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Que peut-on dire du Hirak algérien depuis maintenant plus de trois mois, il a
débuté le 22 février 2019 ? Et on est au quatorzième vendredi et par des manifestations
grandioses que le peuple algérien, dans toutes ces composantes, ne cesse, par
ce message, de dire au pouvoir que je suis là, qu'il faut désormais que le
pouvoir prenne conscience que la souveraineté appartient au peuple et seulement
au peuple.
Le peuple algérien n'en démord pas, tel un fleuve tranquille, il continue sa marche vers le but qu'il s'est fixé. Appliquer l'Article 7 de la Constitution qui dit que «Le peuple est la source de tout pouvoir. La souveraineté nationale appartient exclusivement au peuple.», et l'Article 8 qui dit «Le pouvoir constituant appartient au peuple. Le peuple exerce sa souveraineté par l'intermédiaire des institutions qu'il se donne. Le peuple l'exerce aussi par voie de référendum et par l'intermédiaire de ses représentants élus. Le président de la République peut directement recourir à l'expression de la volonté du peuple.» Ces deux articles constituent le socle de la Constitution algérienne. Pourtant, le pouvoir algérien, malgré les marches populaires contre le système politique, reste fidèle à sa démarche, ne pas sortir de la loi fondamentale qui régit l'État. En effet, sous la pression de la rue, le président sortant, Abdelaziz Bouteflika, a présenté le 2 avril 2019, sa démission. Comme l'énonce l'Article 102 de la Constitution algérienne, le président du Conseil de la Nation, M. Abdelkader Bensalah, est chargé d'assurer l'intérim du Chef de l'État, pour une durée de quatre-vingt-dix (90) jours, au maximum, au cours de laquelle des élections présidentielles seront organisées. Le jour de sa prise de fonction, le 09 avril 2019, le président par intérim procède à la signature du décret présidentiel portant convocation du corps électoral à l'élection présidentielle, fixée au jeudi 04 juillet 2019. La réponse du peuple, signifiant le rejet des élections présidentielles a été unanime, chaque vendredi, durant des marches gigantesques à Alger et dans la plupart des autres villes, ce sont les mêmes revendications, le rejet du système et non aux élections présidentielles. Le délai des dépôts des candidatures au Conseil constitutionnel pour l'élection présidentielle du 4 juillet venant à échéance, seuls deux dossiers ont été déposés. On peut penser que le nombre étant très faible, et compte tenu de la grave crise politique qui oppose le pouvoir au peuple, la seule issue de sortie pourrait être soit le report des élections soit le dialogue avec les représentants du Hirak, c'est-à-dire les partis d'opposition, la société civile, des personnalités choisies pour leur probité et leur engagement durant ces trois mois de manifestations populaires. Ces marches pacifiques qui ont étonné le monde et signifié que le peuple ne s'arrêterait que lorsqu'il aura pleine satisfaction à ses demandes, laissent très peu de marge de manœuvre au pouvoir. Les moyens coercitifs par la répression ne peuvent donner, pour la simple raison que tout le peuple est en marche. De même jouer dans le temps en espérant que le peuple finirait par s'essouffler et progressivement le nombre de manifestants diminuer reste très aléatoire. Aussi posons la question : que va-t-il se passer après la date limite de dépôt des candidatures au Conseil constitutionnel, soit 45 jours après la convocation du corps électoral par le chef de l'État intérimaire, comme le prévoit la loi ? S'il n'y a que deux dossiers déposés, il est évident que l'État peut opter pour le report des élections présidentielles. Mais que donnera le report si la situation reste inchangée, les marches continueront et toujours pas de candidats potentiels, donc de nouveau l'Etat va se retrouver confronté à un nouvel échec. Le report permet, tout au plus, à l'État de gagner du temps, avec cet espoir, qu'avec l'été qui s'approche et la période des vacances, les marches pourraient s'essouffler. Une stratégie qui, en fin de compte, ne va rien donner puisque même s'il y aura moins de monde durant l'été, les semaines qui se rapprochent de la date du scrutin reporté, les marches populaires reprendront et surtout massivement, mèneront à un autre échec des élections présidentielles. Aussi peut-on postuler qu'il y ait un report, la marge de manœuvre étant très limitée, il n'aura pas d'autres alternatives que de répondre favorablement à la demande du peuple en convoquant une conférence nationale. C'est l'alternative la plus probante. Cela pourrait encore prendre quelque temps encore, mais le dialogue interviendra inévitablement. Le pays ne peut être indéfiniment bloqué. Et évidemment le dialogue sans les figures emblématiques de l'ancien système. L'Etat doit, donc, lancer et parrainer le dialogue entre toutes les parties pour trouver une issue à l'impasse que l'article 102 a générée. En réalité, l'article 102 en montrant qu'il ne pouvait pas résoudre la crise a permis d'assainir la situation puisqu'il a montré que seul le dialogue réunissant toutes les parties pouvait permettre de trouver une issue à la crise. Et cette conférence nationale qui débutera pourrait apaiser la rue. On peut penser que l'armée ne s'immiscera pas dans les débats, elle aurait un rôle tout au plus d'observateur, puisqu'il ne lui revient pas de gérer le pays. Que dit l'Article 8 de la Constitution ? «L'Armée Nationale Populaire a pour mission permanente la sauvegarde de l'indépendance nationale et la défense de la souveraineté nationale. Elle est chargée d'assurer la défense de l'unité et de l'intégrité territoriale du pays, ainsi que la protection de son espace terrestre, de son espace aérien et des différentes zones de son domaine maritime. Sa mission étant de protéger le territoire, la souveraineté nationale et l'unité nationale.» On relève un point très important de l'article 8 de la Constitution, qui énonce qu'en plus de protéger le territoire, la souveraineté nationale, l'armée protège l'«unité nationale» Ce point est primordial, fondamental car toutes les crises qui touchent l'unité nationale ont des conséquences catastrophiques pour les peuples. Ce qui s'est passé dans la décennie noire lorsque des Algériens se sont trouvé à tuer des Algériens, l'unité nationale a pris un coup. Ce qui se passe en Syrie, en Libye, au Yémen, et dans d'autres pays à des degrés moindre, relève du fait de la rupture de l'unité nationale. Et ce sont des enjeux politiques et économiques qui ont amené les peuples de ces pays à se diviser et à se combattre pour le pouvoir. Par conséquent, à travers le dialogue qui va s'instaurer entre les participants, les conférenciers et les sages qui parrainent le débat doivent apporter tous les mécanismes juridiques qui constitueront un rempart contre tout dépassement politique qui affectera l'unité et la sécurité nationale. Car nous ne devons pas oublier que, si l'unité et la sécurité nationale sont mises en danger, il reviendra à l'Armée nationale et populaire, conformément à la Loi fondamentale, d'intervenir pour lutter contre ces facteurs de division du peuple algérien. La nation étant une et indivisible, seule l'armée a les moyens et le pouvoir de faire respecter ce principe de base constituant l'État algérien. Donc, l'élaboration de tous les textes et mécanismes par la Conférence nationale, pour préserver le choix des électeurs, donner une crédibilité aux élections, mettre fin à la fraude, la cooptation, l'allégeance de l'ancien système, ce qui rendra la confiance au peuple qui aspire à la dignité et à l'équité, permettra de poser les fondations de la Deuxième République. C'est seulement ainsi que les élections présidentielles seraient réellement transparentes et pluralistes. La question qui se pose : qu'en sera-t-il des élections présidentielle lorsque toutes les parties se présenteront à ce scrutin ? Les principes démocratiques sur lesquels repose cette élection présidentielle seront déterminants. Ce sera au peuple de choisir le président de la République. Cependant quel que soit le candidat élu qu'il soit nationaliste, patriotique, islamiste ou autre sera astreint à appliquer des règles de gouvernance démocratiques précises, pour la simple raison que le peuple qui s'est éveillé depuis le 22 février restera à l'écoute de toute manœuvre du nouveau pouvoir. Si celui-ci cherchera à créer sa clientèle, ses réseaux, pour créer un système et le pérenniser à l'instar de l'ancien système, il trouvera en face de lui le peuple. Le peuple ne pourra pas abdiquer parce qu'il y va de son devenir. D'autre part, les pétromonarchies du Golfe chercheront à déstabiliser, à empêcher un régime démocratique de s'instaurer en Algérie, par crainte d'un effet de contagion sur leurs régimes féodaux. Dès lors, la seule riposte est l'unité nationale, et la lutte contre tout ennemi cherchant à porter atteinte à notre pays. Donc c'est la gouvernance démocratique qui prendra les problèmes du peuple à cœur et cherchera à les régler avec toute l'efficacité et la célérité possibles. L'Algérie va entrer dans une autre ère, et tout lui sera possible si elle reste fidèle à l'esprit du Hirak, et il n'y a pas de raison que l'Algérie retombe dans le système égyptien d'Al-Sissi, c'est plutôt le peuple égyptien qui suivra l'exemple de l'Algérie et sort de la dictature quelle que soit son origine. Le monde arabe est avide de progrès, mais il doit lutter contre les forces qui le freinent. Le monde arabe ne peut rester le dernier de la classe dans un monde qui évolue très vite alors que lui n'avance pas du tout. Et s'il est empêtré dans des guerres sans fins, que l'on attribue les causes aux étrangers, la principale cause est d'abord lui-même. Il est divisé et en retard sur tous les plans. Tel est aujourd'hui le destin de l'Algérie et du monde arabe qui doivent à tout prix avancer. *Auteur et chercheur spécialisé en Economie mondiale, relations internationales et prospective |
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