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Autour de quelques
classiques du cinéma hollywoodien, discussions entre le célèbre cinéaste
américain par ailleurs grand cinéphile et quelques cinémaniaques
algériens plus ou moins méritants mais disponibles. Aujourd'hui Quentin Tarantino et Mourad Krinah à
propos de Steve McQueen dans Bullit de Peter Yates
(1968)
QUENTIN TARANTINO : «Et puis il y a Steve McQueen dans le rôle de Frank Bullit. La raison pour laquelle nous sommes là. La raison pour laquelle nous regardons. La raison pour laquelle tout le bousin fonctionne. Rarement dans toute l'histoire de Hollywood, les stars de cinéma étant ce qu'elles sont, une star de ciné en a fait si peu pour un résultat si grandiose comme McQueen avec ce rôle dans ce film. Le rôle n'est rien et pourtant il en fait quelque chose de grandiose. Il ne fait pratiquement rien, mais personne dans l'histoire du cinéma n'a fait rien à la manière de Steve McQueen. Aussi grand que McQueen a pu être, c'est pour ce rôle qu'il mérite de rentrer dans l'histoire. Parce que c'est dans ce rôle qu'il a montré ce qu'il pouvait faire, et que Paul Newman et Warren Beatty étaient incapables de faire. A savoir tout simplement être. Se contenter de remplir le cadre. Je ne suis pas en train de dire que McQueen jouait son propre rôle. Steve McQueen dans la vraie vie n'était certainement pas comme Frank Bullit. Frank Bullit est une création de McQueen. Mais là où est l'exploit, c'est de voir à quel point la création était minimaliste, et le fait que le minimalisme ait été la clé de succès de l'interprétation» MOURAD KRINAH : «J'ai vu Bullit de Peter Yates très jeune. Vers l'âge de six ans, et avec mes deux frères, on se mettait face à la télé, quand tout le monde dormait à la maison, et on regardait le film de la seconde partie de soirée, des films de genre, généralement : polar, science fiction, horreur, etc. C'est ainsi que j'ai découvert toutes les immenses stars hollywoodiennes de la deuxième génération d'après-guerre : Eastwood, Newman, Redford et Steve McQueen évidemment. Pour le nouveau cinéphile vorace que j'étais, Bullit fut un choc visuel parce qu'il représentait un changement de paradigme du film policier malgré un scénario convenu : là où les productions de l'époque mettaient en scène des flics fatigués en costume brun (ambiance Les rues de San Francisco), McQueen, lui, incarnait un détective venu d'un autre monde : tenues flamboyantes, coiffure impeccable et conduisant une Ford Mustang devenue mythique ; et même mon autre héros de l'époque, Clint Eastwood, malgré tout son charisme dans Dirty Harry, n'arrivait pas à rivaliser en termes de coolitude avec l'interprète de La Grande évasion. Attitude que des années plus tard, des acteurs comme Mel Gibson ou Bruce Willis reprendront à leur compte pour incarner Martin Riggs ou John McClane. À six ans, personne n'a envie d'être l'inspecteur Harry : grincheux, dépassé par les événements et répondant à tout par un excès d'ultra-violence ; mais être Franck Bullit est un rêve de gosse qui fait que même si j'ai presque tout oublié de l'intrigue, reste l'image de McQueen en col roulé noir et sa Ford Mustang, sur un poster qui traîne quelque part dans mes cartons». (*) Les propos de Quentin Tarantino sont extraits de son livre «Cinéma spéculations» (Flammarion) publié cette année, un très beau recueil de textes sur les films qui ont marqué le réalisateur américain, ouvrage que tous les cinéphiles de plus de 40 ans devraient impérativement lire. (**) Artiste plasticien, Mourad Krinah s'inspire souvent des grands films américains des années 70 et 80 dans son travail. Prochain épisode Carrie de Brian De Palma (1976) |
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