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«Tant que la terre tournera autours du
soleil et pas le contraire, nous continuerons à tourner de festival en
festival, quel que soit le support qui nous supporte» - Azzedine et Roselyne
Mabrouki in «Two strangers from Algiers», essai à paraître aux Editions Djbel
Koukou)
Résumé des épisodes précédents. L'auteur de cette chronique a annoncé en début de Festival que ce sera son dernier. Une jeune journaliste, désignée par ses soins, devrait le remplacer dès l'année prochaine. Oui, mais qui ? Sarah Haider ou Hind O.? On en est là. Laquelle des deux pourra un jour évaluer un film d'une manière personnelle et pertinente sans s'interdire plus tard de le re-évaluer quitte à changer complètement d'avis pour peu que les arguments (intéressants) suivent... Le bénéfice de l'âge permet à l'envoyé spécial du Quotidien d'Oran d'évoquer un exemple concret d'un réalisateur re-évalué, et en bien. Le cas très à part de l'inénarrable Mahmoud Zemmouri. C'est simple, j'ai à peu près détesté tous ses films à leurs sorties et aujourd'hui je leur voue un culte sans bornes. Le reproche qu'on lui faisait hier est devenu la qualité rare qu'on lui reconnaît aujourd'hui. Mahmoud Zemmouri est un beggar dans le sens enfin sympathique du terme. Un bon beggar en somme, le seul capable de filmer les ploucs en 33 tours de l'Algérie profonde avec tendresse, presque en complice. Ils nous les fait aimer comme les Américains nous ont fait aimer leurs cow-boys. En forçant les traits s'il le faut, en se moquant de leurs travers mais sans jamais céder à la tentation de s'en distancier. En plus Mahmoud Zemmouri, ancien tenancier de bar-restau à Paris est aussi beggar en Algérie qu'en France, ce qui le rend d'autant plus sympathique. OK, Zemmouri filme ses comédies avec l'élégance d'un bulldozer conduit par un éléphant alcoolique, mais au moins il est souvent le premier à se moquer des drames contemporains de ses comparses les ploucs. Le premier à se moquer du racisme ordinaire en France ( «Prends 10.000 balles et casse-toi»), le premier à renouer avec l'esprit de Hassan Terro en réussissant une comédie sur la guerre avec que des anti-héros sympathiques («Les Folles années du twist»), le premier toujours quand il s'agit de transformer en crise de rires bien des crispations de la société algérienne et de sa diaspora en France. C'est le cas de son dernier film «Certifiée Halal» où il se moque surtout de l'islamisation bordélique et boderline des beurs 2.0. Sarah Haider semble avoir pigé la singularité de Mahmoud Zemmouri, bon point. Sa critique du dernier de film de Mahmoud Zemmouri pour «Le Soir d'Algérie» est positive. «Construit sur un canevas classique de la comédie populaire, Certifiée halal n'en est pas moins passionnant et bien ficelé grâce notamment à la subtilité du propos, l'omniprésence de l'humour et la maîtrise du rythme du récit favorisée entre autres par un montage dynamique», écrit Sarah Haider avant de saluer le style de Zemmouri qui «permet au grand public de voir, sans se sentir insulté, l'absurdité et l'injustice du système patriarcal». Hind O. quant à elle, nous a gratifié d'une critique toujours en cours d'analyse dont nous vous livrons un extrait tel quel avant les résultats qui risquent de tarder : «Extrêmement caricatural, avec des moments hautement cocasses, voire incongrus, Certifié hallal prend le parti pris de grossir les traits, avec parfois des scènes mirobolantes, un mise en scène dense et un rythme qui déménage mais s'essouffle par certains endroits. L'on rit c'est sûr mais parfois on se lasse de ces clichés à répétions, même si le ton est à la comédie légère et désinvolte avec des, somme toute, verrous qui sautent en éclats lorsqu'on touche à la nature profonde de l'homme quand son nif est ébranlé», écrit à sa manière Hind O. Plutôt que le style classique et réfléchi d'une Sarah, ne faut-il pas privilégier le côté punk d'une Hind laquelle, en bonne disciple de Roland Barthes, veut nous faire atteindre le degré zéro de la critique cinématographique ? Bigre, il nous reste que peu de jours pour se décider. En France Zemmouri n'est pas plus aimé qu'ici. Mis à part le premier film «Prends 10.000 balles et casse-toi», le seul présenté à Cannes, tous les autres ont été soit dénigrés soit ignorés par l'establishment de la critique française. Tous les critiques ? Non, il y a un critique et un seul seulement qui a défendu systématiquement tous les films de Mahmoud Zemmouri. Louis Skorecki, ancien du quotidien Libération. Lui-même marginalisé au sein du service cinéma de Libération, Skorecki prenait un plaisir intense à défendre Zemmouri contre ses collègues. Un bel exemple, «100 % Arabica». Ignoré par ses collègues du service cinéma lors de sa sortie dans les salles, Louis Skorecki profite de sa diffusion à la télé pour soutenir le film et son réalisateur. Extrait: «Depuis les Folles années du twist, Mahmoud Zemmouri est définitivement incorrect. Mal élevé ethniquement, éthiquement, esthétiquement, il dynamite les lieux communs avec une insolence qui fait vraiment plaisir à voir. Dans 100% Arabica, il s'attaque frontalement à l'un des derniers sujets controversés du siècle, l'islamisme. Ici, les intégristes ont des dégaines d'infirmiers d'hôpital psychiatrique lâchés dans la nature, bonnets blancs, djellabas blanches, blousons de cuir noir, qui en disent plus long sur eux que tous les discours. Avec une impertinence fauchée très proche de celle du meilleur Mocky, Zemmouri imagine un affrontement irrésistible entre le camp des intégristes (ils sont deux) et les trente malheureux excités qui remuent du cul en écoutant Khaled et Mami. C'est l'une des dernières occasions de comparer l'ancien Charlot du raï, Khaled, avec le Buster Keaton de Saïda, Cheb Mami, en regrettant que la sauvagerie timide de Khaled ait cédé la place à ces vocalises imberbes et bouffies, sortant tant bien que mal d'un corps précocement obèse». Tout est dit. Puisse cet extrait que j'aurai pu écrire moi même signifier aussi à nos deux prétendantes en lice le chemin qui leur reste à parcourir avant de mériter la place convoitée... |
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