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«La flamme de la démocratie a
été allumée dans cette nation il y a longtemps. Et nous savons que rien, pas
même une pandémie ou un abus de pouvoir ne peut l'éteindre» Joe Biden - Etienne CHOUARDL
Ainsi parle l'œuf, je suis le pouvoir, si vous me serrez trop fort, je me casse, si vous ne me serrez pas suffisamment, je tombe et je me casse. Ce proverbe africain pose un redoutable dilemme aux détenteurs de pouvoir. Ils ne doivent ni serrer trop fort, ni trop peu, car dans les deux cas le pouvoir leur échappe. En Occident, le pouvoir créateur de la mort a laissé la place au pouvoir organisateur de la vie. Dans les sociétés dominées, le pouvoir demeure créateur de la mort et par conséquent despotique. Le monde arabe, c'est d'abord l'espace des grandes convulsions politiques et sociales. Le discours nationaliste et moderniste des dictatures est le lieu d'un grave malentendu. Cette volonté d'occuper la place du colon et de l'imiter dans son comportement n'implique-t-elle pas une subordination par rapport à lui ? L'intransigeance de la puissance coloniale n'a-t-elle pas produit le FLN ? Cette même rigidité reprise par le FLN n'a-t-elle pas donné naissance au FIS ? Dans la tourmente qui enfante de nouvelles sociétés ou qui les étouffe dans l'œuf, les situations semblables créent des jugements semblables. Quelle leçon à tirer ? La France coloniale a ignoré la fable de La Fontaine, le chêne et le roseau. Elle a préféré s'inspirer de l'idéologie nazie. « Celui qui peut régner sur la rue, régnera un jour sur l'Etat, car toute forme de pouvoir politique et de dictature a ses racines dans la rue » Joseph Goebbels. Ce sont les massacres du 08 mai 1945 à Sétif, Guelma et Kherrata qui ont enfanté la révolution du 1er Novembre 1954. Une fois l'indépendance acquise, l'armée des frontières n'a pas regagné les casernes, elle a préféré investir la scène politique pour gagner le champ économique (les hydrocarbures). La faiblesse et le caractère artificiel des Etats-Nations du monde arabe n'assurent-ils pas leurs mises en orbite des intérêts des grandes puissances ? On accorde à l'Etat une toute puissance bien imaginaire. Ce que l'on constate aujourd'hui, c'est l'accroissement du « déficit de rationalité de l'Etat ». La politique se veut réaliste, pragmatique et se soucie d'abord du renforcement de son potentiel militaire et de ses capacités d'intervention armées comme solution au drame du sous-développement et ensuite son refus d'admettre son impuissance à fournir une légitimation dont le besoin se fait sentir chaque jour davantage. Il faut comprendre le passé pour mieux construire l'avenir. Les multiples invasions des Vandales aux Français en passant par les Arabes et les Ottomans ont façonné la mentalité des autochtones. Le regard de soi sur soi a disparu, c'est le regard de l'autre sur soi qui importe. On a retenu de la religion que le rituel et de la modernité que les apparences. Des Arabes que le tribalisme, des Ottomans que la cupidité, des Français que l'hypocrisie. Il est admis que le mouvement nationaliste a commis deux graves erreurs aux conséquences incalculables : la première c'était de croire que l'aliénation historique, économique et culturelle disparaîtrait automatiquement avec le départ de l'occupant étranger ; la seconde c?était de penser qu'il suffisait d'accaparer l'appareil de l'Etat, de promulguer des lois et des règlements, de se doter d'une armée pour maîtriser le processus de modernité, de développement et de l'émancipation. Comme si les clés de la modernisation étaient entre les mains des détenteurs du pouvoir, c'est-à-dire de la force brutale qu'elle soit locale ou étrangère, « la faiblesse de la force est de ne croire qu'à la force » écrivait Paul Valéry au siècle dernier. En effet, il y a des gens qui croient que pour dresser les animaux et les dominer, il faut user des armes et de la force physique. C'est une erreur grotesque. C'était là une méthode employée par les barbares. Les procédés modernes de dressage sont tout autres. Aujourd'hui, c'est au pouvoir de l'affection qu'on recourt : on commence par s'efforcer d'obtenir la confiance des animaux en usant de bienveillance à leur égard et c'est cette bienveillance qui agit sur eux. On appelle animaux domestiques, ceux qui se font servir par leurs maîtres. Un peuple émotif secrète naturellement un pouvoir narcissique, c'est-à-dire un pouvoir égocentriste dépourvu de tout sentiment de culpabilité. Pour combler son vide existentiel, il a besoin de se nourrir des émotions et des peurs de la population. Le peuple algérien est connu pour être un peuple émotif et violent, il vient de montrer qu'il est également un peuple pacifique et de raison. En effet, il a suffi d'un clic anonyme pour le mobiliser massivement. C'est un peuple déterminé à retrouver sa dignité. Comme le souligne à juste titre le jeune Président noir américain, « l'Afrique a plus besoin d'institutions fortes que d'hommes forts ». Il est vrai que l'histoire ne peut se faire que par une alternance de sagesse et de brutalité puisque de toute façon, les régimes déclinants résistent à la critique verbale. Le pouvoir, compris comme un contrôle plus accru des hommes et des consciences par une sorte de bureaucratisation et d'asservissement des individus et de la société, ne s'est accompagné d'aucune efficacité réelle de la technologie, du savoir, de la science, du progrès technique et spirituel. C'est pourquoi, la société semble évoluer dans des directions inattendues, opprimantes et désespérées qui accentuent quotidiennement l'impression générale d'irresponsabilité, de passivité et d'impuissance. Le citoyen se perçoit de plus en plus étranger à sa propre histoire, à ses réalités, à sa société, à ses gouvernants, à lui-même. Il a la persistance conviction d'avoir été dupé, dépossédé, dénudé, privé de ce auquel il avait cru pouvoir aspirer un jour : la liberté, la justice, le progrès. A tous les niveaux de la société, il y a aujourd'hui une conscience commune aiguë et quasi désespérée de l'échec de l'indépendance. Pour le citoyen, l'indépendance lui apparaît comme une entreprise de mutilation, de destruction de la tradition et du patrimoine. L'état de délabrement de la Casbah en est un exemple poignant. Ce vent violent dévastateur n'a pas épargné la religion qui est entrée dans une phase de mimétisme qui n'a que peu de rapport avec la vie spirituelle elle-même. A aucun moment, ce pouvoir n'a pu accomplir, ni tout seul, ni avec la société dont il prétend être l'émanation, la tâche contemporaine par excellence, celle de la maîtrise par l'homme de la science, de la technique et de la gestion. Pourtant, c'est ce même nationalisme étatique qui a ouvert la théorie du primat de la force sur le droit et a mis en œuvre avec le FMI, dans le cadre d'un programme d'ajustement structurel sanglant, une politique systématique de destruction de ce qu'il a été convenu d'appeler à l'époque « économie nationale » : une économie locale en gestation permanente à la suite de la chute brutale du prix du baril de pétrole et des échéances de remboursement de la dette colossale contractée par le gouvernement pour des besoins idéologiques. Evidemment « Qui sème le vent, récolte la tempête ». Le résultat est là : une industrie mort-née en perpétuelle perfusion financière, une agriculture indigente et déboussolée livrée à des prédateurs sans morale ni profession, un commerce importe qu'importe, l'essentiel est de faire fortune dans un laps de temps très court, un secteur local productif embryonnaire déclaré « bien vacant » aux investisseurs étrangers désenchantés, une administration bureaucratique pléthorique et budgétivore gangrénée par la corruption et le népotisme, une jeunesse inculte, désœuvrée, en proie à des convulsions intempestives, un budget de l'Etat réduit à une caisse du pouvoir, un pouvoir pris en otage par la fonction publique ou para public, des grèves tournantes à répétition, une école à composante majoritaire féminine qui livre des enfants mal-aimés à la rue, grossissant le rang des délinquants et des vendeurs à la sauvette, résultat d'un bourrage de crâne inutile et coûteux. La seule école dans le monde où l'enfant entre avec deux pieds et ressort avec quatre pattes. L'école algérienne semble ignorer la maxime de Montaigne qui disait « qu'une tête bien faite vaut mieux qu'une tête bien pleine ». Le mal-être des parents qui affaiblit l'attachement de leurs enfants à la vie. Une école qui se transforme en une fabrique de bombes à retardement qui exploseront tôt ou tard, une jeunesse désœuvrée à la recherche du gain facile et une intelligence mise au rebut ou poussée vers l'exil, des universités au rabais qui forment des chômeurs de luxe sans capacité d'analyse et esprit critique, une formation professionnelle qui n'a de professionnel que le nom, des hôpitaux qui envoient leurs malades manifester auprès de leur administration pour réclamer des augmentations de salaires à leur personnel soignant, une population déboussolée ne sachant à quel saint se vouer, un pouvoir qui tourne en rond, une société au bord de l'explosion avec le risque d'une déflagration généralisée incontrôlable aux conséquences imprévisibles. Le tout enveloppé dans un discours euphorique virtuel sans perspective réelle de changement et sans ancrage populaire effectif et affectif à destination de l'étranger comme gage d'une bonne santé politique pérenne face à la menace d'un printemps arabe en ébullition. Un proverbe dit « ce n'est pas la girouette qui change de direction, mais c'est le vent qui tourne ». C'est la fin des tabous : le mythe nationaliste n'opère plus, ses « héros » ont disparu, vieilli, ou sont fatigués. Vieillesse, quand tu nous tiens ! Le cerveau ordonne au corps de se mouvoir et le corps lui répond : « va te faire foutre ! ». L'ère des dinosaures est bel et bien révolue. Le pouvoir actuel est en panne sèche de crédibilité à travers tous ses compartiments et à tous les niveaux de la hiérarchie. Sur le plan économique, le naufrage est consommé. Un failli peut-il gérer sa propre faillite en faisant croire à ses créanciers (la population) qu'il est solvable ? Un pouvoir qui ne tolère pas qu'on l'avertisse de ses erreurs est un pouvoir faible. Un pouvoir qui n'écoute pas d'autres voix que la sienne épuise très vite son leadership. « L'avenir les tourmente et le passé les retient : voilà pourquoi le présent leur échappe » disait G. FLAUBERT. Une opposition qui « mange avec le loup et pleure avec le berger » est une opposition de paillettes, factice et inutile. Des partis dits d'opposition sans adhésion populaire qui vivent plus des subventions du pouvoir que des cotisations de leurs adhérents. « L'appât immodéré de l'argent, comme celui du pouvoir a un prix : la dignité ». Il y a de cela près de dix ans, nous écrivions dans ces mêmes colonnes ceci : un jour, un roi dit à un sage : « Autour de moi, je cherche un ministre à la fois fidèle et éclairé, je ne l'ai pas encore trouvé ». «Tu finiras par le trouver lui répondit le sage, en cherchant parmi ceux qui ne te cherchent pas ». Un roi a plus besoin des conseils d'un sage qu'un sage des faveurs du roi. Quand on entre dans le système, on ne peut s'en sortir que rouillés pour ne pas dire souillés. Les hommes sont pour le pouvoir ce qu'est la nourriture pour le corps humain « ça rentre propre et ça sort sale. Comment ose-t-on prétendre « mordre la main » qui vous nourrit et qui vous protège ? Prétendre réformer le système extra-muros alors qu'on n'a pas pu le faire intra-muros ? Tel un adolescent, une société ne peut grandir que si elle s'oppose ; l'empêcher de s'opposer ne peut que l'infantiliser à tout jamais. Seule une opposition libre, jeune, nouvelle, propre, crédible et authentique rend un pouvoir plus résistant, plus avisé et plus performant. Peut-il en être ainsi quand le pouvoir est assis sur un puits de pétrole et l'opposition assise sur un pieu en béton ? Ce pouvoir, « eau de jouvence », des régimes arabes moribonds, thérapie semble-t-il « infaillible » à toutes les maladies nées du vieillissement naturel des hommes. Voltaire écrivait il y a de cela trois siècles « un seul mauvais exemple une fois donné, est capable de corrompre toute une nation et l'habitude devient une tyrannie ». un régime autoritaire n'a que deux moyens à sa disposition pour se maintenir en place : la répression (le bâton) et la corruption (la carotte). C'est un pouvoir à deux vitesses. Le levier de commande étant le cours du brut. Quoi dire d'autres ? Tout a été dit. Il y a de cela trente ans, nous écrivions dans ces mêmes colonnes ceci « Confrontés à l'impossibilité où ils se trouvent de faire fonctionner un régime démocratique sans se mettre eux-mêmes en péril, les décideurs algériens hésitent entre deux solutions : l'une consiste dans la mise en place d'un simulacre de démocratie, l'autre dans l'acceptation de la dictature comme voie vers une démocratie plus réelle ». Aujourd'hui, rien n'a changé dans les orientations économiques et politiques globales. La stabilité du personnel politique et économique en est la preuve évidente. Les mêmes hommes au pouvoir ou dans l'opposition ne peuvent que produire et reproduire les mêmes politiques et les mêmes schémas de pensée. Il y va de leurs intérêts. La tribu domine la cité. Les clans gèrent la cité au mieux de leurs intérêts convergents. En effet, pour entrer dans la cité, il faut sortir du douar. Dans une cité, on entre dans une classe sociale pour des intérêts qu'on recherche ou qu'on défend ; par contre on naît dans une famille, un clan ou une région. La compétence a cédé la place à la médiocrité. « Le dernier de nos ânes vaut mieux que le premier de vos chevaux » fait des ravages dans les administrations et dans les entreprises publiques. Par conséquent, l'esprit de clan est leur raison de vivre ou de mourir. Cela remonte loin dans l'histoire. Au crépuscule de leur vie, les dirigeants arabes s'accrochent au pouvoir comme si le pouvoir s'identifiait à la vie. A la fleur de l'âge, les jeunes aspirent au pouvoir comme un moyen de parvenir à l'âge adulte. Pour s'affirmer, ils veulent plier l'adulte, le père, l'autorité. Tel un adolescent, la société a besoin de s'opposer pour grandir, lui refuser ce droit, c'est l'empêcher de s'épanouir, c'est le maintenir indéfiniment dans l'infantilisme. En matière d'émancipation des peuples que nous enseigne l'Occident, notre maître à penser, notre confident, notre source d'inspiration ? Il nous apprend qu'en démocratie « ce sont les pieds qui attachent les mains » ; et que par contre dans une dictature « ce sont les mains qui attachent les pieds ». La démocratie ne s'octroie pas, elle s'arrache, elle commence tôt Il s'agit de concevoir et de mettre en œuvre un système d'enseignement fondé sur le raisonnement critique et le discernement pour en faire des citoyens et non centré sur l'obéissance et la discipline pour produire des soldats en grande quantité et en faire de la chair à canon. Pour passer d'une rive mal ensoleillée à une rive bien ensoleillée, il faut payer le prix à l'avance. Il est clair que les élites au pouvoir ne renonceront jamais de leur propre gré à la distribution de la rente pétrolière et gazière sans en rendre compte de sa gestion dans le temps et dans l'espace. Ce sont ceux qui souffrent du système qui doivent y mettre fin et pour cela ils ne doivent compter que sur eux-mêmes. Ceux qui profitent les largesses du système feront tout ce qui est en leur pouvoir pour maintenir le statu quo. Il ne s'agit pas de convictions mais d'intérêts. « L'eau du fleuve ne retourne jamais à sa source ». Les réformes envisagées où seule l'Algérie officielle, celle des octogénaires (les rentiers du système qu'ils soient au pouvoir ou dans l'opposition), a la parole et l'Algérie profonde, celles des moins de trente ans majoritaires (en activité ou en chômage) restée sans voix (les laissés-pour-compte), consistent-elles pour le pouvoir à « s'attacher « soi-même les mains» tout en maintenant fermement les pieds liés ou visent-elles à libérer les pieds tout en veillant à garder les « mains libres » ? Exercice acrobatique périlleux pour des vieux acteurs rigides (pouvoir et opposition), sans filet de protection cette fois-ci, devant un public jeune, vacciné et incrédule sous un chapiteau ouvert virtuellement aux quatre coins du monde. Et le cirque continue avec le même spectacle à l'affiche. Les mains ne servent à rien sans les pieds qui les soutiennent ou les condamnent. D'un autre point de vue, les pieds mordent-ils la main qui les nourrit même si elle est pourrie ? Sont-ils prêts à se libérer des mains qui les oppressent ? Sont-ils capables de choisir entre le pain ou la liberté ? Entre la dignité et la servitude ? Entre le travail et la mendicité ? L'Algérien serait-il devenu, après cinquante d'indépendance, ce personnage à qui vous demandez de s'asseoir, il s'aplatit ? Réponse douloureuse pour une population majoritairement jeune dont la survie dépend étroitement de l'étranger et qui est de surcroît tenue à l'écart des véritables enjeux géopolitiques planétaires qui se dessinent à l'horizon sur la carte des états-majors des puissances dominantes où les sociétés faibles n'ont aucune place sur l'échiquier international. Elles doivent se soumettre ou disparaître. La famine sera le critère de sélection biologique des peuples. « Malheur à un peuple qui se nourrit de ce qu'il ne produit pas et se vêtit de ce qu'il ne tisse pas » dit un adage populaire. Pour se maintenir au pouvoir, les régimes arabes et musulmans n'hésitent pas à caresser le peuple dans le sens du poil : « dormez, dormez, dormez braves gens, l'Etat veille sur votre sommeil » leur chuchote-t-on à l'oreille à la faveur d'une manne pétrolière et gazière providentielle ou d'un tourisme international dévastateur des valeurs locales fécondes. Lorsqu'un certain type de stratégie de pouvoir s'identifie à une équipe dirigeante, il est peut-être nécessaire de changer d'équipes pour parvenir à adapter le discours ; car le verbe peut servir de refuge à l'impuissance d'agir. Il y a une grande différence entre les hommes politiques et les hommes d'Etat, les uns pensent à la prochaine élection, les autres aux futures générations. Les réformes envisagées sont comme de l'aspirine, elles font baisser la fièvre mais elles n'ont pas la vertu de guérir un cancer généralisé qui touche toute la société avec un pronostic sombre en l'absence d'une thérapie adéquate menée par une équipe de médecins professionnels indépendante d'envergure internationale, d'une probité morale sans faille et d'une confiance éclairée du patient. Les réformes, en réalité, ne servent que d'habillage des « institutions », pour s'acheter une respectabilité internationale. Il n'y a pas de dictature de transition vers la démocratie. La démocratie n'est pas dans les urnes mais dans le refus de la dictature sous toutes ses formes. La démocratie ne se décrète pas, elle s'arrache. Par les temps qui courent, le pays a plus besoin d'un électrochoc sociétal salutaire pour se ressaisir que des réformettes à la petite semaine qui ne trompent personne. C'est pourquoi le pays semble marcher sur sa tête et réfléchir avec ses pieds. Une nation qui ne peut pas se tenir debout sans s'appuyer sur un Etat, et de surcroît militaro-rentier, est une nation condamnée à disparaître. Un Etat moderne ne peut se construire que par la contribution financière de la nation grâce à son travail productif et la valeur intrinsèque de son élite. Il n'y a pas de solution individuelle à un problème collectif. Assistons-nous aujourd'hui à un consensus social pour un sursaut collectif ? Nous sommes malheureusement tous les passagers d'un train à grande vitesse (TGV), chacun dans son wagon, les uns dans un wagon de première classe, les autres dans les wagons à bestiaux, un train sans arrêt ni conducteur. Le terminal est pour quand ? La mort est inéluctable quel que soit le wagon qu'on occupe. La mort est une lanterne qui nous éclaire sur le chemin de la vie. Malheureusement, « la soif de dominer est celle qui s'éteint la dernière dans le cœur de l'homme » écrit Machiavel. La « médiocrité » d'un peuple dit-on se mesure à son incapacité à se nourrir par ses propres efforts, c'est-à-dire sans tendre la main au pouvoir qui en profite pour dépenser à sa guise les recettes d'hydrocarbures. Une nation qui ne peut pas se tenir debout sans l'Etat n'est pas encore une nation au sens civilisé du terme. Un pouvoir qui dispose sans retenue d'une manne pétrolière et gazière n'a pas besoin de lever des impôts, il n'a pas besoin de citoyens mais de sujets. Il est autonome par rapport à la population. Un peuple qui ferme les yeux sur la dilapidation de ses richesses naturelles indispensable à sa survie est incapable de progrès et encore moins de justice. C'est un peuple aveugle qu'il faut tenir par la main, à notre corps défendant, « Il a besoin qu'on l'éblouisse et non qu'on l'éclaire », Malheureusement, il n'y a pas d'autorité véritablement légitime capable de fixer un cap à la société. La puissance publique n'est plus en mesure de définir l'intérêt général, préoccupée par l'équilibre des intérêts particuliers. En Algérie l'Etat n'est pas un arbitre il est partie prenante des conflits. En imposant des institutions dont la logique de fonctionnement est radicalement différente de celle de la société algérienne organisée depuis des siècles selon une forme patriarcale reposant sur la tribu et le clan dominant. Dans une économie rentière, les institutions sont des coquilles vides. Elles ne sont que des courroies de transmission des ordres venus d'en haut. Elles ont été créées ex nihilo. Elles ne doivent rien aux citoyens, elles doivent tout au pouvoir. Elles ne sont pas financées par la contribution financière des citoyens mais par la confiscation des richesses naturelles. C'est l'achat d'une complicité d'un crime organisé. Il s'agit d'une question de fond qu'il va falloir trancher un jour. S'il est possible que des dirigeants intelligents reconnaissent leurs erreurs et soient disposés à les corriger, il est également possible qu'un peuple qui s'est libéré du joug colonial accepte de se dire des vérités et décide dans sa grande majorité d'amorcer des changements indispensables à sa survie dans un monde sans état d'âme qui ne laisse aucune place aux nations faibles. Nous concluons ce bref article par un autre proverbe africain « Le pouvoir est comme un œuf, on ne peut le tenir d'une seule main, si on le tient d'une main, il tombe et il se casse ». (*) Proverbes et dictons algériens (1868). A cette époque, il y avait la sagesse populaire, elle était gratuite ; il n'y avait pas de commissions « d'experts » de tout poil qui se font rétribuer en monnaie sonnante et trébuchante. Elle ne se marchandait pas c'était la vérité. Elle émanait des profondeurs de la société. « Le chameau ne voit pas sa propre bosse, il voit la bosse de son frère ». ** Docteur |
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