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Bains de sang et bagarres
au couteau dans les rues d'Alger : le premier long-métrage du franco-algérien
Elias Belkedar «Omar la Fraise» est un mauvais nanar
dans tous les sens du terme, estime notre envoyé spécial à Cannes.
Qu'est-ce qu'on aurait aimé qu' ?Omar la fraise' ne soit qu'une petite comédie de genre, une comédie pulp et pop-corn, comme les industries du cinéma en produisent par paquets à l'attention des publics dits populaires, et dans le cas français, pour éventuellement cocher la case «diversité»- comprendre par là pour les Arabes et les Noirs des quartiers défavorisés. Mais l'affaire est autrement plus problématique. Si ce film mineur nous reste en travers de la gorge, c'est parce qu'il est vis-à-vis de nous minable. Raciste, méchant et laid, tel est objectivement et volontairement ?Omar la fraise'. Et si ce n'est pas volontaire, pardon, mais c'est encore plus grave: il serait donc raciste, idiot et laid? Parce qu'elle est tout aussi plausible, on retiendra cette seconde hypothèse, d'une part au nom du bénéfice du doute, et d'autre part pour pouvoir aller jusqu'au bout de cette corvée de compte-rendu obligé. S'il n'avait pas été tourné en Algérie, on aurait volontiers zappé ce film présenté en hors compétition dans une séance de minuit, sous la pluie. L'histoire se déroule principalement à Alger -et un peu à Ouargla-, ce qui n'est pas donné à tout le monde dans ce beau pays. Première déconvenue : ?Omar la Fraise' ne profite jamais du privilège inouï qu'il lui a été accordé : jamais Alger n'a été aussi peu et mal filmée. Sa distribution de prestige, Réda Kateb et Benoît Magimel, est un mirage, ni l'un ni l'autre ne sont crédibles, une seule seconde. Ils campent donc les rôles de deux voyous français qui se planquent à Alger, car le premier - Omar- d'origine algérienne, est condamné à une lourde peine. Son vieux copain français de souche qui l'accompagne, le console en martelant qu'il «gagnerait à renouer avec ses racines», il le redit tellement qu'on a vérifié quand même si le scénario n'était pas signé par un certain Eric Z, chantre du concept de remigration, mais non, même pas, maintenant que le discours du petit haineux s'est largement répandu, n'importe qui est autorisé à dire n'importe quoi pour peu qu'il reste dans le registre de l'immonde. Pour le personnage que tente vainement d'incarner Réda Kateb, rester bloqué en Algérie c'est déjà le bagne, on aura donc droit à toutes les scènes illustrant «les mal-faits» de la décolonisation algérienne, et il nous faut en plus trouver cela drôle, car ce n'est qu'un film de genre, n'est-ce pas, une comédie de gangsters à Alger, du sous-Tarantino dans la basse Casbah. S'il y a bien des voyous, des mafieux, des trafiquants de drogue en Algérie, caricaturés dans des scènes de violence plus que douteuses, ?Omar la fraise' voudrait nous faire gober que même au niveau de la criminalité, les exotiques indigènes gagneraient à se former auprès de nos deux voyous venus de France. Tous les personnages sont sommairement élaborés, mais les locaux sont réduits à des représentations folkloriques. A cet effet, il ne faut surtout pas se fier aux images de la montée des marches à Cannes de l'équipe du film. Mourad Khan et Fawzi Saichi ont chacun deux répliques et demie et n'apparaissent à l'écran que dans de furtives scènes (moins de deux minutes pour l'un comme l'autre). Reste la brune et jolie Meriem Amiar, la comédienne oranaise est peut-être la seule qui tire son épingle du jeu, comme si elle avait senti ce que le film voulait faire d'elle : une farouche gazelle du bled dans le rôle de la prise de guerre emblématique. On ne dira rien sur les musiques du film, ça commence par un tube de Raïna Raï et ensuite c'est juke-box des tubes des chebs des années 80. Le new raï et le rap algérien d'aujourd'hui auraient, bien sûr, été plus pertinents, mais qu'est-ce qu'on est contents que le film leur foute la paix. Elias Belkedar, à qui on doit le fameux clip ?Disco Maghreb' de Dj Snake, a quand même réussi un exploit avec son premier long-métrage putassier à tous les niveaux. Ce film va jusqu'à nous faire regretter le bon vieux temps du cinéma colonial, car sur un sujet quasi-identique, ?Pépé le Moko' de Julien Duvivier (1937) est autrement plus humain, nettement plus prenant, définitivement plus respectueux des «indigènes», même relégués au second plan, que cet ?Omar la Fraise' qui nous tombe dessus en 2023. Mais peut-être que l'envoyé spécial de Cannes est tout aussi borné, bête et primitif que les personnages du film en question ? Car, figurez-vous qu'il n'arrive toujours pas à comprendre comment l'Algérie déroule son tapis rouge à des cinéastes tels que Alexandre Arcady, auteur de films très nostalgiques de l'Algérie française, et à son rejeton franco-algérien tout en refusant à des cinéastes autrement plus doués et respectueux de pouvoir faire leurs films sur place. |
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