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Suite et fin Mais là une question se pose : jean Gabin en caïd de la pègre parisienne n'aura donc jamais foulé -à l'instar de tarzan - les rues d'Alger et les dédales de sa «vraie» casba ? Dans les mois qui suivent l' armistice, les algériens ont rendez vous avec les élections législatives et municipales qui se tiennent respectivement en novembre 1946 et en octobre 1947. Les campagnes du MTLD et de l' UDMA battent leur plein et le ciné lux connaît des meetings très animés.Ces joutes électorales seront marquées par un évènement majeur qui restera gravé dans les annales : Messali hadj , la figure emblématique du nationalisme et chef charismatique du MTLD est à Tidjditt où il est chaudement acclamé par une salle bondée et exaltée. Les troupes de mahieddine Bachtarzi et de mohamed Touri feront également escale dans cette salle au grand bonheur d'un public bon enfant. Pour sa part,l' association des étudiants musulmans de Mostaganem (AEMM) du lycée rené basset ( l'actuel lycée Zerrouki) créée en mars 1946, présente au ciné lux une pièce de Molière «les fourberies de scapin». Cette œuvre du répertoire classique incluse dans le programme, sera traduite en arabe et jouée par de frêles lycéens, encadrés pour la circonstance par des enseignants algériens.Le prix de la place est symbolique. Cette modeste obole servira à pourvoir en livres et cartables les élèves nécessiteux ,car la dite association ne recevait, faut-il le rappeler, aucune subvention de l'administration coloniale. Lui emboîtant le pas, la compagnie musico-théâtrale «El Badr» y fait un passage très remarqué avec la pièce «Ziwadj ber ridha » (mariage avec consentement ) de Djillali Benabdelhalim, où l'auteur règle ses comptes au colonialisme à coup de métaphores toutes ? agraires du style « ne laissons pas le parasite nidifier dans nos terres, car à la longue, il corrompra toutes nos cultures?». Quelques mois plus tard, un jeune prodige de 15 ans du nom de ? Ould Abderrahmane kaki monte dans cette salle sa toute première création «Ahlem soltane Souleymane» (ou la légende de la rose), pièce inspirée d'un conte de grand-mère et qui sera jouée avec beaucoup d'entrain par des camarades de la meute des scouts du fawdj El Falah. Au début des années cinquante, le film arabe «Mughamarat antar wa abla» (les aventures de antar et abla) du réalisateur égyptien salah Abou Seif avec kouka et seraj mounir emballe la vieille cité. Cette histoire o combien légendaire et l'accessibilité de la langue concourent à son phénoménal succès. Des séances seront même programmées pour les femmes , pour admirer «de visu» la belle abla , ravies de cette providentielle échappée qui leur permettra d'«oublier», le temps d'un rêve, marmaille, bassines et braséro. Durant la même période, la troupe nationale égyptienne dirigée par l'illustre acteur et dramaturge youssef Wahbi est en tournée en Algérie. La troupe - dont la star de la scène et de l'écran amina Rizk est sociétaire - donne dans un ciné lux comble la pièce de youssef Wahbi « awlâd al chawârie» (les enfants de la rue) qui remportera un succès mémorable. Côté cinéma, le western «Duel au soleil» de King vidor avec jennifer jones, joseph cotten et gregory peck est à l' affiche.Le duel épique entre la belle furibonde et le cow-boy dans les collines arides du hill country texan et la fin tragi-romantique du film, feront se pâmer au passage quelques spectateurs. Pour leur part,les enfants sont émerveillés par les aventures du petit Sabu dans «Le voleur de Bagdad» des britanniques ludwig Berger, michael Powel et tim Whelan. La féérie de certaines séquences, qui rappellent les milles et une nuits, sont d'un «réalisme» sidérant qui éberluera petits et grands.C'est sans doute à partir de ce moment que les enfants - prêtant l'oreille aux conciliabules des adultes - découvrent le mot «trucage», mot magique qui pouvait à lui seul «expliciter» enfin toutes ces scènes fantastiques qui les laissaient admiratifs et ébaubis des jours durant ? Par ailleurs, sous la direction de John Huston, humphrey Bogart en chercheur d'or hirsute et poisseux, culmine dans un film en noir et blanc «Le trésor de la sierra madre» où les sentiments de cupidité et de suspicion sont merveilleusement bien rendus par cet immense acteur dont la «gueule» crevait l' écran. Du grand art ! Entre temps, Mr Guillemaud décédé,la salle est acquise en 1956 par messieurs Bentria et Guedda qui en deviennent ainsi les nouveaux propriétaires. Et la dynamique culturelle reprend de plus belle. La vaillante troupe musico-théâtrale d' Es-Saïdia proposera dans la dite salle «Dr.Mounir» d'après Dr.Knock de jules Romain ainsi que du Molière (georges dandin , le tartufe ?), pièces librement adaptées par Kaki. Pour sa part, l'orchestre d'Es-saidia emballera l'assistante avec une riche palette de rythmes ( chaabi avec maazouz Bouadjadj, mumbos de mohamed Tahar, chansons burlesques de Ahmed Benacer?) cependant que là, juste derrière les coulisses, une cache insoupçonnée servait de retraite aux fidaïyïnes ? Pour en revenir à la programmation filmique, la mémoire retiendra en cette fin des années cinquante, deux superbes productions. La première, « Mangala, fille des indes» est réalisée par mehboob Khan, avec dilip kumar, nimmi,prem nath et nadira.Ce film hindou en technicolor et au décors fastueux - et qui bat en brèche d'une façon par trop romantique le dogme des castes- fera chavirer la vieille ville grâce à des chansons sublimes que baragouineront à satiété petits et grands. Et le succès du film est tel,qu'il sera organisé une projection spéciale pour les élèves qui en sortiront émerveillés, avec à la lèvre de suaves et d'impérissables refrains.Pendant cette délicieuse récréation, les enfants, la mine amusée et le cœur léger, laissaient dans les livres d'histoire, les druides se débrouiller tout seuls dans «leur» cueillette du gui sacré. Comme ils ne pouvaient s'empêcher de se tordre à l'idée de savoir qu'au même moment et quelques pages plus loin, «nos ancêtres les gaulois», blonds hirsutes et tremblotants, scrutaient eux d'un œil angoissé, ce ciel qui menaçait à tout moment de leur tomber sur le ?ciboulot ! Fichtre ! «Nos ancêtres les gaulois» auraient-ils inventé sans le savoir les premiers «cartoons» ? Le second film «Les dix commandements» de Cecil B. DeMille est joué par charlton heston, yul brynner, anne baxter? super production truffée de séquences époustouflantes ( le passage de la mer rouge est à couper le souffle ! ).Ce qui désemparera plus d'un, car cette fois ci, le mot «trucage» était bien faible pour «expliciter» une scène qui tenait bien de l'irréel ! Et le nom de «Sidna Moussa» était sur toutes les lèvres : à l'école, au café, chez le coiffeur, dans les chaumières et jusque dans les moindres recoins de souiqa. Et sur la petite scène du ciné lux, la troupe musico-théâtrale d'El Masrah prenant le relais d' Es-saïdia, y viendra souvent chauffer son public avec des sketchs et des florilèges musicaux et ce,jusqu' en 1961,année où elle cessera toute activité suite à l'arrestation de son directeur Benaissa Abdelkader. Mais ne nous égaillons pas trop et rejoignons tout comme «Ulysse», après ce périple, la terre ferme du ?réel. Au lendemain de l'indépendance, les spectateurs furent gratifiés d'un superbe «règlement de compte à O.K. corral» et par quelques péplums « bien musclés». En 1964,le ciné lux sera nationalisé et après une longue gestion étatique quelque peu cafouilleuse pendant laquelle notre cinéma s'offrira CNC, APC, ONCIC, re-APC, CAAIC, re-re-APC?, il sera restitué aux ayants droit en ?1996, et dans quel état ! (les fameuses coulisses étaient devenues au fil du temps un affreux dépotoir ). Depuis, abandonné de tous, le ciné lux qui présente aujourd'hui une triste mine, semble vivre un «drôle de drame» et poursuit stoïquement sa «descente aux enfers». Sera-t-il transformé en «garage, building ou supermarché ?» ou retrouvera-t-il un jour, malgré «le rideau déchiré», «la fureur de vivre» qui fut sienne ? Et si cette fureur revenait, ferait-elle aussi vibrer les salles du Colisée et du Cinémonde laissées en rade depuis des lustres, dans une ville réputée «culturelle» mais qui ne possède même pas de cinémathèque et encore moins de ciné club ? Drôle de «palme» que voici ? Alors mesdames et messieurs de la culture, pourquoi ne pas récupérer ces îlots de rêve, les dépoussiérer et les rendre au public ? Et n'est ce pas faire outrage à la raison, que d'abandonner à la décrépitude, un inestimable patrimoine qui fut,il n'y a pas si longtemps, ce maillon culturel de proximité et de convivialité, grâce auquel le citoyen pouvait se divertir, se retrouver, se cultiver et aussi ? rêver ? Mais le rêve est-il encore permis dans ce monde perverti où la déliquescence s'affiche désormais en «gros plans» et nous joue journellement et jusqu'à la nausée, son «mauvais cinéma» ? Alors, pourrons rêver dans nos vieilles salles au ?67éme festival ? * Médecin Radiologiste |
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