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L’objectif de la conférence était de tirer la sonnette d’alarme et de sensibiliser sur les dangers du mariage consanguin dont les conséquences sont désastreuses de par: la gravité des pathologies dont sont atteints les enfants issus des mariages consanguins, maladies souvent incurables, les handicaps physiques et/ou mentaux graves, le coût élevé de la prise en charge par l’Etat et la famille ainsi que par l’impact douloureux à vie sur les familles et la société. On dénombre environ 6.000 maladies génétiques dans le monde (http:/www.agence-biomedecine.fr). La consanguinité produit aussi des débiles mentaux et il existe aussi un faciès consanguin car la consanguinité se lit sur le visage et défavorise socialement la personne atteinte et particulièrement la femme. Le mariage consanguin est un pari sexuel dangereux (roulette russe humaine) des cousins-cousines, sur l’avenir de leurs enfants. Comment peut-on jouer avec la vie future de ses enfants innocents ? Nous les professionnels de la santé, sommes coupables de non-assistance à personne en danger vital, pour absence ou insuffisance d’information et de sensibilisation. En guise d’avertissement, le Dr Fethi Benachenhou, notre célèbre médecin médiatique, disait à la radio: «Les parents cousins jouent, avec l’ADN, véritable puce génétique, l’avenir des générations futures». Le drame de certaines formes d’handicaps est signalé par le Pr M’hamed Benredouane, professeur de médecine et ancien ministre des Affaires religieuses qui alerte sur la «Prise en charge à vie de l’enfant handicapé lourd, particulièrement par la mère qui devient une esclave à vie». C’est la pire des condamnations à perpétuité pour les parents en difficulté sociale et surtout la mère, souvent abandonnée par son mari et même par ses propres parents. Situation dramatique dans les familles pauvres sans moyens financiers et matériels, qui vivent le calvaire quotidien 24h/24h et qui lancent des appels désespérés à travers les TV. Le problème de la prise en charge financière des handicapés se pose moins pour les riches ou les puissants, comme cet ancien ministre de la Santé, consanguin, qui, pendant son exercice, avait placé ou abandonné ses enfants handicapés incurables, dans une institution en Suisse… aux frais de l’Etat… Et il n’est pas le seul. La prise en charge à l’étranger n’est pas une solution car, malheureusement, les maladies héréditaires sont souvent incurables. La Sécurité sociale serait bien inspirée d’ouvrir le dossier des handicapés pris en charge à l’étranger parfois pendant des années dans des institutions de «rééducation» et de rapatrier les cas incurables non opérables, éloignés et abandonnés par leurs parents qui sont souvent des privilégiés. En Algérie, selon l’enquête MICS4 2012-2013 ministère de la Santé/ONU (Unicef/FNUAP): «Les facteurs congénitaux et/ou héréditaires sont à l’origine de 40% des déficiences. Par sexe, le facteur congénital et/ou héréditaire est plus rencontré chez les femmes (45%) que chez les hommes (36%)». En Algérie, les mariages consanguins sont, depuis l’antiquité, célébrés dans toutes les régions d’Algérie et dans toutes les couches sociales quoique les puissants (les politiques et les riches) pratiquent une autre forme de «consanguinité», celle du pouvoir et de l’argent. Les champions consanguins d’Algérie sont les millions de Kabyles et en seconde position, les dizaines de milliers de Mozabites car ils pratiquent volontairement, depuis des siècles, une double pathologie: l’endogamie ethnique (mariage Kbayli-Kbaylia et Mzabi-Mzabia) et le mariage cousin-cousine. Ce particularisme du mariage est pratiqué par les Kabyles et les Mozabites dans toutes les régions d’Algérie, même s’ils y vivent depuis des siècles ainsi qu’à l’étranger (Europe, surtout France et ailleurs, Canada, USA...). Da l’Hocine Aït Ahmed avait critiqué les annonces matrimoniales «KK» et dénoncé le mariage ethnique. Les 7 causes principales du mariage consanguin: 1/ Tribalisme ethnique, tribal et consanguin. 2/ Héritage, particulièrement en milieu rural et nomade. 3/ Crise du logement et chômage, car il est plus facile d’intégrer une femme ou un homme de la famille. 4/ Prévention contre le divorce, plus difficile dans la grande famille où le couple se soumet à la loi du clan. 5/ Prévention contre le célibat, particulièrement des femmes, véritable hantise des familles. 6/ Prévention contre l’émigration des hommes à l’intérieur et à l’extérieur du pays, on parle de le ligoter (Rbit) par le mariage et à une cousine, c’est plus facile. 7/ Souk des femmes - Souk Nsa, où la surenchère de la dot est devenue un sport national pratiqué par les mama marieuses algériennes, les hommes étant pour la forme (khodra foq a3cha). Le mariage consanguin, souvent mariage du pauvre zawali, est devenu un mariage de raison où souvent les familles pratiquent le troc «je te donne ma fille, tu me donnes ta fille». Le mariage cousin-cousine peut être aussi une promesse des parents depuis l’enfance de leurs progénitures ou simplement un mariage d’amour. En Algérie, le certificat médical prénuptial est une simple formalité administrative car dans la réalité, il n’existe pas de centre de diagnostic génétique. Le décret exécutif du 11 mai 2006, établi en application des dispositions de l’article 7 bis de la loi 84-11 du 9 juin 1984 portant code de la famille, dans son article 4, stipule: «L’examen peut porter sur les antécédents héréditaires et familiaux, afin de dépister les tares et/ou certaines prédispositions morbides; en outre, le médecin peut conseiller des tests de dépistage de certaines maladies pouvant être transmises à la descendance». Le Pr Meriem Tazir, directrice du laboratoire neurosciences de l’université d’Alger et chef de service de neurologie à l’hôpital Mustapha Bacha, avait lancé en 2015 «Un appel à la création d’un Centre national de diagnostic moléculaire des maladies génétiques d’autant plus que les généticiens sont disponibles et travaillent avec les cliniciens» et déclare que «Plus de 80% des pathologies neurologiques sont provoquées par des gènes héréditaires» et «les familles sont demandeuses de diagnostics génétiques par des envois onéreux aux laboratoires étrangers par des laboratoires algériens» (in El Watan du 29 novembre 2015). En Algérie, le dépistage prénatal des maladies génétiques n’existe pas et la loi interdit l’avortement thérapeutique même en cas de danger sur l’enfant (article 304 du code pénal), alors que la loi sanitaire n° 85-05 du 16 février 1985 prévoit dans son article 69 «De dépister les affections «in-utéro» et d’assurer la santé et le développement de l’enfant à naître». Loi paradoxale qui oublie la vie de l’enfant en danger, dans son article 72 «L’avortement dans un but thérapeutique est considéré comme une mesure indispensable pour sauver la vie de la mère du danger, ou préserver son équilibre physiologique et mental gravement menacé». Le projet de loi 2016 relative à la Santé reste flou, car tout en «visant à réduire ou à éliminer les risques sanitaires, qu’ils soient d’origine héréditaire» (article 29) «En vue de dépister et d’éviter les affections héréditaires et/ou transmissibles ainsi que les maladies chroniques et les handicaps, les futurs époux doivent subir, obligatoirement, des examens et analyses médicaux prénuptiaux» (article 76). «Le diagnostic prénatal peut être pratiqué en vue de détecter, in-utéro, chez l’embryon ou le fœtus, une affection d’une particulière gravité» (article 79). Dans son article 80 «Lorsqu’il y a une forte probabilité d’un handicap sévère du nouveau-né à venir» et article 81: «Lorsque les affections dépistées par le diagnostic prénatal attestent, avec certitude, que l’embryon ou le fœtus est atteint d’une maladie ou d’une malformation grave ne permettant pas son développement viable, le médecin doit en informer le couple et entreprendre avec son consentement, toute mesure médicale thérapeutique». «Toutefois, lorsque la vie de la mère est en danger, les médecins spécialistes concernés peuvent décider de l’interruption de la grossesse» et article 82 «Devant un risque majeur pour la vie de la mère et du fœtus, les médecins spécialistes concernés sont tenus également de prendre les décisions médicales thérapeutiques appropriées». Article 83: «L’interruption thérapeutique de grossesse ne peut s’effectuer que dans les établissements publics hospitaliers». Pourquoi cette discrimination ? Alors que la médecine privée représente 50% des activités médicales en Algérie. En fait le projet de loi 2016 relative à la Santé dans ses articles 80, 81, 82 et 83 recommande, sans le dire explicitement, l’avortement thérapeutique, en cas de danger grave pour le fœtus. La loi sur l’avortement thérapeutique doit être énoncée clairement afin que les députés comprennent et adhèrent à cette avancée préventive de santé publique et doit concerner le danger pour l’enfant comme pour la mère. Les classes aisées n’ont pas besoin de loi car ils peuvent la contourner ici en Algérie ou à l’étranger (Tunisie, France, où l’avortement est libre). La prévention doit protéger les familles modestes. Recommandations: Le risque d’impacter l’avenir sanitaire de notre population est grand, il devient crucial de coordonner tous les efforts et d’œuvrer en complémentarité, notamment les 17 ministères concernés: Intérieur et Collectivités locales: rôle des APC dans le recueil d’informations sur la parenté des époux (question: êtes-vous cousins ? Réponse enregistrée au niveau du registre du mariage). Cette information doit être transmise à l’Office national des statistiques. Solidarité nationale, Santé, Recherche scientifique, Travail et Sécurité sociale: Création de centres de diagnostic des maladies génétiques. Consultation prénuptiale en direction des couples. Prise en charge médico-sociale et financière des handicapés et de leurs familles nécessiteuses. Financement par l’Etat et les Caisses de sécurité sociale. Solidarité nationale: madame Nouria Meslem, ministre de la Solidarité, a été 1er responsable officiel à alerter les pouvoirs publics et l’opinion publique sur le fléau du mariage consanguin en Algérie. Un décret sur la prévention du handicap, initié par le ministère de la Solidarité nationale, en accord avec le ministère de la Santé est en cours de publication au Journal officiel. Campagne de sensibilisation à lancer durant le Ramadhan 2017 (période idéale) qui doit être décrétée cause d’utilité publique. Langues de communication: Derja, Kbaylia, Chaouïa, Mzabia, Terguia et Zenatia. Education nationale: pour une prévention la plus efficace (Reflexe de Pavlov), introduire dans les manuels scolaires, une simple phrase avec un dessin, afin d’inculquer aux élèves la notion du danger de la consanguinité et la préservation des générations futures. Madame Nouria Benghebrit, ministre de l’Education nationale et illustre spécialiste en anthropologie sociale, y souscrira logiquement car la vulgarisation de la prévention sanitaire commence à l’enfance. Justice et Parlement: loi sur l’avortement thérapeutique en cas de danger grave pour la mère et l’enfant. Affaires religieuses: rôle important des prêches religieux à la TV et dans les moquées, des imams et des mourchidate. Communication/Poste et Technologies de l’information et de la communication: la campagne de sensibilisation doit être déclarée d’utilité publique, donc gratuité de diffusion sur tous les médias y compris le téléphone mobile et le chèque CCP. Défense nationale: participation de la Santé militaire aux actions de sensibilisation et de prévention. Prévention dans les recrutements y compris dans les écoles de cadets. Jeunesse, Formation professionnelle, Enseignement supérieur: la sensibilisation doit toucher nos jeunes dans tous les secteurs d’enseignement et de formation. Agriculture: le monde rural est concerné en premier lieu par le mariage consanguin. Les instituts agricoles et les assurances agricoles ont un rôle à jouer dans la sensibilisation des ruraux et particulièrement des bédouins. Culture, Environnement: le mariage consanguin étant ancré dans notre culture et notre environnement, ces 2 secteurs doivent être impliqués dans la sensibilisation des Algériens, par le théâtre, les sketches TV et radio, le cinéma et d’une manière générale pour un «La préservation de l’environnement, clé de bien-être public et de bonheur social», tel est le thème du Prix du Président de la République du Journalisme professionnel 2017. Partis politiques: mobilisation de leurs élus pour apporter leur concours aux initiatives des pouvoirs publics. Associations, syndicats, mutuelles, entreprises: rôle de sensibilisation et de soutien aux actions publiques Tous concernés par la sensibilisation et la prévention sur les risques liés aux mariages consanguins. Programme d’action à mener d’urgence dans l’intérêt suprême de la Santé publique. N.B. : Conférence du 15 mai 2017 à la Bibliothèque nationale d’Algérie *Directeur de la revue médicale Diagnostic et auteur du livre à paraître: La Sexualité des Algériens de l’Antiquité à nos jours |
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