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Le quotidien est
triste à en pleurer en cette fin de campagne électorale. Trois semaines durant,
les gesticulations politiciennes n'ont pas été à même de masquer les ambitions
démesurées des nouveaux aspirants aux fauteuils moelleux.
La parenthèse se ferme enfin sur cette épouvantable kermesse. Les chants, les danses, les youyous accompagnant cette folle agitation dont les slogans ont frisé l'obscénité, vont céder la place aux sourires figés en attendant de prochaines illusions. Les masques des puissants et des démagogues vont retomber. Le peuple, soudainement visible, un instant courtisé, va retrouver son maussade quotidien. L'espace d'un instant, bercés d'illusions, les citoyens ont cru que leurs avis comptaient, qu'ils avaient droit au respect, à la prospérité et peut-être au bonheur. Injonction leur était faite de se rendre aux urnes pour perpétuer le mal endémique et faire prospérer l'opportunisme qui ronge notre société. «Une enveloppe dans l'urne constitue un rempart contre tous les dangers qui guettent notre pays», leur disait-on? On voudrait bien sortir de ces arcanes putrescents, mais l'actualité nous poursuit sans relâche. On voudrait bien ne plus consulter les médias dont les messages nous révulsent, mais ces derniers s'imposent à nous, nous harcèlent et nous obligent à observer, impuissants, le spectacle navrant d'un pays qui se perd à vau-l'eau. Au terme de chaque consultation électorale, le même paradigme refait surface alors que nul ne croit aux sornettes des amuseurs qui pointent du doigt d'imaginaires ennemis qui menacent le pays. Alors que l'être humain est avili (et les femmes bien plus que les hommes), que les droits élémentaires sont bafoués, que les pratiques déviantes progressent au grand jour avivant les inquiétudes et semant l'effroi, combien de grandes connivences, combien de petites lâchetés sont soigneusement masquées ? Combien de scandales politico-économiques sont étouffés dans l'œuf ? Et comme si tous les maux multiples (Etat de droit en désagrégation, activité économique en stand-by, inflation du dinar, érosion du pouvoir d'achat, chômage?) ne suffisaient pas, les saigneurs de l'Algérie, véritables adversaires du peuple, poursuivent en toute impunité leur emprise sur une population asphyxiée par strangulation qui s'enfonce chaque jour un peu plus dans le mutisme et le désespoir. Ces gestes de folie impunis, qui détruisent le pays, ont fini par transformer le rêve des Algériens en cauchemar collectif. Que peut-il bien se passer dans la tête de ceux qui, consciemment et délibérément, attisent les haines et la discorde après avoir entretenu le chaos à seule fin de se perpétuer et de prospérer, eux et leurs progénitures ? Est-il normal d'absoudre de leurs fautes les prédateurs qui, sans gêne aucune, attisent les peurs dont ils ont besoin pour masquer leurs délits ? L'indicateur du climat politique est toujours en berne. Les années passent et rien n'a fondamentalement changé, ou presque, dans les mœurs politiques. Lorsque la fureur politique est à son paroxysme et que les passions s'exacerbent, lorsque l'esprit d'intolérance s'enracine et que les luttes entre appareils se font plus violentes et plus ardentes, cela veut dire que la campagne électorale bat son plein. Il ne faut surtout pas chercher une cohérence à toutes les manœuvres politiques actuelles, où redresseurs et redressés se donnent en spectacle. En décillant les yeux on se rend bien compte que les dés sont pipés et que le jeu, qui ne brille ni par sa transparence ni par sa cohérence, c'est ailleurs qu'il se poursuit, loin des cancans des quidams de toutes espèces et de la canicule politique. A la veille du 55 e anniversaire de l'indépendance, l'indicateur du climat politique est toujours en chute et la cote de confiance toujours en baisse, selon le baromètre social. Aucun signal clair de reprise, aucune bonne nouvelle réconfortante depuis des lustres. Difficile donc de comprendre un jeu qui se complexifie de plus en plus dans les méandres des institutions. L'exemple à étudier est celui de la métamorphose du noble FLN historique en parti rouillé et miné par ses dissensions internes avec des Flnistes en pleine déconfiture qui tournent casaque à chaque échéance électorale ! Autre spectacle navrant, celui des Rndistes insubmersibles qui s'agrippent lamentablement au pouvoir, ou encore celui des Mspistes effrayants et des Péteïstes adeptes de patinage artistique entre le pouvoir et sa périphérie. En fait, tout ce monde appartient à la même famille décomposée sur l'échiquier politique. Sur la quarantaine de partis en lice, pour la plupart nés prématurément, et sur les dizaines de milliers de candidats en mal de trône ou de strapontins, combien auront le vent en poupe ? La bataille ou plutôt les transactions n'ont pas été de tout repos. Aux badineries entre clans se sont succédé les mots qui fâchent, les remarques tranchantes comme un scalpel, les réparties cruelles qui cinglent fort, les coups fourrés aux endroits sensibles et les attaques odieuses entre faux frères. Derrière ce tonitruant et insidieux tohu-bohu politicien, ne se cacherait-il pas une volonté délibérée de créer le chaos, «salvateur» pour certains, la régression, «féconde» pour d'autres ? Les véritables ennemis du président sont-ils ceux que l'on croit, ou ceux que l'on s'évertue à faire croire ? Ne sont-ils pas tout simplement les khobzistes insatiables et les prédateurs coriaces qui gravitent autour du cercle présidentiel, afin de se remplir encore plus les poches. L'Etat, qui s'est avéré mauvais stratège, persiste et signe pour perdurer. Ministres, sénateurs, députés, maires, walis et conseillers de tout poil s'agitent, tels des cabris de poste en poste, comme dans une ruche inquiétée, balisant le terrain pour de nouvelles épreuves en s'appliquant à respecter à la lettre la «feuille de route» tracée en haut lieu, sans même s'interroger sur sa clarté. Les manœuvriers se déclarent toujours prêts à faire sortir les tambourineurs de leur léthargie. On les a vus, sur le petit écran, surgir de partout, satisfaits d'eux-mêmes, moralisateurs, distillant avec force un argumentaire alambiqué. Le résultat de tout ce branle-bas de combat, de tout ce remue-méninge, de toutes ces gesticulations politiciennes est malheureusement bien connu : des servitudes plus lourdes et plus inflexibles que les précédentes. Assignés à résidence, interdits d'émettre des sons dissonants, impuissants face à une fin de règne qui joue les prolongations, les citoyens redoutent le pire qui les assaille déjà. Tout cela ne peut que susciter révulsion et aversion à l'égard du monde politique. Quand la vérité arrivera-t-elle à imposer ses règles ? L'heure est certes grave pour ceux qui refusent de ployer l'échine. Mais elle l'est aussi pour celui qui refuse de mendier un bout d'exil, de craquer l'allumette de la flamme du désespoir ou de finir au fond des mers. Malheureusement, le bilan qui tourne au fiasco ne semble émouvoir personne, tout comme le nihilisme qui éclabousse encore de ses soubresauts sanglants. On aurait tort de ne pas se soucier des signes avant-coureurs qui témoignent de la montée bien réelle des périls et qui donnent tout leur sens à nos lancinantes interrogations. Dans les antres feutrés, les véritables maîtres du pays observent, à l'abri des regards indiscrets, les saigneurs qui fourbissent leurs armes et entraînent leurs pitbulls menaçants. Comment un pays qui dispose de tant d'atouts en est arrivé là ? Riche de son pétrole mais aussi de son histoire, de sa culture, de sa diversité, de ses traditions, de ses habitants et de sa jeunesse, le voilà au bord de la déliquescence, du spectre de l'effroi qui dessine ses contours. Humiliés, meurtris et brutalisés par des génies malfaisants, les citoyens assistent impuissants à la hausse vertigineuse des prix, à l'accroissement de la délinquance et la grande criminalité économique fleurir tapies à l'ombre du pouvoir. Cela dit, l'Algérie n'est guère à l'abri d'un arbitraire, d'une tyrannie ou d'un totalitarisme encore plus affirmé. Le drame des citoyens est qu'ils ont cru que la liberté obtenue en 1962 serait éternelle. Ils ne se mobilisent que lorsque le porte-monnaie se fait léger, ce qu'a très bien compris le pouvoir dont la tâche première, la tâche régalienne est d'assurer la sécurité pour tous et non seulement pour les nantis du système. Aujourd'hui, il n'est plus question de filouteries mais de corruption généralisée avec un grand «C». Cette dernière n'a pas changé de style et ne cherche même plus à dissimuler ses nasses. La différence avec hier est que le pillage des ressources, par la manipulation, la violence ou par la terreur, se poursuit aujourd'hui à un rythme effréné. Aux friponneries des courtisans et des notables politiques, a succédé la corruption à l'ombre de l'Etat. Ses flammes investissent les plus hautes sphères de l'administration en dévastant tout sur leur passage. Les dégâts causés sont impressionnants : des milliards sont partis en fumée, d'autres suivront. Squatté par d'habiles manœuvriers politiques aux pulsions suicidaires et au parcours sinueux, le pays ne semble pas prêt à mettre un terme aux crises qui se succèdent. Au contraire, la religiosité remplace le vrai islam et l'affairisme conforte ses positions autour d'un deal : «rebâtir» le pays sur la rapine et le pillage des ressources. Un pacte d'amitié et d'assistance mutuelle scelle désormais les vautours, francs-tireurs ou tireurs aux flancs qui savent bien qu'en cas d'échec, ils sauveront comme toujours leur tête. Qui nous dira le montant de l'argent public dilapidé dans les gouffres de l'inconscience des dirigeants ? Qui nous expliquera pourquoi les auteurs de délits aussi énormes que ceux de ces dernières années ne sont pas inquiétés par la justice ? Comment expliquer que l'onde de choc des scandales a fait long feu? Les «pestiférés», ceux que l'on cloue au pilori, ce sont ceux qui les dénoncent et qui dévoilent au grand jour l'incurie et la déliquescence. Au centre des tumultes : le journaliste, le pompier plus facile à cibler que le pyromane. L'inquiétude et le pessimisme sont grands, face au refus ou à l'incapacité du pouvoir politique de mettre fin à toutes les dérives. Il ne faut pas oublier que sur le chemin qui mène aux urnes, se trouve le marché où les prix flambent, la rue où l'insécurité s'accroît et où les cris de liberté sont étouffés et où les rêves sont trahis. |
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