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On aurait dû commencer par la fin: pour faire la critique d'un film il est vivement
conseillé d'aller le voir avant. Ce qui était encore logique hier (à l'époque
de mon époque) n'est franchement plus évident au jour d'aujourd'hui (on
utilisait aussi ce genre d'expression jadis et autrefois au jour d'aujourd'hui
ça ne le fait plus). Il arrive que pour de raisons plus ou moins avouables
qu'on loupe le seul film qu'il ne fallait surtout pas rater. Qu'est-ce qu'on
fait après, voilà la question, voilà le dilemme ! Qu'est-ce qu'on fait ? On se
débrouille comme on peut. L'idée est de ne pas tricher. Ne pas avouer
complètement qu'on s'est planté mais ne pas recopier ici ou là des avis pour en
faire un mix indigeste qui ne trompera personne sinon peut-être ceux qui ne
lisent pas les critiques.
Prenons un exemple concret mais sans citer de nom, sans en faire une affaire personnelle. Prenez un envoyé spécial d'un quotidien de l'Ouest algérien connu pour avoir hébergé les meilleures plumes du pays - le Quotidien pas l'envoyé, n'exagérons pas- et connu aussi accessoirement pour son site le plus moche de tous les sites d'information. Prenez-le tel qu'il est. Pour des raisons qui lui appartiennent il n'a pas vu le seul film qu'il aurait dû voir en priorité. Samouni Road de l'Italien Stefano Savona projeté à la Quinzaine des Réalisateurs. Filmé à Gaza après un des massacres que l'armée israélienne lance avec des intitulés pour parfaire sa communication, «Plomb durci» ici en l'occurrence, l'archéologue de formation spécialiste du monde arabe et déjà auteur d'un excellent documentaire Tahrir, place de la libération, filme une famille ghazaouie (les Samouni) décimée par les bombardements. Le réalisateur filme ce qu'il reste de la famille en deux temps: tout de suite après les massacres et un an après alors qu'un mariage se prépare au sein de ce qui reste des Samouni. La question que pose le réalisateur italien est de savoir comment dans de telles conditions se construit une mémoire familiale. Le lendemain de la projection toute la presse internationale a salué le film. On peut lire surtout que Samouni Road a été remarqué pour avoir mêlé des prises de vues réelles avec de l'animation de style crayonné- traits blancs sur fond noir, pour évoquer les souvenirs d'avant l'attaque, autant dire d'un monde détruit qui appartient aux ruines du passé. A défaut de parler du film qu'on n'a pas vu, on peut retenir ce détail et glisser avec le lecteur vers un autre sujet, plus général, genre «les grosses tendances du moment». Par exemple pour lui faire remarquer que ce procédé qui consiste à mêler animation et prises réelles a tendance à se propager, pas moins de quatre films y ont eu recours parmi ceux vus à Cannes, dont le très cool et inquiétant Under the Silver Lake de l'Américain à la mode David Robert Mitchell, film vu et qu'on pourra donc commenter en s'éloignant du sujet principal. Le lecteur il nous suit, il n'a pas le choix en attendant le f'tour. On peut même enchaîner sur l'autre tendance du moment, l'introduction de moments en 3D dans un film classique comme le très beau, très long et néanmoins très chiant film «Le poirier sauvage» du Turc Nuri Blidge thé Ceylan qui nous a achevé avant de clore la compétition officielle de Cannes 2018. |
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