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Le vendredi 1er
mars 2013, le président américain Obama déclenche à regret des coupes
budgétaires de 85 milliards de dollars dont il a imputé la responsabilité à ses
adversaires républicains, après avoir averti qu'elles feraient subir un revers
à la première économie mondiale.
1ère partie Le Monde du 08 mars 2013 écrit : « 750 000 EMPLOIS COMPROMIS. L'annulation d'une mission dans le Golfe du porte-avions Harry-Truman pour économiser 300 millions de dollars avait été dénoncée par des républicains comme destinée d'abord à dramatiser le débat. Le séquestrer pourrait même compromettre le rééquilibrage au profit de l'Asie de la présence diplomatique et militaire américaine (stratégie du « pivot »). Un tiers des opérations de la marine risquent d'être annulées dans la zone Asie-Pacifique, a averti le secrétaire adjoint à la défense, Ashton Carter. [?] les allocations versées à 3,8 millions de chômeurs de longue durée, seront réduites de 11 % tandis que plus de 600 000 femmes enceintes et jeunes enfants déshérités risquent d'être privés du supplément alimentaire qui leur est distribué grâce à une aide fédérale. Un nombre équivalent de personnes sans logement pourraient être chassées des foyers privés de subventions. ». La controverse sur la « sécurité nationale » est déjà ouverte par l'austérité imposée au Pentagone. De plus, tous les partenaires commerciaux seront inévitablement frappés par la réduction drastique des dépenses américaines. BUDGET: LA PRATIQUE DE LA POLITIQUE «AU BORD DU GOUFFRE» PAR LE CONGRES AMERICAIN La dette publique des États-Unis est la dette de l'Etat américain, soit l'ensemble des engagements financiers pris sous forme d'emprunts par l'Etat ainsi que des collectivités publiques des États-Unis. La dette augmente à chaque fois qu'une dépense publique (investissement ou fonctionnement) est financée par l'emprunt plutôt que par l'impôt, lorsque l'équilibre des comptes publics est en déficit. Entre 2001 et fin 2008, la dette publique est passée de 5 628 à 10 025 milliards de dollars (de 57,3% à environ 72 % du PIB), soit une progression de près de 4 400 milliards de dollars en huit ans. Evidemment motivée par une consommation intérieure effrénée et une lutte sans merci contre le terrorisme, ponctuée de deux guerres en Irak et en Afghanistan. Fin décembre 2012, la dette publique a atteint 16 394 milliards de dollars, soit plus de 100% du PIB. La progression de la dette publique, entre 2009 et 2012, pour seulement quatre années du premier mandat d'Obama, s'est envolée. Elle a été environ de 6370 milliards de dollars, et compte pour un mandat d'Obama presque une fois et demi le déficit total des deux mandats de Bush. Evidemment, cela a trait au legs qu'a laissé l'ancienne administration à la nouvelle, celle-ci doit gérer les conséquences de la crise immobilière en 2007 et son pendant, la formidable crise financière de 2008. Et aussi la gestion des deux guerres en Irak et en Afghanistan, restées en suspens. Ainsi se comprend pourquoi l'économie américaine est plongée dans un véritable abîme financier, et les États-Unis ne tiennent la tête hors de l'eau que grâce aux formidables injections monétaires opérées par la Réserve fédérale, et les relèvements successifs du plafond de la dette par le Congrès. Précisément, grâce à ces gigantesques déficits que l'économie américaine a pu s'éviter une grave récession et évité au monde une crise économique majeure. Cependant ces relèvements du plafond de la dette publique ne se sont pas faits sans heurts entre les élus. Aux États-Unis, l'Etat fédéral ne peut rien dépenser sans avoir reçu une autorisation préalable par un vote du Congrès. Précisément, démocrates et républicains américains n'ont pas la même vision sur la manière de lutter contre le déficit. Les démocrates assimilés à la gauche politique veulent un mix entre réductions des dépenses publiques (sociales, militaires) et augmentation des revenus par une réforme fiscale y compris des hausses d'impôts (sur les plus fortunés) et les républicains qui représentent la droite politique refusent toute hausse d'impôts même par suppression des niches sur les plus fortunés et autres déductions qui sont nombreuses aux États-Unis, d'où le blocage au sein du Congrès. Aujourd'hui, la pratique de la politique « au bord du gouffre » caractérise le système politique parlementaire des États-Unis depuis quelques années. Divisés, les élus n'ont pas voté de budget en bonne et due forme depuis 2009, ils se contentent de voter des autorisations temporaires de quelques mois calquées sur le rythme des dépenses de la précédente. La « falaise fiscale » ou « fiscal cliff » en anglais est devenue le principal souci du président des États-Unis depuis sa réélection. Et sous cette expression étrange se cache une « grande menace » qui, si rien n'est fait, peut avoir des effets désastreux sur l'économie américaine et au-delà. Si la politique « au bord du gouffre » s'est imposée naturellement au système politique parlementaire des États-Unis ces trois dernières années (par absence d'alternatives ?), il reste une question essentielle : jusqu'où iront les coupes budgétaires ? SCHEMATISATION SIMPLIFIEE DU SYSTEME ECONOMIQUE MONDIAL ACTUEL Pour comprendre, imaginons un système économique constitué de trois entités A, B, C. Une grande nation A, la plus puissante, c'est-à-dire les États-Unis et un groupe de nations industrialisées les plus en vue B du système, i.e. l'Europe, le Japon et le Canada. Ces deux entités disposent de monnaies internationales (monnaies de réserve), la nation A dispose en plus de l'unité de compte internationale. Le reste du système, i.e. l'Asie, l'Afrique et l'Amérique du Sud, dénommons-le C. Les monnaies de ce groupe de pays convertibles ou non sont ancrées sur un panier de monnaies des pays A et B. Imaginons pour une raison de délocalisations d'entreprises, de rattrapage technologique, etc., certains pays du groupe C rattrapent les pays A et B et les dépassent dans le commerce mondial. Suite aux pertes de marchés, en se rabattant sur leurs marchés domestiques, les pays A et B subissent, suite à une spéculation effrénée, une grave crise immobilière et financière. C'est ce qui s'est passé en 2007 et 2008 pour les États-Unis et l'Europe. Il s'en est suivi un étranglement du système bancaire occidental. Pour parer à cette situation, ces Etats ont procédé d'urgence à la recapitalisation par achat de titres voire même une nationalisation par une prise de parts dans le capital des banques. Après le sauvetage des banques, et pour relancer leurs économies, ils ont encore injecté des liquidités considérables opérées sur fond d'endettement. Malgré les taux d'intérêt proche de zéro et les politiques monétaires fortement expansives, la situation des pays A et B reste stagnante, les taux de croissance faibles, le taux de chômage moyen est de 12%, pour certains pays, il est de 25% voire plus. En revanche, la croissance économique des pays C, bien qu'elle ait diminuée, reste toujours élevée. Le taux de croissance de la Chine est supérieur à 7%. Imaginons maintenant que les Banques centrales des pays A et B, pour soutenir leurs économies, recapitalisent les banques par de la création monétaire contre les titres de Trésor, les créances immobilières (subprimes) et le rachat partiel de dettes publiques. Le système bancaire recapitalisé procède au financement de l'économie (octroi de crédits aux entreprises et aux ménages, achat de bons de Trésor pour financer les budgets des Etats, etc.). Mais les déficits budgétaires et commerciaux de ces pays sont tels que le système bancaire doit à chaque fois se tourner vers leurs prêteurs en dernier ressort. C'est ainsi que les Banques centrales des pays A et B, i.e. la Réserve fédérale américaine (FED), la Banque centrale européenne (BCE), la Banque d'Angleterre et du Japon, se retrouvent à pratiquer à intervalles réguliers des politiques monétaires non conventionnelles. Les « politiques monétaires non conventionnelles » ou « Quantitative easing » (QE) consistent à échanger des bons de Trésor et des créances éligibles et même non éligibles (créances douteuses) contre de la monnaie Banque centrale. En injectant des liquidités dans le système financier, les Banques centrales permettent, comme pour les plans de sauvetage et de relance, à leurs systèmes bancaires respectifs de répondre aux besoins de leurs économies. Ce financement vient évidemment grossir les bilans des Banques centrales. Mais la réduction des créances douteuses (immobilières), l'achat de la dette des Etats, etc., permet d'éviter à ces pays la récession. L'achat, par exemple, des subprimes aux États-Unis permet de doper le secteur de la construction, gros pourvoyeur d'emplois. Imaginons que dans ces injections de liquidités entre les pays A et les B, il se produit un processus de balancier. Quand le pays A émet un surplus de liquidités, sa monnaie se déprécie sur les marchés, ce qui affecte négativement les monnaies des pays B. Par l'appréciation de leurs monnaies, les pays B enregistrent une baisse des exportations (plus chères). Pour baisser le taux de change, les pays B ont le choix, soit d'acheter la monnaie du pays A, i.e. le dollar, ce qu'ils ne peuvent faire puisque cela revient à acheter de la dette de A, et ils sont déjà endettés, soit de procéder à des politiques monétaires non conventionnelles comme le pays A. Et c'est ce qu'ils font. Nous avons ainsi un processus de balancier : « Tantôt c'est A qui émet des liquidités et B s'ajuste, tantôt c'est B qui émet des liquidités et A s'ajuste ». A suivre * Officier de l'ANP en retraite (Forces Navales) Auteur et chercheur spécialisé en Economie mondiale, Relations internationales et Prospective. |
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