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A mi-chemin de
cette 69ème édition de Cannes, deux thèmes se dégagent. D'abord les méfaits de
l'ultralibéralisme diversement traités dans les premiers films projetés.
Ensuite, et la tendance se confirme depuis deux jours, le fameux et inépuisable
thème de l'impossible quête de la spiritualité.
Dans le beau film de Jim Jarmusch, «Paterson», en compétition officielle, la question existentielle est au centre de son propos et il ne s'aventure pas à donner des explications là où il n'y a que des questionnements. Comment donner du sens à sa vie ? Paterson c'est le prénom du héros principal du film, et Paterson c'est aussi le nom du petit bled de New Jersey où il vit. Paterson, chauffeur de bus vit sans se plaindre d'amour (sa copine est belle : Golshifteh Farahani), de bière fraiche, et de poésie. Son héros, c'est le poète William Carlos William, célèbre pour son recueil de poèmes intitulé Paterson. Vous suivez toujours ? Personnage, lieu, œuvre se confondent comme les 7 jours de la semaine dans la vie de Paterson. Le film ne nous propose que cela, partager une semaine dans la vie sans histoires de cet homme qui pourrait être n'importe qui d'autre. Sa vie n'est qu'une répétition de tâches précises : se réveiller le matin à 6H10, aller conduire son bus, rentrer retrouver sa femme, sortir le chien et aller prendre une bière, toujours dans le même bar fréquenté par les mêmes clients du quartier, et à chaque fois que possible, écrire des poèmes. Ecrire des poèmes ou faire sa prière, c'est le même rituel nous suggère avec grâce le réalisateur de 63 ans. Qu'est-ce qui a agacé les festivaliers qui ont sifflé le film ? Le fait qu'il ne se passe rien ? C'est tout le sujet du film, le vide. Ce vide comment le remplir ? Cette routine subie et parfois sublimée qu'est la vie de tous les jours, quels sens lui donner ? A la question existentielle qui nous angoisse tant, chacun choisit son chemin, ses textes sacrés et les rituels qui vont avec. Paterson de Paterson en hommage à Paterson a opté lui pour la poésie, faute de mieux, tout en se demandant si c'est la bonne matière pour accepter la fatalité de nos existences éphémères. Ce doute affiché en permanence par l'excellent Adam Driver rend cet hypnotisant film encore plus envoûtant que les derniers opus du maître new-yorkais. De la même génération que Jarmusch, l'Espagnol Pedro Almodovar avec son dernier mélo «Julieta» pose la question autrement. Alors que la fille de l'héroïne principale va devenir fanatique en optant pour une secte religieuse des plus stricte, le film a l'intelligence de laisser cette histoire-là justement hors-champ, pour tenter de répondre à l'impossible question, quelle autre alternative à la religion pour supporter la vie telle qu'elle s'impose à nous avec son lot de désolations et son cruel mystère ? Enfin, hors-compétition, il faut saluer comme il se doit le lumineux western soufi d'Olivier Laxe «Mimosas» qui suit, dans le Haut-Atlas marocain, un groupe de cavaliers accompagnant un cheikh à sa dernière demeure. Peut-on se rapprocher du Grand Mystère avec le cinéma ? Ce film spirituel à défaut de nous proposer des réponses nous invite a relativiser les tourments développés par les deux premiers films. Et si après tout le mystère de la vie n'était pas si cruel que ça. Et si la mort n'était qu'une manière d'achever un poème avant de passer à un autre ? Du coup, les prophètes de la politique qui viennent à Cannes pour délivrer leurs messages, qu'ils s'appellent Rachid Nekkaz, Jean-Luc Melanchon ou Bernard Henri Levy, on n'a vraiment pas eu envie de les rencontrer. # Alaâ Mentag. |
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