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Les humeurs de notre envoyé
spécial à Cannes entre réalité augmentée et délire-fictions. Dernières
impressions avant le palmarès et la clôture de la 75ème édition du Festival
aujourd'hui.
Mercredi 11H45. Où on en était déjà ? Ah, oui, mon premier film pakistanais ! En compétition officielle, Leila's Brothers de Saeed Roustaee. Etrange, l'histoire du film se déroule en Iran. C'est même un drame familial totalement iranien, un film de mafia style Le Parrain à Téhéran. Drogue, trafics en tous genres, petits meurtres entre bandes rivales. Pour survivre aux embargos imposés, on s'organise comme on peut au pays des mollahs. Ce thriller un peu longuet (2H50) est sans doute passionnant. À revoir les yeux ouverts, une nuit d'insomnie par exemple. Mercredi 12H59.... Ah, mince ce n'était pas un film pakistanais, je me suis trompé de salle ! Leila's Brothers est un film iranien comme son réalisateur Saeed Roustaee. Le film pakistanais, Joyland, de Saïm Sadiq c'était dans la salle d'à coté. On mourra donc sans avoir vu un seul film pakistanais dans sa vie, tel est le mektoub ! Pour se consoler, on notera que ce film qu'on n'a pas vu et qui raconte les mésaventures d'une transsexuelle à Lahore a été financé à 95% pour les Etats-Unis -où vit depuis ses études à Columbia son réalisateur. Jeudi 00H00. Encore un phénomène inquiétant dû aux dérèglements climatiques, cosmiques et tectoniques : Il était plus facile de décrocher la lune que d'avoir un cartoon d'invitation pour la fête du film Elvis- Un chef d'oeuvre dans la catégorie des biopics selon ceux qui ont pu accéder à la séance. Décidément, tout est bio de nos jours, même les pics, même les morts, même les Spressley. Jeudi 00H30. Loin du vacarme de la fête d'Elvis, la nuit était délicieusement douce dans le luxueux yacht du magnat égyptien Naguib Essawires. Une poignée d'invités a été conviée à un dîner gastronomique aussi copieux que raffiné. Les frères Essawirès ont tenu à nous rassurer : le festival de cinéma qu'ils sont créé à El gouna, la petite ville balnéaire sur la mer rouge qu'ils ont construite, continuera malgré la crise qui touche les pauvres - qui font tout pour nous empêcher de vivre. Ah que c'était bien d'être choyé par un équipage anglais- que des blondes sexy et des blonds musclés- à notre entière disposition; serveurs souriants et obéissants, attentifs à ce que notre coupe de champagne ne soit jamais vide. Avec les convives les discussions en anglais arabiscoté et en arabe englishisé ont tournés autours du transfert qui a défrayé la chronique cette année: Amir Ramsès le directeur artistique d'El gouna film festival a été débauché par le festival du Caire ! So bad ! Yes, one more brochette of crevettes, pliz ! JEUDI 08H10. À la supérette «Au petit Sousse» ça ne parlait que du non-transfert d'un certain Kylian M'bappé. Les pauvres sont peut-être sympathiques mais leurs sujets de discussions ne sont pas au niveau, reconnaissons-le sans sombrer dans la caricature, on leur laisse ça à eux. JEUDI 08H25. À Haïfa, Walid un écrivain palestinien dépressif et père de deux enfants ne va pas bien. À défaut de pouvoir écrire, il consacre toutes ses journées aux tâches ménagères pendant que son épouse infirmière bosse à l'hôpital. Son nouveau voisin, Jallal, même âge et même situation familiale, a l'air plus sympa, même si c'est un voyou. Devenus amis, Walid le dépressif demande à Jalil l'endetté de le tuer en feignant un accident de chasse. Mediterranean Fever est un drame psychologique donc, et c'est le deuxième long métrage de Maha Haj. Avec ce film ennuyeux mais néanmoins prétentieux l'ancienne première assistante d'Elia Suleiman veut sans doute nous dire qu'on peut être palestinien et parler d'autre chose que de la colonisation et de l'apartheid subis. Fallait-il vraiment pour nous en convaincre passer par la case daubes indigestes ? JEUDI 11H00. Le nouveau film du japonais Hirokazu Kore-eda, Les Bonnes Etoiles, tourné en Corée du Sud, est un drame joyeux dont l'intrigue par du phénomène des «baby boxes», des coffres sécurisés dévolus au dépôt anonyme de nourrissons. Aussi passionnant que terrifiant, on aime beaucoup ! Jeudi 13h30. Quelqu'un peut-il nous dire ce que fout exactement l'envoyé du Quotidien d'Oran au déjeuner de la fondation gan pour le cinéma ? Je n'ai rien contre les compagnies d'assurances, mais je n'assure pas de rester ici une fois le dessert servi... Allez, ok, je reste aussi pour le café ! Jeudi 15H55. Rencontre avec Galo Diallo, l'agent des stars des TikTok, Instagram, Snapchat, YouTube and co... Accompagné d'une vingtaine de comédiens des petits écrans, l'homme de l'agence Smile, qu'il a créée en 2016, gère les intérêts de 20 créateurs de contenus, à l'attention des 30 millions d'abonnés, et négocie des contrats pour ses stars avec des plateformes de streaming. Les grands gagnants de cette édition de Cannes viennent de ce monde. Après les pleurnicheries des industriels du cinéma ( chute vertigineuse des entrées dans les salles), puis les lamentations des plates-formes ( pertes des abonnés en cascades, et leurs actions qui s'effondrent dans la bourse), enfin du positif. Conclusion, c'est la théorie des poissons, mais à l'envers, les petits écrans bouffent les moyens écrans qui ont bouffé les grands écrans. C'est mal formulé, mais vous avez compris ! Sinon je peux vous faxer un dessin. JEUDI 22H55. Beaucoup de monde à la Close-party de la Quinzaine, car le dj serait très archi-populaire, même si son nom ne nous dit rien (première alerte). Plein de monde, mais Sofia D est déjà de l'autre côté de la mer, pour proposer le rôle du Colonel Senoussi -refusé par Elia Suleiman, John Malkovich et Chawki Amari- à Mohamed Mazouni ( très bonne idée). Alors qu'on essayait de faire semblant de danser sur un énième remix de l'inépuisable One more time des inévitables Daft Punk, un collègue de Télérama me glisse à l'oreille «Fais attention à ton coeur» ( deuxième alerte). Quand il ne restait plus de champagne tiède et plus de macarons verts fondants dans la chaleur de la nuit, il fallait bien se résigner à quitter les pistes de danse. A la sortie de la plage où se déroulait la fête, les organisateurs, avec plein d'empathie, me demandent si je veux un Uber pour rentrer le coucher (troisième alerte) VENDREDI 02H20. Je ne rentre pas seul à l'hôtel, na ! Un dernier miracle, un dernier coup ? One more time, the last ? VENDREDI 04h30. Après la petite mort, le grand sommeil. Entre temps on apprend le décès de Ray Liotta. One more dead. VENDREDI 07h00. On commence par faire les valises, pour les pronostics on verra après. Mais qui doit-on primer ? Le plus vieux et le plus sage des réalisateurs en compétition, le polonais ,Jerzy Skolimowski ( 84 ans) pour Hi-han ? Poétique variation du film Au hasard Balthazar, ou l'errance d'un âne en proie à la folie des hommes. Ou le plus jeune des prétendants à la palme, le flamand rose Lukas Dhont (31 ans) qui poursuit son exploration de la fin de l'enfance dans Close qui nous a tant fait pleurer ? Et notre chouchou le Boy from Heaven de Tarik Saleh, va-t-il être sacrifié pour un film russe anti-russe ou pour d'un film ukrainien pro-otan ? Pronostics, pronostics, le festival s'achève, et nous achève. Reviendrons-nous l'année prochaine ? Si oui, dans quel état ? Déjà mort ou à demi-mort ? Merci d'avoir été nombreux à ne pas partager du tout nos contenus. Se faire liker par les doigts de la main étrangère, non merci : on perd la tête et le style, mais on garde notre fond de fierté microscopique. Merci aux robots d'Apple et aux correctrices du Quotidien d'Oran pour leur étroite collaboration : le festival de Cannes, des cliques et des coquilles vous doit tout ! |
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