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Le Palmarès sera proclamé ce soir et le jury présidé par les Frères Coen va comme d'habitude déjouer tous les pronostics. Voici le temps des bilans de l'édition 2015 et des adieux émouvants de l'envoyé spécial à Cannes. C'est l'heure de trier la paperasse (dossiers de presse, prospectus, revues) et de boucler ses valises en essayant de ne pas mélanger le linge sale (qui ne se lave qu'en famille) et le linge propre (que je n'ai même pas eu le temps de porter). Bref, c'est la fin des asticots. Quand le palmarès sera proclamé ce soir (19h, heure DZ) l'envoyé spécial du Quotidien d'Oran sera déjà loin, sans doute en train de roupiller dans le train qui l'éloignera à jamais de la côte d'Azour (comme disent les Libanais). Pour lui, Cannes c'est fini. Comme jadis Capri ou Tizi... (Bougie, aussi, je ne crois pas que j'y retournerai un jour)... Mais en ce moment mettons un peu d'ordre dans ce gigantesque gourbi. Tiens toutes ces cartes de visite glanées ici et là, bien sûr impossible de remettre une tête à chaque nom. Poubelle. Et les dossiers de presse des films qu'il fallait absolument rattraper en séance de secours : «Aka» du Malien Souleymane Cissé, « Cemetery of Splendour» du Thaï hypnotique Apichatpong Werasethakul, les trois volets des « Mille et Une nuits » de Miguel Gomes le réalisateur portugais qui ausculte son pays en crise en s'inspirant de la plus rusée des conteuses orientales. Pas vus, pas eu de temps, pas de regrets, tant pis : poubelle ! Ah, le petit de mot de menace signé O.H « Continue à te moquer de moi et je balance sur FB les photos de tes fins de soirées, misérable pervers de terre ». C'est qui O.H? Poubelle ! Woaw le mot gentil de Yann qui voit l'Algérie d'en haut « Merci pour le papier de ce matin il est très sympa? et fidèle ce qui n'est pas souvent le cas. A bientôt. Amitiés Yann Arthus Bertrand». Poubelle quand même. Et mince, le voilà le petit carnet à spirales avec plein de citations célèbres de gens très connus (à utiliser en début de chaque article pour faire bien dans le contexte éditorial local), carnet coincé entre deux emballages gluants de gras et des zestes de kebabs. Pouah, poubelle la vie ! Les souvenirs et les regrets y compris se ramassent à la poubelle, à part quelques flashs qui resteront gravés à jamais, ou peut-être pas. Chawki Amari en costume décontracté qui danse la salsa avec Nathalie Portman en faisant semblant de ne pas entendre Hind O qui hurle derrière les barrières « Fais-moi rentrer dans la fête». Safinez Bousbia qui donne une pièce de 2 euros à une mendiante roumaine qui «ressemblait tant à ma femme de ménage du Chenoua». Une espèce de paysan albanais introduit dans le pavillon de l'Aarc qui rameute tous les services de sécurité : « C'est le nouveau patron de l'Aarc? Vous en êtes sûr? ». Une scène sidérante lors de la géniale fête de clôture de la Quinzaine où, tenez-vous bien, Pharrell Willams qui danse comme un dieu sous le regard embué d'émotion de Hind O située à 27 cm pas plus de sa star. En plus mélo, on n'oubliera pas le regard inquiet d'une vieille dame au visage fripé mais vaguement familier, rencontrée dans un restaurant italien très moyen « Je suis Claudia Cardinale, et je suis invitée à Oran pour le Festival, est-ce bien payé? ». Un autre choc: une fille de joie de la triste Marrakech qui défie le royaume chérifien d'une manière classe sur la scène du Théâtre Croisette. Et quelques hallucinations : la famille Yazid-Khodja a-t-elle remplacé la famille Chouikh ou je confonds les années ? Et les acteurs qui parlent en kabyle dans le dernier et bon film de Jacques Audiard «Dheepan», c'était vraiment dans le film ou c'est Tahar Houchi de «Liberté» qui chahutait la séance ? Pour la musique, en revanche, on a tous en tête l'air entraînant de «Go West», version Pet Shop Boys, qui ouvre le magistral film du Chinois Jia Zhang-ke. Enfin, pour les derniers pronostics de votre favori loustic, cette année c'est la cata. Non seulement l'envoyé spécial du Quotidien d'Oran partage l'avis de la majorité de la presse accréditée, mais il est également d'accord avec ses collègues algériens. Il était temps qu'il raccroche, n'est-ce pas ? Trois films se détachent du lot, à commencer par «Mia Madre» de Nanni Moretti. Mamma Mia c'est le cas de le dire pour saluer ce magistral mélo qui ne nage pas dans les eaux troubles du pathos, bien au contraire, jamais le sujet archi-traité de la mort d'une mère n'a donné un film aussi digne et élevé que celui-ci. Une deuxième palme pour Moretti? Normal, ça marche par deux les palmes, surtout quand on va à Moretti (ok, j'arrête les jeux de mots faciles, et tout le reste aussi d'ailleurs). Autre grand moment de cinéma. «Mountains may depart» de Jia Zhang-ke est une chronique de la Chine Pop qui découvre les marchés financiers et la culture de la consommation. C'est vite dit, mais c'est aussi ça. A ce propos le film nous invite à sa manière à ne pas trop gober ce que tous les experts de l'industrie n'ont pas arrêté de fanfaronner à Cannes cette année, à savoir que le cinéma du 21ème siècle sera chinois ou ne sera pas. Jia Zhang-ke nous dévoile une Chine qui barbotte dans une néantisation plus qu'elle ne prospère vraiment, qui se banalise dans un capitalisme sans frontières et se disloque en intégrant les modèles dominants de la mondialisation américaine. Est-il besoin de rappeler que ni le critique algérien, ni le cinéaste chinois ne sont marxistes pour autant? Ce qui fait la force de ce film c'est sa manière d'être fable plutôt que brûlot, la force du doute l'emportant toujours sur la petitesse de nos convictions idéologiques et de nos révoltes stéréotypées. Le film est beau et poignant comme une histoire d'amitié qui se termine mal, ou comme dans un mélo où la mère est séparée de son fils. Il y a ces deux aspects aussi dans «Mountains may depart». Fresque d'un genre totalement inédit, puisqu'elle court de 1999 à 2025, le puissant film de Jia Zhang-ke ne fait pas que de jouer avec le temps, en virtuose il sait tout autant s'étioler dans l'espace et nous donner à voir en Australie à quoi ressembleront les premiers rejetons de cet étrange baby-boom chinois. Le jeune qui incarne cette génération s'appelle Dollar, vous voyez le genre, sauf qu'il n'est pas aussi con que ça malgré tout. Enfin Jia Zhang-ke ne fait pas que malmener nos certitudes, il bouscule avec la même efficacité les cadres, passant du 1,33 au scope. En deux mots: grand film. Le troisième et dernier pic de cette sélection par ailleurs moyenne est ce qu'on appelle tout simplement un film flamboyant. «The Assassin» de Hou Hsia-Hsien est d'une beauté renversante car tout est beau: les cadres, les décors, l'image, les costumes, les comédiens, la nature... Est-ce un film d'arts martiaux à caractère sociologique ou une épopée historique d'ordre philosophique ? Avec ce styliste atypique qu'est Hou Hsia-Hsien on est prié de sortir de la rigidité des classifications et plus si affinités: se laisser happer par le hors-norme et la somptuosité de sa mise en scène. Il y a bien un cadre historique, la Chine médiévale et les guerres intestines entre clans rivaux qui profitent de la faiblesse du pouvoir central, l'empire Tang chancelant, pour s'imposer. Il y a une intrigue et une splendide héroïne, une justicière tueuse, chargée d'éliminer l'empereur Tian qui se trouve être l'homme qu'elle aime le plus au monde. Il y a d'autres rebondissements et d'autres histoires dont on est à peu près sûr de ne pas avoir saisi le sens. Mais est-ce nécessaire ? Qui peut résumer par exemple «Chroniques des années de braise»? ou encore le film turc «Winter Sleep» de Nuri Blige Ceylan, palme d'or de l'année dernière. Pour les prix d'interprétation, les filles Cate Blanchett et Rooney Mara qui s'aiment en secret et dans la douleur dans le New York des années 50 restitué avec justesse dans «Le Carol», le très sirkien mélo de Todd Haynes, tiennent la rampe. Michael Caine qui réapparaît après tant d'années en très grande forme dans le très poseur « Youth» de Paolo Sarrantino peut l'emporter face au gros Gérard Depardieu, émouvant quand il expose face à Isabelle Huppert son corps massif et ses blessures profondes de la vraie vie dans «Valley of Love», mi-conte mi-document de Guillaume Nicloux. Bien entendu, le jury juste pour me pourrir ma sortie de scène méticuleusement préparée va contredire mes prévisions et donner par exemple tous les prix au seul film de la compétition que je n'ai pas vu: «Le fils de Saul» du Hongrois Laszlo Nemes, qui dit-on filme les camps nazis comme jamais cela n'a été fait... Mais tout cela n'a plus d'importance, dans une heure on quitte cette bulle improbable qu'est le Festival de Cannes. Plus qu'un dernier papier, à jeter à la poubelle. L'annonce que la chanteuse Samira Brahmia se lance à son tour dans le cinéma. Tournage terminé de son premier film réalisé par Rachida Brakni intitulé de... «De Sas en Sas». Ah, je vais mourir, un film sur SAS maintenant ??! Non, ouf, le film raconte « la vie dans les sas de sécurité avant les visites dans les prisons de Fleury Mérogis». Samira Brahmia réussira-t-elle à être aussi nulle que Souad Massi dans le médiocre film palestinien «Eyes of a thief » (Ouyoun El Haramiya) de Najwa Nejjar? Ou, au moins, aussi décevante que Amazigh Kateb dans le très moyen «L'Oranais» de Lyes Salem? Ou juste pas du tout crédible comme Mami et Khaled dans le cultissisme «100% Arabica» de Mahmoud Zemmouri ? Rares sont les chanteurs et chanteuses de chez nous qui ont réussi leur passage au cinéma. Mis à part Abderahmane Djalti dans «La Mélodie de l'Amour» et Seloua dans «Hassan Niya», les autres nous ont beaucoup déçus. Dépêche de l'APS: «C'est d'une manière lamentable que l'envoyé spécial du quotidien d'Oran est arrivé au terme de sa mission. Ses derniers mots ont été pour Seloua et Djalti. Ensuite, le Quotidien d'Oran a arrêté la retranscription de ses délires, parce que trop c'est trop». |
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