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Humeurs cannoises
au jour le jour. Chronique délirante à ne jamais prendre au sérieux. Même si la
vérité sort souvent des yeux de la vieille momie. Premier épisode:
Badr Al-Boudour se réveille en Bourourou.
Un french-kiss tendre et bien placé et hop voila le bel au bois dormant qui se réveille après une année de sommeil profond. Juste à quelques heures de la cérémonie d'ouverture d'un nouveau Festival de Cannes... comme d'habitude ! Il faudrait un jour interroger cet étrange phénomène qui se répète année après année, tous les mois de mai en somme, Ramadhan ou pas Ramadhan, et depuis tellement longtemps que le bel au bois revenant ressemble aujourd'hui plus à Nosfératu de retour du hadj qu'à Badr-Al Boudour sortant du hammam la veille de sa nuit de noce. Cannes, encore ! Cannes, encore et toujours, pourquoi ? Bonne question. Avant d'affronter les affres du présent il lui fallait s'enquérir d'abord de ce qui s'était passé pendant son sommeil. De bonnes nouvelles, très bonnes et d'autres mauvaises et accablantes se télescopaient dans son cerveau en pleine réinitialisation. Sa mémoire actualisée, il s'agissait maintenant de tout accepter, tout intégrer, tout digérer, le meilleur comme le pire : la nomination de Amira Soltane à la tête de la cinémathèque et le départ sous les huées de la bande d'ignares qui a permis cette catastrophe. La fin du bouteflikisme, du saïdisme, du médiènisme et de la loubia hamra, et le début de la contestation politique et pacifique où tout le monde sourit et danse sous les jets d'eau et se pelote dans des nuages de lacrymogènes, flashs d'une révolution électro-silmiya, n'selfie et n'sel fik. Au passage cette info, Fadéla s'apprête à sortir un nouvel album pendant que son ex-Sahraoui fait l'apprenti-imam dans une petite mosquée d'une banlieue parisienne. Mais qui se souvient de Fadéla & Sahraoui ? Le meilleur et le pire donc, des fois les deux mélangés. La fin obligée des festivals de cinéma de propagande d'Oran, d'Annaba et de Chelghoum Al-Aid et la reprise annoncée des journées cinématographiques des amis de l'Institut Français à Béjaïa. La déchéance de Naïma Salhi, la renaissance de Djamila Bouhired. La chute finale d'Ali Haddad, l'éternel retour de Ali Belhadj, la fuite des voleurs les poches pleines et l'arrivée des opportunistes la tête vide. L'extension du carré VIP dans les prisons militaires et semi-civiles et l'effondrement de la Casbah d'Alger, la paix civile partout en Algérie et la guerre fratricide à couteaux tirés seulement au FFS. Le monde à l'envers et l'envers du décors... Mais dans l'ensemble les bonnes nouvelles l'emportaient ! Sanglots de joie et de fierté mêlées. Ainsi donc, tous les messages subtilement codés et envoyés par ses soins au fil des dernières couvertures de Cannes ont finalement été bien reçus par le petit peuple et le grand ghachi d'Algérie. Car à moins d'être d'une mauvaise foi digne des télés poubelles dirigées par des ordures aux ordres, les gens sérieux et bien informés savent que la révolutionnette en cours n'est que la résultante des appels lancés par le seul et inoxydable envoyé spécial du Quotidien d'Oran à Cannes. Que celles et ceux qui ne veulent pas rendre à César ce qui lui appartient, ses trois pistolets pour commencer, son honneur, ses lettres de noblesse et attestation de néo-moudjahid, relisent les comptes-rendus de notre couverture du dernier Festival de Cannes. N'allez pas chercher plus loin la déclaration du mouvement de protestation populaire, ce réveil civique que Nabil Djedouani a appelé avec perspicacité la révolution des souris et des sourires. Le Hirak ? Son mode d'emploi, sa boîte à outils et son petit guide illustré furent délivrés en douce au fil de chroniques finement troussées. Tout y est : comment se débarrasser de Boutef', sa famille, son clan, sa clique, comment sortir en masse et d'une manière pacifique sans oublier de nettoyer après, comment faire tomber les 3B sans sombrer dans le piège du gros G, comment s'habiller pendant les marches et comment se déshabiller durant les arrestations arbitraires. Tout était écrit et les écrits restent, mais effectivement et pour des raisons évidentes que nul ne peut faire semblant d'ignorer, tout était crypté. Par exemple, quand l'envoyé spécial expliquait après une excellente critique d'un film sud-coréen qu'une coupe de l'benhajala Cliquot pouvait s'accompagner d'un Quelbellouz mahchi, cela voulait bien évidement dire qu'il fallait le moment venu boire les paroles de Mustapha Bouchachi. Lorsque nous parlions de la clôture de Festival de Cannes, en terminant par le tonitruant " Maintenant sûr c'est fini ", il fallait bien sûr entendre comme de bien entendu que " Said était fini maintenant ". Sans compter les comptes-rendus de fêtes où il était rappelé avec insistance que " plus nous étions nombreux, plus nous étions heureux " qui n'est rien d'autre qu'un appel à peine voilé à sortir dans les rues en masse et d'une manière pacifique. N'avait-on pas poussé l'audace jusqu'à préciser qu'il fallait réhabiliter la chanson Selma ya Salama (d'où le Selmiya ya selmiya scandé partout et par tous)? Les ignobles complotistes de la dernière heure vous expliqueront avec leur sourire bave d'escargot que tout ceci et cela ne sont qu'élucubrations d'un has been déconnecté dans le temps et dans l'espace, encore plus pathétique que cette autre ancienne gloire oubliée d'Alger Chaine III tentant son come-back médiatique via facebook à la faveur des marches. Leur argument à ces langues de vipère berbère est que le festival de Cannes a lieu en mai, et que le Hirak n'a éclaté de joie que bien plus tard, en février. Certes, mais si le peuple est magnifique, on est tous d'accord la-dessus, les individus qui le composent, il faut se l'avouer entre nous, sont toujours lents à la détente. Ni un prince charmant dormant ni une old momie dansante ne peuvent accélérer les cerveaux lents, qu'on se le dise tant qu'on est à jeun. Bref. Qu'ils s'en aillent tous, on veut des nouveaux visages, tel était le message subliminal de notre dernière couverture de Cannes. Il a été reçu, merci de nous remercier. Et cette année alors, comment se présente la 72ème édition du plus prestigieux festival international des films et des industries du cinéma ? Ici à l'ombre des palmiers de la Croisette le slogan qu'" ils s'en aillent tous " est obsolète. La casa Cannes tient bon, ce sont certes toujours les mêmes qui sont en haut des marches mais on les aime. Quelques exemples. Les frères Dardenne reviennent avec leur nouveau film qui a pour titre " Le jeune Ahmed ", cette fois la Rosetta est un adolescent belge d'origine maghrébine " radicalisé " comme ils disent. Pedro Almodovar propose " Douleur et Gloire ", son 21e film, qu'on annonce comme le plus introspectif de toute son oeuvre. Au programme également quatre heures de Mektoub d'Abdellatif Kechiche et un Il était une fois Hollywood de Tarantino, 25 ans après sa Pulp d'Or Fiction. Comme quoi les Revenants reviennent, c'est d'ailleurs tout ce qu'ils savent faire. Arnaud Desplechin encore, Xavier Dolan ainecoore, Marco Bellochio encora, Terrence Malick again and again. Ce n'est pas pour rien que Jim Jarmusch a ouvert le bal avec un film de vampires : " The dead don't die ", les morts ne meurent pas ! A ce propos, saluons le retour du Palestinien errant Elia Suleiman avec " It must be heaven ", quand Ken Loach nous propose un " Sorry we missed you " ... Rien qu'aux titres on aurait deviné les noms des deux auteurs. Derrière le programme alléchant de la compétition officielle 2019, les lecteurs bilingues vifs et politisés auront relevé et pigé les importants nouveaux messages codés de la Momie. D'autres instructions, conseils et mises en garde suivront au fil de ces jours de doute et nuits de destin. Si vous n'avez rien saisi rien pigé, c'est simple : vous ne nous méritez pas- comme le disait fort à propos le vieux Ziza d'Oujda qui nous manque déjà. |
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