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C'est le jour des
grands chroniqueurs sachant chroniquer. Pour se fondre dans «L'Actualité
autrement vue» du jeudi l'envoyé spécial du Quotidien d'Oran à Cannes a plusieurs
pistes sérieuses qui peuvent aboutir à une analyse digne des grands éditoriaux du
week-end. Dans mon festival de sujets disponibles, il va falloir en extraire un
bon qui tienne la route.
- Piste 1 : L'affaire Hatami, du nom de l'actrice iranienne Leila Hatami, membre du jury du festival cette année, qui s'attire les foudres des autorités iraniennes pour avoir fait la bise au président du festival, Gilles Jacob. Une attitude "inappropriée" selon le vice-ministre de la Culture. Est-ce que cet incident mérite vraiment une chronique? Quand en pleine débâcle arabe de 1967 Omar Sharif officialise sa rupture avec Faten Hamama et l'Egypte pour aller rouler des pelles sur grand écran à Barbara Streisand la «Funny Girl», on aurait pu effectivement se demander si oui ou non le geste était «inapproprié». Mais là, non. On laisse le sujet à Amira Soltane ou à ses équivalentes du quotidien islamo-porno-populiste «Echourouk»... - Piste 2: L'affaire de la Guerre des étoiles VII. Jusqu'à présent le tournage de la fructueuse saga de George Lucas avait lieu en Tunisie. Depuis la révolution et la fuite de Ben Ali, saluées soit-disant par le monde occidental, aucune production américaine ne veut prendre le risque d'investir dans le pays. Le tournage de l'épisode 7 de Star Wars réalisé par J.J Abrams a donc été délocalisé. Si la plupart des scènes vont être tournées dans les studios Pinewood près de Londres, le tournage extérieur a bel et bien commencé cette semaine dans «un autre pays de la région» pour reprendre le communiqué laconique publié il y a 10 jours par la production. Où au juste, on ne sait pas trop, mais la BBC a été la première à vendre la mèche : la planète Tatooine, cadre de la Guerre des étoiles, a été reconstituée à Abou Dhabi. L'info c'est que les productions américaines fuient les pays comme la Tunisie et l'Egypte et cela mérite bien une petite chronique mi-politique, mi-économique, avec une chute soignée quoique très prévisible, pour qu'elle trouve sa place entre «La chronique du bledard» d'Akram Belkaïd et «La chronique économique» de Belkaïd Akram - Piste 3: Profiter de la présence des journaux spécialisés dans l'économie du cinéma pour faire un point global sur les films qui marchent. Les succès populaires reflètent souvent mieux que n'importe film à thèse l'état du monde. En Egypte, par exemple, tous les films qui traitent de la révolution de la place Tahrir font un bide. De même le très attendu film du grand Mohamed Khan «La fille de l'Usine» n'a pas résisté plus de deux semaines face aux comédies stupides qui cartonnent. Enfin, en France, à la veille d'une élection qui va conforter le Front National, le film qui bat tous les records du box-office, 5 millions d'entrées en moins d'un mois, est une comédie qui a pour titre «Qu'est-ce qu'on a fait au Bon Dieu?». Un couple de la haute bourgeoisie est confronté aux choix de ses quatre filles qui vont se marier avec 1- des "arabes", 2- des "juifs", 3- des"chinois" et 4- des "noirs". Si le film aligne tous les clichés racistes pour mieux les dénoncer, on ne sait pas ce qui fait courir les spectateurs français, les saillies racistes de la comédie potache ou leur dénonciation par un mécanisme aussi trouble que troublant «on est tous racistes après tout, aimons nous alors». Cela peut donner effectivement matière à une chronique qui énonce et qui dénonce, quitte à tourner en rond et dans l'errance, à la manière des tribunes d'Abed Charef - Piste n° 4- Les nouveaux rapports de force entre la caste des nantis et les cohortes des anéantis, thème récurent qui court de film en film et qui a donné quelques pépites cette année à Cannes, avec notamment «Foxcatcher» de l'américain Bennett Miller, et «Deux jours, une nuit», dernier et puissant opus des frères belges Dardenne- dans les deux cas que des acteurs magnifiques (Steeve Carell, grand acteur et Marion Cotillard, géniale actrice). Tous les ingrédients sont là pour une chronique qui ausculte à l'aune des dernières productions cinématographiques les nouvelles variations du rapport maitre-esclave, avec une ou deux citations piquées dans «Le petit livre des phrases célèbres à l'attention des envoyés spéciaux algériens à Cannes en manque de culture» (édité par Casbah) le tour est joué, qui sait ma chronique sera peut-être aussi lisible que celles de Kamel Guerroua ? - Pardon ? Je n'ai plus de place pour développer une de mes fumeuses thèses ? Autrement dit, une fois de plus je vais passer pour un rigolo... Dommage, cette année j'avais opté pour un peu plus de sérieux. |
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