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La présente analyse est une
modeste contribution visant à élargir et à enrichir le débat autour de
certaines dispositions constitutionnelles et légales. Cet exercice est dénué,
toutefois, de toute intention ayant pour objectif de sous-estimer les compétences
et les efforts des uns et des autres, parmi les rédacteurs du texte
constitutionnel et du projet de loi organique susmentionné, à qui j'adresse, à
cette occasion, mes plus sincères sentiments de respect et de considération.
En fait, comme tout juriste qui se respecte, je ne peux dissimuler, à la fois, mon souci et ma satisfaction à tout effort et initiative visant à renforcer notre édifice constitutionnel, législatif, voire même règlementaire, en m'impliquant, dès que l'opportunité m'est offerte, à tout ce qui peut concourir à promouvoir les valeurs de justice et d'équité de notre pays. Premièrement : Contexte général caractérisé par le retard du processus de mise en conformité des textes législatifs avec la Constitution 2020, près d'une année et demie depuis leur promulgation. Le projet de texte, susmentionné, présenté devant la Chambre basse du Parlement (Assemblée populaire nationale/APN),vient en application de l'article 196 de la Constitution et en exécution d'une obligation constitutionnelle énoncée à l'article 225 de la Constitution de 2020, qui dispose que : «Les lois, dont la modification ou l'abrogation sont rendues nécessaires, en vertu de la présente Constitution, demeurent en vigueur jusqu'à l'élaboration de nouvelles lois ou leur modification dans un délai raisonnable.» Il est clair que cette obligation constitutionnelle interpelle, et l'APN, dont la première année de son mandat arrive à échéance, en vue de procéder à la révision et à l'actualisation de son règlement intérieur qui régit son fonctionnement et l'exercice de ses prérogatives législatives et de contrôle, d'une part, et le gouvernement, d'autre part, qui s'est engagé dans son plan d'action dans son volet consacré aux relations entre les deux pouvoirs législatif et exécutif, approuvé en septembre 2021 par le Parlement, pour procéder à la transmission du projet de loi organique (modifiée) régissant l'organisation et le fonctionnement l'APN et du Conseil de la Nation, ainsi que les relations fonctionnelles entre le gouvernement et les deux chambres du Parlement, obligation dont l'exécution n'a toujours pas vu le jour. Il convient de rappeler, en outre, que des séances à huis clos ont été tenues à l'APN et au Conseil de la Nation, réservées à l'examen des demandes de déchéance d'un député et d'un sénateur et de leur remplacement, en cas d'un vote d'approbation. Une question se pose, toutefois, à savoir ; quel est, dans ce cas de figure, le fondement juridique des décisions de déchéance et de remplacement, sachant que l'article 132 de la Constitution revoit l'application de ces mesures à une loi organique en disposant : «Une loi organique détermine les conditions de remplacement d'un député ou d'un membre du Conseil de la Nation en cas de vacance de son siège», à ce jour et que depuis 25 ans aucun texte n'a été pris. Deuxièmement: Du projet de loi organique objet de notre contribution: A/- Sur la forme : En comparant le dispositif proposé et son objet intitulé : « La loi organique détermine les procédures et les modalités de saisine et du renvoi devant la Cour constitutionnelle », nous relevons un déséquilibre structurel apparent, à savoir que sur les 44 articles contenus dans cette loi organique, 28 articles abordent exclusivement la question de l'inconstitutionnalité et 11 articles seulement traitent des procédures et des modalités de saisine de la Cour constitutionnelle. Ce déséquilibre structurel résulte, à notre humble avis, du fait que les rédacteurs du projet de texte se sont focalisés, beaucoup plus, sur la détermination des conditions et des modalités d'application de l'inconstitutionnalité, sans tenir compte de l'objet même et l'objectif du nouveau texte de loi, énoncé à l'article 196 de la nouvelle Constitution, sus cité, qui met l'accent sur le volet procédural. Cette défaillance d'ordre méthodologie dans la rédaction du texte a contribué à faire de cette nouvelle loi, notamment, celles liées au traitement d'une question qui ne relève pas du domaine de ce texte. A titre d'illustration, nous citerons le cas de l'article 39 du chapitre IV (4) intitulé: « Dispositions applicables devant la cour constitutionnelle », qui dispose ce qui suit : « Les audiences de la Cour constitutionnelle sont publiques, sauf dans les cas exceptionnels fixés dans le Règlement fixant les règles de son fonctionnement». Ceci dit, une disposition constitutionnelle ne peut être transposée dans un texte de loi au risque d'être frappée d'inconstitutionnalité. Par ailleurs, étant donné que le projet de loi s'appuie dans sa substance sur le mécanisme de l'inconstitutionnalité, appelé communément : « priorité constitutionnelle », consacrée pour la première fois, par la révision constitutionnelle de 2016, il abroge explicitement la loi organique n°16-18 du 02 septembre 2018 qui fixe les conditions et modalités de mise en œuvre de l'exception d'inconstitutionnalité, et en peaufine et modifie certaines de ses dispositions. B/- Au fond: Il convient de valoriser ce mécanisme juridique qui augure d'une révolution dans la pratique constitutionnelle en permettant l'élargissement et la consolidation de son domaine d'application et du rôle de la Cour constitutionnelle, notamment en matière de protection des droits et des libertés du citoyen, tel qu'énoncé dans la Constitution, sans préjudice de certaines règles et garanties, dont les plus importantes, notamment: 1- La définition de manière claire des notions fondamentales et substantielles dans le texte (article 2) : L'article (02) qui comporte les définitions utiles pour la compréhension de la loi, ne comporte pas, en revanche, les définissions substantielles à même de lever toute équivoque d'interprétation et de compréhension du dispositif et sa mise en œuvre. Il est énoncé, à ce propos, que la saisine de la Cour constitutionnelle est possible, en matière de : - Constitutionnalité des traités, accords, conventions, lois, ordonnances, règlements ; - Conventionalité des lois, des règlements ; - Conformité des lois organiques à la Constitution ; - La conformité à la Constitution du règlement intérieur de chacune des deux Chambres du Parlement ; - Différends qui peuvent surgir entre les pouvoirs constitutionnels ; - L'interprétation d'une ou plusieurs dispositions constitutionnels ». Les initiateurs du projet de texte ont, selon toute vraisemblance, retranscris la rédaction des dispositions constitutionnelles relatives aux champs d'application de la saisine et des parties concernées , d'une part, et que, d'autre part, sans citer la Cour suprême ou le Conseil d'Etat, selon le cas, comme parties pour les questions d'exception de d'inconstitutionnalité, ce qui est en contradiction avec l'article (14) du chapitre (1) Titre IV du projet de loi organique, intitulé ?'Des procédures et modalités de saisine en matière d'exception d'inconstitutionnalité''. En vérité, ceci n'est qu'une transposition littérale de la l'article 195 de la Constitution, sachant que la Cour constitutionnelle, auparavant, transcrivait littéralement les décisions constitutionnelles dans un texte réglementaire, considérant cela comme une possibilité de pouvoir les modifier ultérieurement). L'article 195, dispose, en ce sens, que « la Cour constitutionnelle peut être saisie d'une exception d'inconstitutionnalité sur renvoi de la Cour suprême ou du Conseil d'Etat, lorsque l'une des parties au procès soutient devant une juridiction que la disposition législative ou réglementaire dont dépend l'issue du litige porte atteinte à ses droits et libertés, tels que garantis par la Constitution. Lorsque la Cour constitutionnelle est saisie sur le fondement de l'alinéa ci-dessus, sa décision est rendue dans les quatre (4) mois qui suivent la date de sa saisine. Ce délai peut être prorogé une seule fois de quatre (4) mois au maximum, sur décision motivée de la Cour, notifiée à la juridiction de renvoi. ». Aussi, nous proposons ce qui suit : - Définir « la saisine » avec précision au lieu de se contenter d'en énumérer les champs de son application ; - Déterminer avec précision la définition de la disposition législative ou réglementaire ; - Définir le vocable « traité », considéré comme la base et l'un des critères pour faire appel au juge constitutionnel, lors du jugement d'un cas déposé devant son instance. - Les autorités constitutionnelles citées dans l'article (11) de cette loi ; 2-La qualification de la saisine pour inconstitutionnalité, comme une forme de saisine indirecte au profit des justiciables (article 2). 3-Déterminer la valeur juridique des décisions de la Cour constitutionnelle en matière d'interprétation des dispositions constitutionnelles. Sont-elles de simples avis consultatifs ou des décisions exécutoires obligatoires ? 4-Concernant l'article 13, il y a lieu de revoir le délai légal prévu s'agissant de l'avis en interprétation (article 12),qui est différent de l'arrêt. Aussi, nous proposons de rester sur le délai fixé à l'article 12 du projet de loi organique qui dispose que : « si la Cour constitutionnelle est saisie pour interprétation d'une ou de plusieurs dispositions constitutionnelles conformément à l'alinéa 2 de l'article 192 de la Constitution, elle émet son avis dans les trente (30) jours à compter de sa saisine. », car l'article 194 de la Constitution, auquel il est fait référence pour la réduction des délais, ne s'étend pas aux avis de la Cour constitutionnelle, mais seulement à ses arrêts :« La Cour constitutionnelle délibère à huis-clos ; sa décision est rendue dans les trente (30) jours qui suivent la date de sa saisine. En cas d'urgence, et à la demande du Président de la République, ce délai est ramené à dix (10) jours. » 5-Le traitement du cas où le Président de la République s'abstiendrait à recourir à la saisine obligatoire prévue aux articles 5, 8 et 9. A ce propos, nous proposons d'élargir cette forme de saisine aux autres autorités habilités, en cas de non-respect par le Président de la République des délais constitutionnels. 6-L'article 14 suscite une interrogation relative aux parties aux procès. La Constitution dans son article 195, alinéa 1, dispose que « lorsque l'une des parties au procès soutient devant une juridiction que la disposition législative ou réglementaire dont dépend l'issue du litige porte atteinte à ses droits et libertés, tels que garantis par la Constitution. » Quant à l'article 14 du projet de loi organique, il dispose que « lorsque l'une des parties au procès soutient devant une juridiction de l'ordre judiciaire ordinaire ou de l'ordre judiciaire administratif, que la disposition législative ou réglementaire dont dépend l'issue du litige porte atteinte à ses droits et libertés tels que garantis par la Constitution. L'exception d'inconstitutionnalité peut être soulevée pour la première fois en appel ou en cassation. Si l'exception d'inconstitutionnalité est soulevée au cours de l'instruction pénale, elle est examinée par la chambre d'accusation. » Il n'est fait aucunement mention aux ?'tribunaux militaires'', sont-ils dispensés du mécanisme d'inconstitutionnalité ? 7-L'article 16 du texte de loi, n'autorise pas au juge du siège de soulever l'exception d'inconstitutionnalité, même s'il a découvert un texte non-constitutionnel touchant au bien-fondé des dispositions de la Constitution, qui demeure le texte de loi suprême du pays. Si on admet que le juge est tenu par sa neutralité dans les décisions de justice, le procureur de la République, représentant le ministère public, est partie prenante dans les contentieux judiciaires ou juridiques. De là, la question est posée au sujet du droit du procureur général de soulever l'exception de l'inconstitutionnalité, étant, comme déjà souligné, partie-prenante dans les affaires judiciaires. 8-L'article 19, dispose que : « La juridiction auprès de laquelle l'exception est soulevée, statue immédiatement, par décision motivée, après avis du ministère public ou du commissariat d'Etat, sur la transmission de l'exception d'inconstitutionnalité à la Cour suprême ou au Conseil d'Etat, selon le cas. Si la formation de la juridiction comprend des assesseurs non magistrats, elle statue sans leur présence». Le projet de loi ne dispose pas que le juge ou la juridiction compétente qui a été saisie pour la première fois de l'exception de l'inconstitutionnalité, ne procède pas à sa transmission immédiate. - Premièrement : modifier cet article en fixant le délai de statuer : remplacer ?'immédiatement'' par une durée de dix (10) jours par exemple, nécessaire au juge pour trancher ; - Substituer le cas de non-statuer par le juge par le recours au mécanisme automatique de transmission de l'affaire vers la Cour suprême ou le Conseil d'Etat, selon le cas, si les délais de non-réponse ont été dépassés. 9-Considérer l'avis de la Cour constitutionnelle émis lors de l'examen de la loi organique n°16-18, dans son interprétation large de la transmission automatique des affaires vers la cour constitutionnelle, en cas de non-statut par la Cour suprême ou le Conseil d'Etat (d'autant que la Cour suprême ou le Conseil d'Etat sont des autorités permissives et non des autorités dotées de pouvoirs discrétionnaires). 10-L'alinéa 2 de l'article 35, a apporté une nouvelle disposition, malgré son côté toujours ambigu, au point de conclure que l'alinéa 2 a vidé l'alinéa 1 de son contenu. La raison est la suivante : L'explication des dispositions considérées comme éligibles à être renvoyées, n'a pas été bien clarifiée. D'où notre demande au représentant du gouvernement de bien éclairer nos lanternes. 11-La question des différends entre autorités constitutionnelles. Dans ce cas, nous rappelons la destitution des deux personnalités ; feu Bachir Boumaza et feu Saïd Bouhadja, de manière détournée et illégale. De là est apparue l'appellation de « parlement du cadenas », imputée à l'ancienne assemblée. Il est, donc, opportun de bien définir les concepts de « différends » et « autorités constitutionnelles », afin qu'il n'y ait pas d'empiètement de prérogatives entre les pouvoirs judiciaires, les organes de contrôle et la Cour constitutionnelle. 12. L'article 37 dispose que : « La Cour constitutionnelle avise immédiatement le Président de la République, dès la réception de la décision de renvoi de l'exception d'inconstitutionnalité, selon les cas, et ce conformément à l'article 195 de la Constitution. Et dans l'alinéa 2, elle avise également, le président du Conseil de la Nation, le président de l'APN, le Premier ministre ou le Chef du gouvernement, selon le cas, de la décision du renvoi, accompagnées des requêtes et des mémoires des parties. ». Question de fond : Pourquoi ? Quid de l'indépendance de la Cour constitutionnelle dans l'exercice de ses prérogatives ? Pourquoi mettant le doigt sur les dispositions de l'article 195 ? Ce texte de loi est clair : il précise d'aviser l'autorité judiciaire, uniquement, et non le Président de la République, ni les deux Présidents des Chambres du Parlement. 13-S'agissant des deux articles 18 et 40, nous proposons la présence des avocats représentants des parties, agréées auprès de la Cour constitutionnelle, car se sont eux les avocats agréés auprès de la Cour suprême et le Conseil de l'Etat, du fait de l'importance de la Justice constitutionnelle. Enfin, nous insistons sur l'impératif d'introduire dans ce projet de texte de loi, une disposition permettant à la Cour constitutionnel de s'autosaisir en cas de non-réception ou de retard de la saisine obligatoire de la part de la juridiction compétente. *Chercheur universitaire en droit constitutionnel et affaires parlementaires - Membre du Laboratoire de recherche en droit, urbanisme et environnement à la Faculté de droit, université Badji-Moktar, Annaba. |
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