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Après «Mascarades», Liès Salem a réalisé «El Wahrani», fresque historique qui n'a pas été retenue par le Festival de Cannes. Explications. Le Quotidien d'Oran: Sais-tu pour quels motifs le festival de Cannes n'a pas retenu ton film «El Wahrani» ? Lies Salem: Nous avons été assez vite fixés par la Semaine de la Critique et la Quinzaine Des Réalisateurs qui nous ont dit qu'ils n'étaient pas intéressés par «El Wahrani». Je crois savoir que la sélection officielle a marqué un intérêt pour le film. Pour finir, nous n'avons pas été sélectionnés non plus. Je n'ai pas réellement cherché à en savoir plus; c'est compliqué, ce sont des gens qui regardent beaucoup de films, ils en pensent ce qu'ils veulent et puis quand arrive le moment de faire la programmation, une multitude de paramètres doivent intervenir, une cohérence de programmation, éviter les redondances... Bref, je refuse encore une fois de considérer la réponse de la sélection (aujourd'hui négative, mais je crois même si elle avait été positive) comme un signal, une appréciation juste sur la qualité de mon film. Ils ont leur ligne éditoriale et mon film s'en écartait, point. Q.O.: Les films arabes, maghrébins sélectionnés ces dernières années permettent-ils de dresser le portrait type du film que Cannes attend de ces régions-là ? Liès Salem : Au regard des films sélectionnés dans les différentes programmes du festival de Cannes depuis quelques années, on peut supposer que le cinéma maghrébin soit condamné à une seule forme de cinéma: le film social, soutenu par une actualité à chaud. Et surtout j'ai la sensation qu'on attend de ce cinéma qu'il exorcise les démons de la rive nord. Les thèmes sont récurrents: terrorisme, clandestins, révolution arabe, la place de la femme... le tout vu par le prisme d'un cinéma qui flirte avec le documentaire. Plus c'est réaliste, mieux c'est. Moins il y a de distance, mieux c'est. Le reste c'est niet! Une histoire d'amour NE doit évoquer QUE la difficulté de la société musulmane à laisser ses enfants s'aimer. Une histoire d'amour qui raconte autre chose ne sera sans doute pas prise au sérieux. On impose un cahier des charges précis à ces cinéastes. Mais pourquoi? Pourquoi l'impose t-on au maghrébin mais pas au Coréen ou à l'Indien...? Peut-être que la France n'a pas la même histoire avec ces pays lointains? Je ne parle pas là de racisme. Je parle d'une Histoire qui est à ce point entremêlée que l'objectivité n'y a pas sa place. Il y a encore trop de passions qui se confrontent et s'épuisent. C'est comme si dans les films maghrébins, malgré elle la France y était à ce point impliquée qu'elle serait en droit d'attendre quelque chose de précis. Je me souviens que pour «Mascarades», une journaliste m'avait reproché de manière virulente de ne pas m'en être pris à l'Islam. Elle m'accusait d'avoir évité le sujet pour ne pas choquer, pour ne pas «prendre de risques». Cette anecdote traduit bien le décalage qui peut s'opérer parfois. La France ne regarde pas le Maghreb comme elle regarde les autres pays, c'est normal, heureusement d'ailleurs. Si on veut être honnête, on doit reconnaître que la réciproque est tout aussi nette. Un film français en Algérie ne s'apprécie que s'il traite l'Histoire d'un certain point de vue et que s'il exorcise les démons qui sont ceux que de l'Algérie face à la France, l'ancien colonisateur. En somme on pourrait dire que nous avons à faire à un complexe d'ancien colonisateur et d'ancien colonisé. Il faut se sortir de là. C'est pourquoi je fais mes films. C'est l'un des thèmes de l'Oranais. Si le film n'est pas sélectionné à Cannes pour cette raison-là, c'est donc que j'ai raison de l'avoir fait!! Un autre pays regarderait peut-être nos films avec un autre œil, moins impliqué. Le lien que Venise entretient avec Téguia en est peut-être la preuve. Venise met en avant le talent d'un cinéaste qui expose avec sa vision, sa région du monde. Pourvu que ça dure. Q.O.: Etre présent à Cannes avec un film, est-ce si important que ça pour toi ? Lies Salem: Aller à Cannes c'est sans doute important pour un film, oui. Il peut bénéficier d'une visibilité avant sa sortie et pour peu qu'il provoque un "buzz", ça lui permet de se présenter en position de force au moment de sa sortie par rapport aux autres concurrents de la semaine. «L'Oranais» n'ira pas à Cannes, est-ce que ça veut dire que le film est mauvais? Certainement pas, le critère de sélection du festival de Cannes, toutes sélections confondues, n'est sûrement pas la qualité des films. Et puis je suis sur de mon film, je conçois qu'il ne plaise pas à tout le monde, mais il n'est pas raté. Est-ce que ça veut dire que le film ne marchera pas en salle? Non plus. Le goût du public est souvent indépendant du choix des professionnels du cinéma. Pour un film comme L'Oranais, qui n'avance (et c'est un choix assumé) aucune vedette au casting, mais déploie une fresque sur l'Algérie post-indépendante et propose quelques éléments de réflexions pour comprendre la complexité de l'histoire commune entre la France et l'Algérie, une sélection cannoise aurait peut-être pu aider à pointer un projecteur sur une proposition qui n'est pas coutumière. D'autant que le film a un certain écho avec l'actualité... Mais nous sommes nombreux à ne pas avoir été sélectionnés alors qu'on l'aurait mérité alors bravo à ceux qui ont été sélectionnés et Bon vent aux autres. |
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