste texan Wes Anderson et son
dernier film en compétition officielle, Asteroid
City, est touchant. Mis à part toi, tout le monde sait que son cinéma instagramé et son humour décalé ne sont plus de mise, alors
tu comptes les stars d'Asteroid City, (Tilda Swinton, Adrien Brody, Jeff Goldblum, Matt Dillon, Margot Robbie, Tom Hanks, Maya Hawke et Scarlett Johansson?)
comme on compte les moutons avant de s'endormir. Et à la fin de la projection,
pas d'applaudissements, ce sont les fauteuils qui claquent qui vont te
réveiller.
?12H15 Alors que la canicule rend impraticable les rues bondées de Cannes, la météo annonce pour la fin du festival des tonneaux de tonnerres, orages, et pluies diluviennes, avec risque d'une fin du monde. Soudain, entre deux bouchées de crustacées, ta conscience écolo de circonstance se manifeste, et tu lis attentivement un article qui brocarde toutes ces stars qui s'engagent contre le réchauffement climatique et dénoncent les climato-sceptiques avec des discours militants bien rodés par des dir'com, mais qui auraient eux-mêmes un bilan carbone pour le moins problématique. Harrison Ford qui a déclaré en conférence de presse d'Indiana Jones 5 «Si on ne se bouge pas le cul maintenant, on va perdre cette planète», userait et abuserait à lui seul de plusieurs voitures, une multitude de motos et même quelques avions perso à sa disposition. Et Leonardo DiCaprio, si engagé, lui aussi serait un gros utilisateur de jets et de yachts. Que faire alors ? En tant qu'envoyé spécial du Quotidien d'Oran, journal écolo-solidaire avec site internet minimaliste et sans réseaux sociaux polluants, tu en as profité pour rendre publiquement hommage aux harragas qui n'utilisent ni avions, ni yachts, ni sous-marins pour se déplacer, et tu fus applaudi par une foule de clandos fraîchement débarqués dans la Riveira. En portant ta main sur ton cœur, on ne savait plus si c'était une façon de les saluer ou juste un réflexe pour vérifier que ton portefeuille n'a pas été dérobé. ?15H00 Marco Bellocchio, 83 ans, dévoile en compétition officielle son dernier film L'enlèvement. Tu es autant scotché par l'histoire, vraie, d'Edgardo Mortara, un enfant juif de 6 ans converti de force au XIXe siècle, que bluffé par la mise en scène d'un baroque moderne. Dans le quota «Vieux de la vieille de la compétition officielle du Festival de Cannes», il y a ceux qui ont assuré le coup, Marco Bellochio, Martin Scorsese, Aki Kurusmaki et ceux qui déçoivent de un peu à beaucoup (soit de Pedro Almodovar à Wes Anderson, en passant par Wim Wenders). Dans quelle catégorie retrouverons-nous les derniers candidats de l'édition, Nanni Moretti et Ken Loach ? Dans ta bulle, tu te le demandes le plus sérieusement du monde. ?18H00 T'es arrivé à la cinéphilie avec la MGM, le lion et tout ça. Maintenant va falloir se convertir au cinéma MBS, le cinéma de Mohamed Ben Selman, le roi d'Arabie qui s'offre les moyens de ses ambitions d'enfant de riches. Les Saoudiens ont arrosé tout le monde, du film d'ouverture français de Maïewen, «Jeanne Du Barry» au très auteuriste film de la Tunisienne en compétition Khaouter Ben Hania, avec l'excellent «Les Filles d'Olfa». Après des multiplexes construits en un temps record, le royaume d'Arabie Saoudite vend à Cannes ses décors pour attirer des tournages; à Néom, la ville futuriste voulue par sa majesté MBS il y a déjà des studios. D'autres projets plus ambitieux verront bientôt le jour, des appels à projets ambitieux ont été lancés cette année à Cannes; il y avait d'ailleurs autant de monde chez eux qu'au pavillon américain par exemple. En finançant de plus en plus de films étrangers, «nous espérons attirer en Arabie de plus en plus de tournages et tisser des liens entre cinéastes locaux et internationaux» nous résume la communication du boss de Ithra films productions, Cheikh Majed Z. Soft-power avec des babouches en or. Cette année, 7 films financés en partie par des fonds saoudiens figurent dans différentes sélections cannoises, dont le film soudanais «Good-bye Julia». Pour la distribution des fonds, 20 longs-métrages étrangers cette année, les Saoudiens ont eu la bonne idée de confier la sélection à un jury constitué de cinéastes arabes primés. Tu commences à moins sous-estimer les bédouins du futur, il était temps. |
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