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J'avais dans le
passé (1992) fait un article dans la presse nationale sur la crise algérienne
que j'ai présentée en 5 actes comme une pièce de théâtre.
Quelques temps après, certainement par pure coïncidence, ou bien parce que je portais le nom d'un grand patriote de la guerre de libération, je fus convoqué à Jnane El Mithak auprès du Premier ministre pour qu'on me propose un portefeuille ministériel sous la présidence du regretté Mohamed Boudiaf qui n'a tenu que quelques mois car lâchement assassiné après avoir pointé du doigt la mafia politico-financière. On n'aurait connu ni la décennie noire, ni cette crise si on l'avait bien protégé et bien conseillé ; que de temps perdu..., et que de pertes. J'avais à l'époque décliné l'offre bien que Mohamed Boudiaf fut un grand ami de lutte de mon défunt père et qu'il avait envoyé un message de condoléances depuis Kénitra au décès de mon père en juin 1990. En fait j'avais expliqué au Premier ministre qu'il ne fallait pas se tromper et je ne suis pas l'héritier du militantisme et de l'engagement politique de mon père SOUIAH Haouari. Le peuple est le seul héritier de l'action de celles et de ceux qui se sont battus pour que l'Algérie retrouve son indépendance. Rien ne doit se transmettre par les filiations, les alliances familiales ou d'intérêts dans les responsabilités politiques au risque de dévoyer le système politique en place. En réalité, j'avais expliqué que j'étais enseignant-chercheur à l'Université d'Oran et que je ne me voyais que difficilement en haut de l'affiche uniquement parce que j'étais le fils de... A l'époque, je nourrissais beaucoup d'espoirs sur l'arrivée du président Mohamed Boudiaf et que je reste toujours fier de l'action de mon père. 27 ans après, je formule de nouveau le souhait de participer au débat alors que l'Algérie vit une période cruciale qui va définitivement la propulser vers le développement et l'épanouissement dans un système démocratique garant des libertés où toutes les sensibilités politiques pourraient s'exprimer sinon le pays risque de sombrer dans le chaos si le pouvoir en place s'entête à se maintenir en usant de stratégies, de subterfuges ou de règlements de compte uniquement pour sauver ou protéger quelques représentants d'un système politique délinquant et qui est au bord de l'agonie. Peut-on conserver un même pouvoir politique pendant plus de 20 ans ? La réponse est NON et c'est ce qui explique le Hirak auquel adhère l'institution qui garantit l'intégrité de notre territoire national : l'Armée Nationale Populaire digne héritière de celle qui a libéré le pays par les armes : l'ALN. J'avais connu Abdelaziz BOUTEFLIKA quand j'avais 13 ans en juillet 1962 alors que mon défunt père était Préfet (Wali) de l'igamie d'Oran regroupant Oran, Aïn Témouchent et Sidi Bel Abbès jusqu'au Telagh. Il y avait toute une équipe autour de Ahmed Ben Bella et Boumédiène : Khémisti, Bouteflika, Boumaza, Mahsas, Si Djamel, Benhammouda, Boumenjel, Ahmed Francis, Colonel Othmane, etc... qui se préparait à dégommer le GPRA avec son Président Benyoucef Benkhedda. Je me souviens d'un Bouteflika jeune, toujours souriant, ayant des cheveux longs. Et je le retrouve encore au pouvoir alors que j'ai 70 ans, bien qu'il ait fait une traversée du désert de 1978 à 1998. On ne peut avoir une telle longévité en politique au risque de devenir un dictateur où être complètement démuni physiquement et mentalement, pris en otage par ceux qui, grâce aux alliances familiales et d'intérêts, ont usurpé ses prérogatives et gouvernent à sa place. Cet épisode, surtout au-delà du deuxième mandat, était intenable pour celles et ceux qui aiment ce pays et qui lui souhaitent des jours meilleurs. Le Hirak en est un parfait témoignage surtout lorsqu'il est pacifique et qu'il montre au monde entier le degré de responsabilité et de maturité de tout un peuple, qui pourtant a souffert pendant la guerre de libération et durant la décennie noire des années 1990. Quand on commence n travail de redressement on doit absolument le terminer si on veut rester dans l'Histoire de ce pays. Parmi les slogans scandés par le Hirak à travers toutes les wilayat algériennes on a relevé un qui était souvent scandé et avec insistance et que proclamaient femmes, hommes, jeunes et plus âgés: «Djeich wa chaab, khawa khawa», l'Armée et le peuple sont frères et c'est le même combat. Quel beau témoignage d'un peuple pour cette armée en laquelle il fonde ses espoirs, en attend la poursuite des actions entreprises et la remercie, par ce slogan, d'assurer et de maintenir le non recours à la violence pour un Hirak selmi. Il est donc nécessaire qu'elle soit au rendez-vous de l'Histoire et éviter ainsi le chaos. Si cette institution veut être légaliste et ne pas s'écarter d'une Constitution maintes fois corrigée, la solution a été livrée dans les colonnes de la presse algérienne par de nombreuses contributions de talents dont les auteurs sont soucieux d'une Algérie meilleure. Voilà une solution qui n'est pas la mienne et à laquelle j'adhère pleinement : au lieu de faire des dossiers de justice, commençons par mettre en place les institutions de notre pays. Dans la phase actuelle, les ISTN suffisent (Interdiction de Sortie du Territoire National) pour ceux et celles qui ont commis des actes répréhensibles. Une justice indépendante fera son travail plus tard à l'encontre de tous ceux qui ont dilapidé les deniers publics ou usé de leurs positions ou de leurs pouvoirs pour leurs intérêts personnels. Quelle est cette solution qui pourrait nous sortir de l'impasse sans dégâts tout en observant la Constitution eût-elle été plusieurs fois remaniée ? Commençons par le Conseil constitutionnel, il faut amener celui qui le préside et qui a récemment remplacé Belaiz de démissionner et nommer à sa place une personnalité en dehors de tout soupçon, soutenant le Hirak et qui n'a jamais eu de responsabilités politiques ou a été nommé pour de hautes fonctions sous la présidence de Bouteflika. Ensuite, il faut demander à Bensalah de démissionner car il relève de l'Alliance présidentielle et qu'il avait soutenu un 5ème mandat pourtant suicidaire, le Hirak le rejette et les partis actuels et de nombreuses personnalités ne répondent pas à son appel. Il n'a fait aucune déclaration au peuple et agit dans l'ombre. Devant cette situation et en respectant la Constitution, le nouveau président du Conseil constitutionnel devrait être investie de la fonction présidentielle pour préparer les élections. Il nommera un nouveau gouvernement de transition et l'équipe de Bédoui tombe car trop proche du système mis en place par Bouteflika. Certains ministres de Bedoui sont visiblement impliqués dans des affaires et sont mal accueillis à travers l'ensemble des wilayat algériennes. Cela ne peut continuer... Rebattre les cartes pour les partis politiques Il est évident que quelques partis émergeront du Hirak, ils devront représenter la majorité des électeurs de demain pour qu'il y ait un changement à la hauteur des revendications du peuple. Cependant le FLN et les partis de l'Alliance présidentielle devront revoir leurs copies car trop complices d'un système qui est devenu délinquant après le deuxième mandat présidentiel. Le FLN est le parti de libération national et de ce fait appartient à la mémoire de tout un peuple et non à ceux et celles qui l'utilisent pour gravir les échelons. Le FLN actuel devra opérer un «rebranding», un repositionnement profond et trouver un autre sigle pour concourir dans le jeu électoral prochain pour espérer une représentation politique. Les autres partis de l'Alliance présidentielle, dont certains ont implosé, doivent se restructurer profondément s'ils souhaitent avoir un quelconque rôle dans cette nouvelle Algérie. Les partis dont les agréments ont été refusés doivent bénéficier d'un réexamen de leurs demandes. Dans le jeu démocratique de demain, il est possible que certains partis affichent des convictions religieuses. Cependant il faut qu'ils respectent le jeu démocratique afin que leur rôle dans un Islam politique puisse être cité en exemple dans le monde entier car plus soucieux d'un projet politique, économique et social que de faire du contrôle social ou du prosélytisme religieux, surtout dans la situation internationale actuelle. Nous n'avons plus droit à l'erreur, l'Algérie et le monde musulman ont trop souffert des dégâts des mouvements extrémistes Quant au rôle du ministère des Affaires religieuses et des Wakfs dans les nouvelles institutions, il faut saluer l'encadrement assuré dans les mosquées et la formation des imams comme le maintien de cette vigilance dans les tentatives de financement depuis l'extérieur. Cependant il est souhaitable d'élargir le rôle de la mosquée à des fonctions plus sociales et culturelles. Ceci me rappelle un fait que j'ai vécu avec mon défunt père. Un jour, dans les années 1985, mon père m'avait demandé d'assister à une réunion dans la mosquée qu'il présidait à Eckmühl, un quartier d'Oran où il était né. Les membres de la communauté de la mosquée formaient une ronde. Mon père a pris la parole en sa qualité de président « Je vous présente mon fils Souiah Sid-Ahmed, professeur à l'université d'Oran, et je lui demande de nous aider dans un projet pour la nouvelle mosquée qui jouxte le Patronage d'obédience chrétienne et qui encourageait le sport dans le quartier et les activités culturelles». Les membres du comité de la Mosquée ont demandé «c'est quoi ce projet ?». Mon père développe son idée «Je souhaite que ce lieu ne soit pas uniquement un lieu de prière, mais un véritable équipement de quartier avec une bibliothèque, une salle informatique, etc. pour les jeunes du quartier». L'assistance a donné sa sentence «Nous, ne sommes pas d'accord avec ce projet». Mon père furieux, surtout qu'il avait participé au mouvement de l'Islah durant la période coloniale et la mise en place des médersas en Algérie, s'est adressé à moi : «Tu vois mon fils, ces gens-là n'ont rien compris à l'Islam..., partons». La Mosquée ne doit pas être un simple lieu de prédication mais doit avoir un rôle social, un véritable équipement de quartier et développer des activités sportives et culturelles ouvertes sur le monde. Bien préparer les futures élections présidentielles Prenons le temps de bien préparer les élections présidentielles et prolongeons les préparatifs au-delà du 4 juillet dans la mesure où plusieurs points doivent être réglés pour réussir la deuxième république algérienne : - Revoir le fichier électoral car confié à une commission nommée par Bouteflika ou ceux qui décidaient à sa place et dont les membres étaient acquis au 5ème mandat, profitant du confort et des largesses du système. - Restructuration des partis politiques - Donner le temps aux partis de choisir leurs représentants aux élections et réunir les soutiens exigés - Permettre une véritable campagne électorale pour les présidentielles Le gouvernement de transition sera en mesure de prendre en charge les affaires courantes jusqu'à l'échéance électorale. Un nouveau gouvernement s'occupera du renouvellement des deux chambres (Parlement et Conseil de la Nation) sitôt les élections présidentielles achevées. Un débat autour de la Constitution doit avoir lieu. Voilà donc l'issue tant réclamée par le Hirak et qui attend l'accompagnement de la vaillante Armée Nationale Populaire, qui ne souhaite certainement pas rater ce rendez-vous de l'Histoire puisqu'elle a déjà commencé à faire le travail de redressement que la jeunesse et le peuple algérien espèrent. *Enseignant-chercheur, Université d'Oran 2 Mohamed Ben Ahmed |
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