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L’objet de notre étude repose sur le manque d’informations concernant l’évolution des taux de diabète et d’hypertension décelés chez la population algérienne en 2012. Cette approche est d’autant plus nécessaire que l’on observe un manque de contact intra pays mais aussi au niveau international. Les différents entretiens qui ont lieu nous ont permis de mieux comprendre, de mieux saisir l’importance de cette maladie chronique qui gagne du terrain chaque jour. En l’absence de traitement, le poids socio-économique de cette maladie chronique est d’autant plus lourd pour les insulaires qu’il entraîne une transition des habitudes alimentaires associée à l’émergence de maladies cardiovasculaires, d’obésité ou d’hypertension. La rareté des études portant à la fois sur le terrain et sur les conséquences irréversibles qui en découlent nous ont semblé important à signaler. Notre regard se porte bien évidemment sur la promiscuité qu’il y a entre chaque maladie mais aussi et surtout entre le malade et leur maladie. Nous serions tentés de dire qu’il n’y a pas de maladie car le malade ne se dit pas être malade il n’ignore pas son état, mais plutôt son statut de malade qui lui confère des résistances sociales dans son habitus. Aujourd’hui, grâce aux données épidémiologiques nous anticipons sur le comportement des patients, et les statistiques nous rappellent que leur analyse nous pousse à considérer le rapport du malade à son médecin mais aussi le rapport du malade à sa maladie (l’observance). Cela est valable et posé en Europe. Mais qu’en est-il de l’Afrique du nord et plus précisément de l’Algérie ? Qu’elles sont les difficultés rencontrées par les médecins des institutions étatiques et celles des institutions médicales privées ? Même formation, même approche ? Pourquoi un diabétique s’orienterai vers le public (gratuit) alors que le privé (250 DA) offre la même consultation payante ? Qui sont ces Algériens et Algériennes qui sont diabétiques et qui ne se considèrent pas comme malades ? Quel rapport culturel ou sociétal les incite à conserver leurs habitudes alimentaires ? Pourquoi se sentent-ils exclus du groupe familial s’ils ne partagent pas la table, le plat. Qu’est ce qui les différencie du malade qui est conscient des conséquences de sa maladie ? Pourquoi les messages sont inexistants ou trop obsolètes dans les hôpitaux et cliniques Algériens ? Pourquoi les pouvoirs publics ne réagissent pas devant ce qui ressemble à une vague tsunamiste du diabète qui va s’abattre sur une grosse partie du pays ? Et qui, en tant que maladie chronique, devrait tout comme en Europe être prise en considération par les pouvoirs publics Algériens ? Autant de questions qui nous permettront de mieux appréhender le champ des mansuétudes sociales et du rapport intrinsèque d’une maladie chronique au diagnostic impartial ? Pourquoi autant d’écart entre ce qu’il ya lieu de faire et ce qui est fait sur le terrain ? Pas de prescriptions ou lorsqu’il y a prescription on incite à prendre au patient du miel alors que celui-ci lui est strictement interdit ? Au delà, nous vous proposons une mini lecture des dimensions sociales et culturelles du diabète en Algérie et de ses risques. Rappel : Considérée comme une épidémie mondiale par OMS Plus de 346 millions de personnes sont diabétiques dans le monde (OMS 2011). 7e principale cause de décès dans le monde dans 20 ans Le nombre total de décès par diabète devrait augmenter de plus de 50% au cours des 10 prochaines années. Le diabète gestationnel constitue un troisième type de diabète Le diabète de type 2 est beaucoup plus répandu que le diabète de type 1 Le diabète a tué 3,4 millions de personnes en 2005 80% des décès dus au diabète se produisent dans des pays à revenu faible ou intermédiaire (l’Algérie n’échappe malheureusement pas à ces résultats) Dans les pays développés, la plupart des diabétiques ont dépassé l’âge de la retraite, tandis que dans les pays en développement, les personnes les plus fréquemment touchées ont entre 35 et 64 ans Le diabète est une des principales causes de cécité, d’amputation et d’insuffisance rénale Il est possible de prévenir le diabète de type 2 Source OMS 2011 L’enquête de terrain a duré plusieurs mois et s’est déroulée principalement sur l’ouest du pays. Des spécialistes de la santé ainsi que des diabétiques ont été interrogés sur cette maladie. C’est bien par le biais de la parole, du dire vrai que nous avons investit cette maladie sans odeur, sans douleur, sans couleur, sans état d’âme. Les entretiens individuels ont été répétés parfois afin de mieux nous éclairer sur la symptomatique et le cheminement intellectuel à la fois des médecins prescripteurs et du malade. Ceux-ci ont duré en moyenne 2 heures. Cela afin de « relever les discours et les situations permettant d’accéder aux croyances, aux représentations, aux pratiques et aux institutions qui donnent sens à une société » (Fassin, 1990). On retrouve des pancartes dans chaque établissement de santé. Celle-ci présentent à travers un dessin, un rebus parfois non lus mais qui rassurent les praticiens « on leur explique et on leur fait comprendre la gravité de leur maladie, mais ils ne lisent ni n’écoutent nos recommandations » (Diabétologue Algérien). C’est cet état de non observance de la maladie par les praticiens, au delà du fait qu’ils interviennent moyennant paiement en dehors de leurs horaires réglementaires, qui empêche le patient de comprendre sa maladie. Et le diabète fait partie de ces maladies en Algérie qui comme le terrorisme que l’on ne voit pas mais dont on entend les rumeurs, que l’on ne mesure ni la gravité, ni l’importance de l’envahissement. Dans certains établissements les prescriptions diététiques sont présentent au travers de l’existence d’une diététicienne qui joue le rôle sans tenir les capacités du professionnel. On devrait avoir des chiffres, des médicaments en milieu hospitalier étatique qui répondent à cette maladie sauf que les médicaments en questions sont utilisés comme pouvoir ou monnaie d’échange en contre partie de service rendu par celui à qui ils sont « offerts ». On trouve ainsi plusieurs problématiques insérées dans le sérail tant de la maladie que dans celle des praticiens et en dernier lieu des malades. En contre partie dans certaines équipes hospitalières étatiques on trouve des personnes qui n’hésitent pas à sortir des médicaments pour les donner à ceux qui ne peuvent se les payer. Il est vrai que l’état offre ces médicaments mais le système hospitalier tel qu’il est aujourd’hui est composé de paramètres déficients. Notre mini enquête auprès des patients diabétiques de type 2 et de type 1 réalisées en Algérie ont toutes abouti à des conclusions concordantes. Le patient diabétique de type 2 est généralement considéré par le milieu médical comme un patient n’adhérant pas aux conseils nutritionnels. Ces enquêtes ont en fait montré l’inverse; les patients qui se déclarent ayant un diabète de type 2 ont tendance à consommer un peu moins de calories que la population générale, plus de margarine que la population générale, ce qui prouve bien que spontanément, une fois qu’ils se savent malades, ils sont prêts à faire des efforts nutritionnels ; malheureusement, souvent les messages qui leur sont donnés ne sont pas lu ni compris d’une façon générale, et ceci conduit au fait qu’ils mangent moins de glucides que la population générale, plus de protéines et plus de lipides. Ceci laisse entrevoir que cette population diabétique de type 2 est peut-être plus motivée qu’on ne le dit mais, pour qu’elle se prenne bien en charge, il faut que les conseils nutritionnels qui convergent vers elle, soient homogènes, adaptés et réalistes. Au total, une prescription diététique est un véritable acte médical basé sur un diagnostic (il importe de bien savoir si on a affaire à un type 1 ou un type 2), puis une prescription adaptée au patient, c’est-à-dire différente d’un patient à l’autre, surtout différente d’un type de diabète à l’autre, raisonnée et comprise avec un effort de pédagogie. Il est hautement probable que c’est au niveau de l’effort pédagogique que se trouve le hiatus expliquant le relatif échec constaté aujourd’hui. En Algérie, Il est difficile d’évaluer sur le terrain les ravages de cette maladie chronique du fait d’un engagement timide par les autorités. Il est vrai que certains centres de dépistage émergent mais même si l’Algérie se dote d’appareils médicaux dernier cris elle le fera en omettant de signer les contrats S.A.V, formation du personnel etc…au bout, un appareil qui a couté une fortune et qui est en panne (hôpitaux d’Oran par exemple I.R.M). Et bien l’on retrouve la même approche avec ces maladies chroniques. Il n’y a pas un seul professionnel de la santé qui soit satisfait ne serait-ce que des moyens mis en œuvre par les autorités. « Ceux qui nous gouvernent eux même ont besoin de la science » c’est justement la le problème car l’enquête tahina est justement l’utilisation de cette science à des fin plus politique que médicale et scientifique : Aucune des structures interrogées n’ont eu connaissance de ce projet Enquête Nationale Santé 2005. Seul certains ont lu les résultats qui d’ailleurs pour l’ensemble des interrogés sont inexactes. Il y a un fort décalage en termes de communication de l’état mais aussi entre ceux qui se disent au service du malade et ceux qui œuvrent tous les jours dans leur quotidien auprès des malades. Il n’y a pas de contestation sur la méthodologie mais sur la teneur des chiffres et les pourcentages avancés qui ne reflètent pas la réalité. Dans cette enquête : 92% des personnes interrogées déclarent avoir recours en premier à une structure sanitaire de base (publique ou privée) Dans notre enquête seul 45.75% font appel au structure sanitaire public ou privée les autres se dispersent entre Rebouteux Rokya acte religieux Marabout Ceux qui n’ont pas les moyens soient restent chez eux soit écoutent les conseils de proches 7% seulement s’adressent directement à un hôpital. Dans près de 84% des cas, c’est le médecin généraliste qui est sollicité en premier recours, le médecin spécialiste ne l’est que dans 14% des cas. 72.07 % des ménages couvrent moins de 5 kilomètres (moins d’une heure de marche) pour se rendre à une structure de santé. Dans notre enquête 88% des interrogés font plus de 500 kms (Oran Alger) ou 250 km (entre Alger et Chlef et entre Chlef et Oran, Chlef étant l’épicentre) La peur du médecin et de ses annonces avec parfois des diagnostics erronés dues principalement à des erreurs d’analyses de laboratoire font que les personnes interrogées évitent de faire des visites. Ils attendent le mektoub et ne consultent que lorsque cela leur est possible financièrement. Rappelons tout de même qu’une visite à l’hôpital est gratuite alors que chez un privé elles oscillent entre 500 DA et 100 DA. Les analyses coutent à chaque fois 5000 DA. Au moins une pathologie chronique a été retrouvée chez 13.65% des sujets composant les ménages Alors que dans notre enquête qui n’a certes pas reposée sur le même nombre d’enquêtés, le taux est de de 25.5% des sujets composants les ménages soit plus du double. En 2006, la FAAD (Fédération algérienne des associations des diabétiques) annonce 2 000 000 de diabétique sur une population de 32 millions d’habitants. Aujourd’hui elle annonce 2 500 000. “Nous continuons à estimer le nombre de diabétiques à 3 millions de malades selon les chiffres révélés par les responsables de la santé”, affirme en 2008 le Pr Mimouni du service de diabétologie du centre hospitalo-universitaire Mustapha-Pacha à Alger. Un laboratoire danois Novo Nordisk vient tout juste de signer en juin 2012 une convention avec le ministère de la Santé, dans le cadre du projet Le Baromètre «Changing Diabetes®» Algérie. «Cet exercice implique le suivi systématique d’un ensemble d’indicateurs standardisés (biologiques et cliniques) et permettra d’identifier les domaines dans lesquels des progrès peuvent être réalisés et les bonnes pratiques en matière de prise en charge, dans l’optique de les systématiser». Hors que ce soit au niveau des hôpitaux ou des médecins le discours laisse apparaitre une angoisse vis-à-vis du ministère qui indique des chiffres incohérents et qui n’assure pas la rigueur de gestion des médicaments qui aux dires des médecins pratiquants disparaissent et n’arrivent pas en quantité commandé. Même l’OMS tire le signal d’alarme avec peu ou prou de succès en Algérie. Nous savons aujourd’hui que même s’il est très difficile d’avoir des chiffres réels qui reflètent la réalité nous savons que la barre des 3 000 000 a été dépassée. Et l’implantation médiatisée de Sanofi en Algérie à eu pour effet de dédramatiser en haut lieu. Le discours sur le terrain est tout autre lorsque l’on connaît la difficulté d’obtention des médicaments y compris et surtout en secteur hospitalier. Ou l’on rappelle que les médicaments « disparaissent ». « Ils ont beau faire des séminaires mais a quoi ca sert de faire un séminaire si je n’ai pas ce que je veux ? D’ailleurs j’ai l’intention de faire un cours sur le pied diabétique au mois d’octobre quand je vais mettre les gens au courant je vais leur dire ne comptez pas trop sur les moyens, faites de votre mieux avec le malade au stade de l’amputation : « Ca veut dire quand vous avez des petites phlyctènes des rougeurs faites ce qu’il faut. Faites un bon diagnostic. A quoi ca va me servir de faire quand je n’ai pas de flagyl pour faire mes analyses ? Tout est la justement. C ‘est tout ca et c’est un ensemble c’est à dire que dès que vous vous mettez à parler on vous prend pour un fou. Vous n’y arrivez pas amputer. Mais moi je veux juste sauver le pied. Mais ca ne marche pas ici comme ca. Et puis ca consomme plus quand vous avez un travail sur deux mois. Ca demande du temps et ca demande de…» un médecin hospitalier. « En Egypte c’est pareil ce serait le thé très sucré….on consomme très sucré aussi ? On leurre les gens avec quelque chose de particulier. J’ai du mal à leur faire passer le message. Un malade me demande je peux prendre du coca light ? Mais vous le savez que c’est du sucre vous vous leurrez vous-même en me demandant de vous autoriser à consommer cette boisson l’industrie alimentaire aussi elle y est pour quelque chose idem pour le chocolat. » En Algérie par tradition culturelle, l’hospitalité se traduit par des offrandes. « Il faut quelque chose avec le café ou le thé. Sinon, ca ne se fait pas. » Pourquoi, « Parce qu’on a vu nos parents faire comme ca on les suit » A bon ? « C’est comme ca dans toute l’Algérie ». Comme si il fallait faire bonne figure. Or le diabète offre une bonne figure à celui qui en est malade. La personne pourrait refuser mais cela est mal vue du fait des interprétations que la maitresse de maison pourrait avoir (sorcellerie, magie, crainte hygiénique…) Le rôle des offrandes sont en rapports avec la territorialité, la temporalité, la structure sociale. Mais quels en sont les codes ? Pourquoi les anciens en ont-ils fait un marqueur identitaire ? LA TERRITORIALITE : Dans la société Algérienne l’importance des valeurs et des attitudes est transmis dès le plus jeune âge. Certes il y a une très forte influence de la religion sur l’environnement économique social et identitaire. Traité par Malinowsky, thurnward, frazer et Griaule ont beaucoup apporté aussi. De Max Weber à plus proche de nous R.Bastide ont su mettre en exergue les liaisons et corrélations entre messianisme et développement. Le paysage est un effecteur et un opérateur de territorialité (Hoyaux André Frederic, 2009). « La représentation sociale est aussi représentation de quelqu’un, du sujet qui intervient dans le monde qu’il perçoit. (...) La construction mentale opérée est certes tributaire des propriétés cognitives dont le sujet dispose pour traiter les informations qui lui parviennent, mais elle s’étaye aussi sur la dynamique psychique ». Cette représentation est à la fois personnelle, familiale, et surtout sociale dans le sens ou elle nous rattache et nous projette sur l’appartenance au groupe. Un diabétique plus qu’un autre ne peut accepter l’exclusion du groupe. Ca maladie le conforte dans le lien qu’il tisse aux autres. Son angoisse est à l’image névrosée de l’altérité, ou l’absence, le manque de lien sont les marqueurs de sa liberté cognitive mais aussi et surtout comportementale. Hors s’il peut accepter le discours du médecin qui le traite et lui recommande de ne plus « toucher » au sucre, il ne peut se soustraire à l’absence de son appartenance au groupe et son comportement le contraint à accepter sa « dose » sucrée d’appartenance à un groupe d’être (insulino dépendant ou pas) indépendamment de la relation qui induit notre façon d’être. Il ne peut ne pas créer sa réalité qu’il perçoit à partir de la création géographique des anciens (intemporelle, nous y reviendrons) qui est sienne aujourd’hui et dont il est fier de porter le blason. Y compris dans le prisme identitaire caractéristique de la recherche de soi et qui reflète un trop perçu de sucre sociétal qui lui a permis de prendre conscience de son environnement mais aussi et surtout des interactions sociales et sociétales dont il est le garant. C’est cette relation qui est défini comme territorialité. « Entre l’identité héritée celle qui nous vient de la naissance et des origines sociales, l’identité acquise, liée fortement à la position socioprofessionnelle et l’identité espérée, celle à laquelle on aspire pour être reconnu » (Gauléjac, 2002, p. 177). L’absence de sucre nous renvoie à l’absence de l’autre de celui ou celle qui nous invite à accepter ou non; mais aussi et tout simplement, avec laquelle nous partageons un instant un paysage, un moment qui est notre. Le malade, ne se reconnait pas dans sa maladie. Elle l’éloigne du groupe, de la famille et de soi; le « il » ne peut faire fondre ce sucre dans sa tête pas plus qu’il ne peut se fondre dans le néant. L’identité est perception de soi mais cette perception est constamment médiatisée par le regard d’autrui (réel ou intériorisé), par le discours de l’autre (l’autre extérieur qui nous définit et nous juge et l’autre en nous qui parle à notre insu) Edmond Marc psychologie de l’identité, 1992 p5). En Algérie le regard est presque Lacanien; il se porte sur un triptyque : Le réel, la tv et/ou internet L’imaginaire le corps sain La symbolique comme religion puisqu’on y puise des remèdes et des prières pour éradiquer la maladie. C’est ce qui empêche ce regard de se porter sur ce néant qu’il ne considère pas comme un paysage car celui-ci le viderait de sa substance d’être bien ancré dans ses principes religieux, économiques et sociaux. Cette réalité est invariablement et inexorablement présente dans son paysage intemporel. « Il apparaît donc indispensable, pour comprendre toute forme de territorialité, de s’attacher à la relation évolutive entre les marqueurs, signifiants, et les lieux, signifiés » (Bailly A. et Ferrier J.-P., 1986). Le pouvoir du sucre comme aliment de luxe. La fabrication du sucre aurait commencé dans le Nord-Est de l’Inde ou dans le Pacifique Sud respectivement vers 10000 ou 6000 avant J.-C. Néarque, l’amiral d’Alexandre le Grand, lors d’une de ses explorations en Inde vers 325 avant J.-C, parle d’un « roseau donnant du miel sans le concours des abeilles », reprenant une expression des Perses. Mais aussi comme remède sur le sujet est à la fois physiologique, social en tant qu’appartenance au groupe, sociétal en tant que monnaie d’échange, économique en ce sens qu’il est la base sur laquelle une famille repose son quotidien immédiat intra et extra le rendant par la même politique, symbolique au sens du signifiant qu’il projette et du signifié qu’il est, religieux «De leurs abdomens elles sécrètent une liqueur aux couleurs variées renfermant une guérison pour les humains». Coran (Sourate An-Nahl/69). il s’agit bien d’un aliment le sucré qui ne peut qu’anoblir le sang « toute la stratégie répressive et réductrice des systèmes de pouvoir est déjà dans la logique interne du signe, comme elle est dans la valeur d’échange et de l’économie politique » (Baudrillard J., 1972). Le paysage exprime donc une relation entre le sujet et l’objet. Si le diabète est le sujet l’être qui en est malade est l’objet, si le malade est le sujet le diabète est l’objet; Quand une personne embrasse tendrement un enfant en Algérie, il parle de sucre et l’identifie au caractère et aux propriétés du sucre. Ce paysage sans objet sans diabète auparavant va prendre toute sa place dans un espace qui lui sera refusé dès lors que celui est diagnostiqué. Donc ne pas s’appliquer à aider au changement du regard paysagé du malade, sujet de sa propre maladie revient à l’inciter à rester l’objet de sa propre maladie. Le changement doit porter sur la relation bien plus que sur la personne pour pouvoir inscrire le sujet dans une démarche de changement. Car le sujet est porteur de représentations socio-spatiales qui donnent des significations particulières aux objets appréhendés et le diabète est appréhendé uniquement lorsque l’image qui en est extraite est saisie par le sujet. « Les relations intrinsèques » qu’effectuent les individus entre eux pour posséder les mêmes systèmes de référence, de pertinence et de compréhension pour intelligibiliser le monde qui les environne, débouchera alors sur un « sens commun » (A.Schütz, 1987). Et le diabète donne du sens au sujet au niveau de ses représentations comme au niveau de ses relations aux autres. C’est un marqueur de temps. De temps de vie en Algérie puisque rappelons que les amputations ont progressées de plus 56%; Il permet de passer d’une souffrance individuelle à une souffrance sociale, voire même socialisante puisque de plus en plus de malade se reconnaissent à travers cette maladie. Certes nous nous situons dans les réseaux de l’interprétation de la maladie. Si l’on considérait en Algérie le diabète comme une épidémie on pourrait sans nul doute mieux saisir l’importance et par de la même mieux apprécier les conséquences des « pathologies du pouvoir » inscrites dans les inégalités de classe et désignées comme lieux du pouvoir de M.Foucault. Avec le déni point de révolte juste du déni, car la sublimation du sucre est synonyme du désir « être bien » « se sentir à l’aise » même les idiomes locaux Algériens rassurent : soccor, ghlou, ghsel (miel) mais évoquent aussi l’intentionnalité suprême et sublime de ce qui dépasse l’homme. Nous sommes avec ces idiomes aux portes de la jouissance mais aussi à celle de la frontière entre le rituel, linguistique, …incorporation phénoménologique vis-à-vis d’un quotidien. Un mélange des structures intérieures et extérieures dont le sucre est le prisme, le vecteur associatif, une dépendance politico économique qui met le sucre au premier rang des ingrédients colonisateur de cette nouvelle Algérie. LA TEMPORALITE Ainsi Ces dons et contre-dons, de denrées alimentaires le plus souvent, s’observent pour la plupart lors des rites qui jalonnent l’année et la vie de l’individu. Les Algériens et Algériennes en sont très avides. Au cours de ces célébrations, les hommes ne sont cependant pas les seuls à recevoir des cadeaux, les entités suprahumaines (Djnouns etc…) sont, elles aussi, repues de nourriture et de boisson puisque dans certains rites ils sont offerts. L’IMAGINAIRE S’ORDONNE DEVANT LA MORT « Lorsque l’on visite un défunt personne ne prend rien mais une semaine après tu offres 5 kilos de sucre et le savon » On accueille les invités en leur proposant des gâteaux et sucreries. Il y a aussi des croyances Algérienne répandues. Exemple de discours tenu par un chef de service hospitalier : « le miel il ne te fait rien » « le miel est un médicament vous avez beau leur expliquer que le miel c’est du sucre. C’est très difficile de transmettre le message. Tout ca c’est l’aspect social aussi l’inspection de tous ces trucs la, hein ? C’est aussi l’activité annexe, physique il y a deux piscines dans notre ville on ne peut pas y accéder en tant que femme. Faire des footings moi ca fait des années que j’aimerai faire des footings avec mon mari mais ici ce n’est pas possible y’a une salle de sport ou je me suis inscrite mais les horaires ne m’arrangent pas. Concernant le médicament c’est plus que dramatique nous sommes en pleine léthargie, c’est incroyable péritonite abcès pédiculaire ; ils ont reçu du flagyl. Péritonite c’est une péritonite. Le problème c’est le suivi. C’est des malades qui n’avaient pas de flagyl. Un jour deux jours ou alors ils avaient un flacon puis plus rien. Ainsi de suite je suis descendu…» « Par exemple j’ai eu un malade que j’ai envoyé chez le diabétologue il avait les 2 pieds le pauvre de pris l’hyperkératose et je lui expliqué comment éviter d’arriver à l’hyperkératose je me suis dit en même temps je vais lui faire une certaine éducation mais toute seule je ne peux pas comme il y a une endocrino qui travaille pour nous (l’hôpital), le jour ou je lui ai envoyé mon patient, elle l’a fait attendre des heures et des heures?» « Il m’a rapporté ce qu’elle lui a dit « je ne suis pas la pour t’aider sur le plan psychologique ! En arabe. Ce n’est pas d’un psychologue qu’il a besoin mais d’une prise en charge endocrinienne j’ai fini par l’adressé chez une privée.ca lui fait loin ca lui fait cher mais bon il est pris en charge il faut expliquer au malade qu’il lui faut une prise en charge néphrologique cardiologique, j’ai quand même réussi à toucher du doigt certaines choses » alors la seul chose qu’il n’a pas fait c’est l’examen ophtalmologique. » Le diabète vient en deuxième position au classement des maladies chroniques, derrière l’hypertension en Algérie, selon la 3e étude nationale des indications multiples. Le nombre de personnes atteintes de diabète est en progression, passant de 0,3% chez les sujets âgés de moins de 35 ans à 4,1% ,5% chez les plus de 60 ans, selon cette étude menée par le ministère de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière, en collaboration avec l’Office national des statistiques et des représentations des Nations unies à Alger. Le diabète, deuxième maladie chronique en Algérie (liberté du 8/02/2012) Selon les nouvelles données de l’OMS, le nombre de patients s’élèvera à 4 100 000. Pour les diabétologues algériens, cette absence de chiffres fiables fausse les prévisions, et elle est l’une des causes invoquée par les spécialistes pour expliquer les pénuries cycliques de médicaments. Lorsque l’on rentre dans une structure hospitalière Algérienne on s’aperçoit d’un manque d’hygiène flagrant conforté par l’entretien que nous avons eu avec certains médecins et chefs de service : Approche par les professionnels de la santé Algérienne Discours d’un chirurgien « c’est pour l’intérêt du malade, ceux qui nous gouvernent, je vous assure qu’ils ont les moyens, (les autorités) ils ont beau faire des séminaires sur les diabétiques…» Les chiffres sont bien au rendez vous et toutes les prévisions sont alarmantes quand à l’étude de cette catastrophe qui devrait inciter les pouvoirs public à prendre en charge entièrement comme cela se fait en Europe, les diabétiques. Car c’est bien le malade qui pâti du laisser aller de certaines structures sanitaires qui prônent le gain facile. Les pieds diabétiques véritable dérive de la maladie sont les plus représentatifs en termes de nombres car les couts d’hospitalisation sont exorbitants. Il est évident que sans prévention et sans engagement de l’état cela ne fera qu’empirer. Quels sont les services hospitaliers qui prennent en charge les pieds diabétiques : aucun. On en parle mais cela reste des paroles. Le coût du diabète : En Inde, une famille indienne consacre jusqu’au 25 % de ses ressources pour la prise en charge d’un seul diabétique. Aux USA, ce chiffre est de 10 % pour les familles ayant un enfant diabétique. En général, les coûts directs du diabète représentent entre 2,5 et 15 % des budgets annuels de santé selon chaque pays. Aux USA : le total des dépenses consacrées aux soins du diabète s’élève à 44 milliards de dollars US. Et en Algérie nous n’avons pas eu accès aux chiffres réels des dépenses. Suivant les pays, 10 à 25 % des dépenses hospitalières sont consacrés aux soins du diabète et de ses complications. Le coût immatériel du diabète ; La douleur – l’anxiété – la perte de la qualité de la vie – l’inconfort Le diabète représente aujourd’hui l’une des cinq premières causes de mortalité dans de nombreux pays. Selon la International Diabètes Fédération (IDF), 3,2 à 4 millions de personnes meurent chaque année de cette maladie qui fait plus de victimes que le sida (trois millions). CONCLUSION En Algérie, beaucoup de diabétiques ignorent totalement leur maladie. Le dépistage actif auprès de la population à risque, constitue le programme essentiel des professionnels de la santé et des associations de diabète qui œuvrent au quotidien. Mais cela reste insuffisant. Nos certitudes c’est qu’en Algérie les chiffres sont graves et lourds de conséquences pour l’ensemble du pays et du peuple Algérien. Les malades ignorent tout de leur état de santé et quand ils sont déclarés diabétiques ils ignorent leur maladie, pour les raisons évoquées en amont. Aujourd’hui, nous sommes sur que c’est une pandémie (500 millions dans les 15 prochaines années). En Algérie rien n’est fait pour alerter endiguer et prévenir par exemple les enfants dont 50% sont touchés avec plus de 2900 nouveaux cas par an. C’est les niveaux sociaux les plus défavorisés qui sont les plus touchés. 22% des dyalisés sont diabétiques 31.5% des rétinopathies concernent des diabétiques 37% des neuropathies se rapportent aux diabétiques 32% des amputations (artériopathies oblitérantes membres inférieurs) sont d’origine diabétique En Algérie on est passé de 8000 à 16 000 amputations en moyenne annuellement et la cause est le diabète Si l’on prend tous les amputés en Algérie on sait aujourd’hui que plus de 50% d’entre eux l’ont été à cause du diabète On sait aussi que dans les 4 à 5 ans suivant leur amputation les diabétiques décèdent et ceux qui restent parmi eux 85% développeront un ulcère du pied Au devant de cet état des lieux des plus flagrants nous estimons qu’il est urgent et prioritaire de continuer à sensibiliser la population, mais aussi les professionnels concernés et le ministère concerné pour ensemble réfléchir et réagir afin de ne pas laisser se propager un état de fait : L’avancée et la propagation d’un fléau sucré qui s’abat sur l’Algérie. * Djamel Didoune : Psychologue psychothérapeute psychanalyste Anthropologue EHESS Président et coordinateur du Cercle méditerranéen des médecins au sein de la Maison de l’Union Méditerranéenne |
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