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Les humeurs de
notre envoyé spécial à Cannes entre réalité augmentée et délire-fictions.
Mercredi 23h59. Fête d'ouverture de la Quinzaine des réalisateurs, une des sélections parallèles à l'Officielle. Entre deux brochettes de coquilles St Jacques happées à la volée, on aperçoit sur la piste de danse deux jeunes réalisateurs algériens de moins de 50 ans. Salah Issaad et Sofia Djama. Le premier est à Cannes pour developper le projet de son deuxième long-métrage et accessoirement trouver des distributeurs pour le premier, le sulfureux Soula - une nuit d'errance entre Batna et Constantine en compagnie d'un mère célibataire flanqué de son bébé, film-choc projeté à Alger et à Djeddah sans incidences notoires, ni fetwas, ni emprisonnements (mais que fait l'Algérie nouvelle mis à part surveiller El Kadi Ihssan ?). La seconde, Sofia Djama, cherche des partenaires pour son deuxième long-métrage -qu'elle aimerait tourner début 2023. On leur souhaite beaucoup de chance et beaucoup de sponsors. Puisse Sofia Djama trouver suffisamment d'argent pour se payer entre autres services un «titreur» digne de ce nom, car après Mollement un samedi matin ( titre de son court-métrage), et Les Bienheureux ( son premier long-métrage ), le projet du second a pour titre Jeudi moins quart. Tout cela mérite d'être revu et corrigé dear Jeudi 08.15. Il fait 56°, on continue comme si de rien n'était à aller voir des films pou dire aux gens qu'on voit qu'on les a vus. Le monde peut bien brûler, la planète fondre et l'univers disparaitre comme une étoile filante, l'important est qu'on reste à l'intérieur de la bulle cannoise. Don't look up pour de vrai de vrai. Jeudi 08.17. On ne dit désormais plus «la bulle cannoise», ça c'était à l'époque des regrettés Gilles Jacob, Azzedine et Roselyne Mabrouki, il faudra s'habituer a lui préférer le terme à la mode de «Métaverse». Et ça veut bien dire ce que ça veut dire. Jeudi 08.30. Les gars et les gaillardes de la sécurité sont plus souriants depuis que les réservations se font par internet. Fini les bousculades, ne viennent aux séances que celles et ceux qui ont été validés par le système informatique. La matrice commande, les humanoïdes contrôlent. Et si au moment où vous vous présentez votre batterie de téléphone vous lâche vous pouvez toujours pleurer. Vos larmes brûlantes vous rappelleront peut-être qu'il fait maintenant 62°. Ceci expliquant peut-être cela, avez-vous remarqué que Tom Cruise ressemble étrangement à la momie Touthafondu ? Jeudi 12H10. Pourquoi sortir du Palais des Festivals alors que dehors n'est pas climatisé ? Jeudi 15H45. Toutes les plages de Cannes ont été transformées en sauna en plein air ! Autre changement notable, les médias. Qu'elle est loin l'époque ou les critiques papiers faisaient la pluie et le beau temps sur la Croisette. Révolue et oubliée également la décennie Canal Plus, ah ces années où la chaîne cryptée jouait la locomotive du Festival. Cannes c'st désormais le festival des clics. Et encore, on évite d'utiliser -ou dire qu'on utilise-Tweeter ou Facebook, «réseaux asociaux réservé aux vieux». On s'échange désormais via «Insta»- et on suit les événements de Cannes avec TikTok, qui devient le partenaire officiel de la 75e édition. A cet effet la formule très vieillotte «Tu vas à Annnaba et tu ne ramènes pas de maillot de bain ???» est officiellement et depuis Cannes remplacée par «Tu vas à Mosta et tu n'as pas Insta ???». Autre temps, autres partenaires. Déjà, en 2021, 5 % des contenus mondiaux du Festival étaient disponibles sur la plateforme vidéo Brut. Pour cette édition, l'objectif affiché est d'attirer encore plus les jeunes au cinéma. Insta-tiktok-brut Jeudi 18H18. Rity président du jury du TikTokShortFilm. «Au regard des désaccords persistants quant à l'indépendance et la souveraineté du jury, j'ai décidé d'abandonner mes fonctions», écrit le cinéaste cambodgien dans un mail que s'est procuré le Hollywood Reporter A l'Obs, le documentariste de 58 ans précise que les représentants de l'entreprise chinoise se seraient montrés très insistants pour connaître l'état d'avancement du travail du jury, au point de lui «suggérer» qui primer parmi les trente formats courts sélectionnés. Jeudi 23H20. Rédiger un compte-rendu en toute liberté depuis la bulle, non sorry depuis le métatruc de Cannes, n'est pas chose facile quand on utilise un ordinateur made in US Silicon Valley. A chaque fois que je tape «Le Quotidien d'Oran», la machine me le rectifie manu-militari en «Quotidien de l'Otan». Bigre, et si Chawki Amari le paranoïde d'El Watan avait finalement raison ? Le monde entier ne serait qu'un vaste complot de l'Otan ? Jeudi 00H01: 43°, ça se redescend, ouf. On va pouvoir aller au lit. Demain, la prière du vendredi se fera à Al-Azhar, au Grand Auditorium de Cannes, avec Boy from heaven de Tarik Saleh. Retrouvons demain pour dans le meta-Insta-tiktok-Brut du Quotidien de l'Otan. |
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